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Danser Brut : le mouvement qui libère - Une nouvelle expo à Bozar

 Valeska Gert, Tänzerische Pantomimen, 1925, Centre national de la danse CN D, Pantin,

© Images des collections du Centre national de la danse CN D

Danser Brut met en lumière les liens entre les mouvements involontaires ou compulsifs du trouble mental et l’expression artistique : la danse, le cinema, le dessin. De la farandole à la transe, de la possession à l’hystérie, de l’asile à la scène. 

Rebecca Horn, Pencil Mask de Performances II, 1973, Tate: présenté par l’artiste en 2000,
Rebecca Horn, Pencil Mask de Performances II, 1973, Tate: présenté par l’artiste en 2000, © Rebecca Horn

Danser Brut se présente sous la forme d’un parcours thématique qui nous fait progresser du carrousel de l’enfance à la danse contemporaine, en passant par l’art dit brut, les documents photo du Dr Charcot sur l’hystérie, les films de Chaplin et Pabst et les œuvres d’artistes contemporains. Un parcours qui se déploie à travers les sites des deux producteurs de l'exposition : le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et le Musée Dr. Guislain à Gand.

Dès l’entrée de ce parcours thématique, un film muet nous confronte aux mouvements étranges de Valeska Gert, célèbre danseuse de cabaret et comédienne du Berlin des années 20 qui créée des solos dans lesquels elle danse ses personnages. Entre burlesque et grotesque, elle ironise sur l’époque avec " la mort ", " la nourrice ", " la canaille ". Elle sera une des inspiratrices du Tanz Theater de Pina Bausch.  

Jean Grard, Le Manège aux oiseaux, 1995–2004
Helmut Nimczewski, Coliseum, 1988, LaM, Villeneuve-d’Ascq,

Le cercle, comme expression première du mouvement, est un véritable fil rouge à travers le parcours. Des carrousels et girouettes de l’artiste xx aux dessins compulsifs de xx, le cercle c’est aussi les farandoles et les étranges épidémies de danse, en Allemagne et en Alsace : un phénomène d'hystérie collective où un groupe de personnes se mettent subitement à danser de façon incontrôlable et étrange. On en a recensé une vingtaine entre 1200 et 1600 (Le Monde,‎ 28 juillet 2014). Danser Brut nous montre une scène de danse dans un extrait du film Paracelsus de G W Pabst (1943). Cette scène aurait été une source d’inspiration pour la chorégraphie des zombies de Michael Jackson dans Thriller. Le parallèle est assez intriguant.

Mickael Lackson danse Thriller, 1982
Paracelsus - G W Pabst , 1943

De Charcot à Charlot

C’est l’une des sections du parcours qui nous fait entrer dans l'univers de la psychiatrie du XIXe avec les recherches du Dr Charcot sur l’hystérie. Charcot a l’idée d’examiner l’expression non-verbale de ses malades et fait réaliser des films et des photos de ses malades en crise hystérique. Ces documents auraient inspirés les mouvements de Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes. Jane Avril, surnommée Jane La Folle, patiente du Dr Charcot, se découvre une passion pour la danse. Elle entre au Moulin Rouge puis aux Folies Bergères. Les mouvements choquants dont elle a été témoin durant son séjour à l’hôpital de la Salpêtrière, l’ont inspirée et ont fait d’elle la star du french cancan. Elle sera l’égérie de Toulouse-Lautrec.  

 Un jour, j'ai dansé comme un chevreau. On avait fait cercle autour de moi. J'avais l'air d'une enfant " Jane Avril 

Elle entre au Moulin Rouge puis aux Folies Bergères. Les mouvements choquants dont elle a été témoin durant son séjour à l’hôpital de la Salpêtrière, l’ont inspirée et ont fait d’elle la star du french cancan. Elle sera l’égérie de Toulouse-Lautrec.  

