Belgique

Dans la prison de Mons, la situation devient invivable : "170% de surpopulation chez les femmes, 135% du côté des hommes"

Surpopulation et insalubrité à la prison de Mons : 415 détenus pour 292 cellules

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Par Maud Wilquin, sur base des propos recueillis par Pierre Wuidart

Le 8 juillet dernier, le bourgmestre de Mons, Nicolas Martin (PS) menaçait de fermer la prison de Mons si le Fédéral n’agissait pas.

A Mons, comme dans d’autres prisons du pays réside, un important problème de surpopulation carcérale, de manque d’effectif et de vétusté. Des conditions "inacceptables et inhumaines" qui nous ont été confirmées tant par le personnel pénitentiaire que par les détenus eux-mêmes. A Mons, les détenus dorment à deux dans une cellule de 9m² censée n’accueillir qu’une seule personne.

"Il y a 274 cellules à Mons, moins 9 qui sont condamnées parce qu’en rénovation à cause de l’humidité, des champignons, des punaises", explique Vincent Spronck, le directeur de la prison de Mons. "Et dans ces 274 moins 9, il y a 369 hommes. Donc il y a énormément de cellules en duo. Il y en a même une dans laquelle on a dû installer un matelas à terre. On se marche dessus."

© RTBF

Chez les femmes, on compte 27 cellules pour 46 femmes. "Le taux de surpopulation chez les femmes est de 170%, côté homme c’est 135%. Ce sont des taux extrêmement élevés même s’il y a pire. À Anvers, le taux est de 190%. A Dinant, une toute petite prison, c’est aussi 170%. On est à 11.000 détenus pour 9600 places. A Mons, la situation est très difficile."

Et pour cause, cette promiscuité accrue fait monter la tension. Les détenus sont entassés, font leurs besoins les uns devant les autres, ne s’entendent pas toujours… Les bagarres sont très fréquentes, et les agents en sous-effectif en pâtissent. "Nous sommes censés être 217 agents à Mons et nous sommes actuellement 200. Il y a cinq ans d’ici, avant la régionalisation, nous étions 236", nous confie Mario Parlapiano, président régional de la CSC pour le Hainaut et le Brabant wallon et agent technique à la prison de Mons. "On nous donne des tâches supplémentaires mais la surpopulation est telle qu’on ne sait plus les couvrir. Nous devrions être 5 agents pour gérer 100 détenus. Bien souvent, nous ne sommes que trois. A la fin de la journée, nous sommes sur les genoux, ce n’est plus possible. Le manque d’effectif entraîne l’absentéisme. Au niveau de l’administratif, les dossiers ne suivent pas non plus puisque nous sommes à 105 détenus supplémentaires. Les détenus s’énervent et qui subit en premier ? L’agent qui ouvre la porte. Une bagarre a encore éclaté ce matin."

Pour le directeur de l’établissement, "cela devient difficile d’expliquer aux détenus pourquoi ils sont là si les conditions sont aussi mauvaises." "On a besoin d’agents qui peuvent absorber le stress des détenus qui se retrouvent dans ces conditions."

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Une cuisine défectueuse

Le directeur oriente ensuite sa visite vers la cuisine de la prison. Une cuisine dépassée et presque inutilisable. "La cuisine illustre ce que l’on connaît dans les vieux bâtiments : ça lâche ", constate-t-il. " Pendant six mois, nous avons eu des problèmes avec les douches : soit l’eau était bouillante, soit elle était trop froide. Nous devions choisir entre le fait de donner des douches ou d’allumer le chauffage. Et ce problème était à peine réglé par la Régie des bâtiments que la cuisine lâchait. Un four sur deux est hors service, aucune des marmites ne fonctionne et les Samova qui permettent de faire du café sont morts. C’est grave. Le temps que nous passons à régler ces problèmes est du temps que l’on passe en moins avec les détenus ou le personnel pour que tout se passe bien."

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Infestations de punaises récurrentes

Autre problème majeur : la présence de punaises entre les 4 murs de la prison. "Nous avons des punaises depuis 5 ou 6 ans, nous avons essayé tous les traitements possibles", regrette Vincent Spronck. "Aucun n’a abouti parce qu’il y a trop d’endroits où elles peuvent se cacher. Il faut une hygiène irréprochable. Les punaises touchent principalement les hôtels, mais dans un hôtel, vous videz un étage entier pour faire le traitement, mais ici c’est impossible."

Pour traiter au mieux le problème dans les cellules, le personnel de la prison déplace les occupants dans une cellule provisoire de 9m². De petites pièces qui accueillent jusqu’à 4 personnes le temps de la désinfection. Une solution qui ne convient pas à tous les prisonniers. Pour échapper à cette proximité renforcée, certains taisent leurs piqûres. "Le traitement fait qu’ils sont privés de leurs affaires pendant 48 heures, ça en rajoute une couche. Nous craignons l’étincelle de trop qui mettra le feu à l’établissement."

Pour le directeur, les pistes ne manquent pas pour améliorer la situation : "Il y a à mon avis un engagement de personnel qui doit se faire pour rendre ça plus vivable. On demande du personnel pour accompagner ces gars qui sont dans ces conditions." Autre solution malheureusement impossible : les transferts de prisonniers depuis une prison engorgée vers une prison moins remplie. "Mais il n’y a plus de place nulle part", affirme Vincent Spronck. "On a construit 1000 places supplémentaires ces dernières années, ce qui représente un effort colossal du gouvernement et de l’administration pénitentiaire, mais la surpopulation continue. L’idée du ministre de construire des maisons d’arrêt est excellente. Mais en attendant qu’elles soient là, nous avons besoin d’un sas pour souffler. Et ce sas n’est pas disponible. Il faudrait que les magistrats en lien avec le correctionnel viennent visiter les prisons, qu’ils sachent ce que c’est d’être condamné. Les juges d’instruction viennent régulièrement et on le salue."

La prison de Mons.
La prison de Mons. © Belgaimage

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