Henri de Toulouse-Lautrec, Jane Avril, 1893, KBR, Cabinet des estampes, Bruxelles,
Albert Londe, Mme Barret de la série Iconographie photographique de la Salpêtrière, vers 1883,
Galerie Baudoin Lebon, Paris,

La main en roue libre

Le dessin peut aussi être une forme de danse. Et le crayon peut être le vecteur pour canaliser l’énergie mentale et physique. Dans la section  " La danse du crayon ", on découvre des dessins rarement exposés du célèbre danseur étoile Vaslav Nijinski. Des dessins répétitifs sur le thème de l’œil et du cercle réalisés entre 2017 et 2019, lorsque Nijinsky fut contraint de mettre fin à sa carrière de danseur en raison de troubles mentaux. Diagnostiqué schizophrène, il était convaincu de la surveillance permanente de Diaghilev sur sa personne. Aux deux extrêmes du pouvoir de la main, on trouve d’un côté les compositions minutieusement détaillées de l’artiste d’art situé Adolf Wölfli, auteur de 3000 dessins, et de l’autre le célèbre dripping du peintre américain Jackson PollockUn mouvement qui permet, selon Pollock, de créer un tableau perpétuel, sans commencement et sans fin.

Vaslav Nijinski, Arcs et segments : lignes, 1918–1919, Stiftung John Neumeier, Hambourg,
Adolf Wölfli, Skt. Adolf=Fontteine=Insel=Ring=Riesen=Schlange, 1913, Adolf Wölfli-Stiftung,
Kunstmuseum Bern,

La danse moderne héritière des hystériques

Le psychiatre Dirk De Wachter, invité de l’exposition, a eu l'occasion de consulter les archives du Dr. Charcot en 1986. Sur les films inventoriant les symptômes de l’hystérie, il découvre "des images de crises épileptiformes, de mouvements spastiques, de poses catatoniques, de TOC, de gestes agités, de grimaces". Il constate une ressemblance entre ces mouvements et l'univers de la danse moderne. Martha Graham, Merce Cunningham , Pina Bausch... Chez nous les chorégraphies de Wim Vandekeybus, de Jan Fabre et d’Alain Platel faisaient "directement référence aux graves pathologies de l’individu exclu." La danse moderne semble être parvenue à faire le lien entre la déviance et la normalité, ajoute-t-il, entre le malade marginalisé et l’artiste encensé de toutes parts.
On peut regretter que Danser Brut ne nous montre pas d’exemple filmé des chorégraphies historiques de Martha Graham ou Merce Cunningham qui disait "le mécanisme pour la marche est le même pour tout le monde. Mais chaque personne marche différemment. Et cela c'est l'expression". On aurait aussi aimé voir des extraits de pièces de nos célèbres Fabre, Vandekeybus et consorts.

Le film Tarantism de Joachim Koester qui clôt le parcours, en référence à la Tarantelle, est une plongée dans la "terra incognita du corps", selon l'artiste. Une promesse de mouvements incontrôlés et compulsifs, de spasmes et de convulsions. Un film de 2007. 

De même, on remarquera le parti-pris européano-centré lorsqu’il s’agit de traiter des expressions de la transe ou de la folie. On peut imaginer que le voyage chamanique avec ses mouvements dansés, la transe initiatique des Gnaoua ou même les expériences psychédéliques sous LSD des sixties, autant de manifestations du langage de l’inconscient, sont d’autres pistes à explorer pour relier mouvements du corps et expressions artistiques.  

Michel François, P. à l’infini, 1995, Courtesy de l’artiste et Xavier Hufkens Gallery, Bruxelles,
Michel François, P. à l’infini, 1995, Courtesy de l’artiste et Xavier Hufkens Gallery, Bruxelles, © Courtesy de Xavier Hufkens Gallery / Michel François

En Pratique :

Danser Brut – jusqu’au 10 janvier 2021

avec des œuvres d’Ulrich Bleiker, Michaël Borremans, Charlie Chaplin, Louise Bourgeois, Henri de Toulouse-Lautrec, Michel François, Valeska Gert, Rebecca Horn, Henri Michaux, Vaslav Nijinski, Arnulf Rainer, Georges Méliès, Philippe Vandenberg, Mary Wigman, Adolf Wölfli, Hans op De Beeck, Guo Fengyi, Scottie Wilson, Franz Hartl, Emma Kunz, Émile Josome Hodinos…

BOZAR

Rue Ravenstein, 23 – 100 Bruxelles

Bozar.be

MUSEE Dr. GUISLAIN

Jozef Guislainstraat, 43 - 9000 Gent

museumdrguislain.be/fr

 

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