Liège

Cristal Park à Seraing : cinq sociétés risquent la faillite, dont Immoval et Valinvest

Le château du Val Saint-Lambert

© RTBF - François Braibant

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Par François Braibant avec David Leloup (Le Vif)

Le Cristal Park s’approche-t-il dangereusement de l’implosion finale ? Son ex-manager Pierre Grivegnée est en prison préventive pour abus de biens sociaux. Voilà pour le volet pénal. Mais une autre branche de la justice s’occupe du Cristal Park : le tribunal de l’entreprise. Depuis le 28 juillet dernier, cinq sociétés au centre du projet sont en réorganisation judiciaire. Comprenez qu’elles sont très endettées, mais qu’elles ont obtenu un délai pour découvrir la potion magique qui les sauvera de la faillite.

Un mic-mac de dettes et de sociétés

Ces cinq sociétés sont : Speci, Valinvest, Immoval (les trois principales), plus l’asbl Cristal Discovery et l’immobilière Deprez. Les trois premières sont des sociétés-gigognes : Speci est actionnaire majoritaire de Valinvest et Valinvest actionnaire majoritaire d’Immoval. Immoval doit réaliser le Cristal Park. Jusqu’à sa démission en mars, Pierre Grivegnée a dirigé ces trois sociétés. Il est associé dans Speci à Guido Eckelmans (35% Grivegnée – 65% Eckelmans). Cristal Discovery gère le château et le musée, l’Immobilière Deprez est une filiale immobilière d’Immoval. Un bel embrouillamini pourtant ici très simplifié.

Cet enchevêtrement de dettes et de sociétés est caractéristique du dossier, un peu à l’image de la vieille usine du Val Saint-Lambert, bâtie par à-coups à plusieurs époques, selon des méthodes de construction diverses et pour différentes utilisations. Il en reste des vestiges, là partiellement (mais joliment) rénovés, ici démolis et plus loin ruinés ou restés en l’état depuis plusieurs dizaines d’années. Au Val Saint-Lambert, malgré les quarante millions d’argent public mobilisés, le Cristal Park n’existe toujours pas et les sociétés chargées de le mener à bien perdent trop d’argent.

Combien d’argent ? A elles deux, Immoval et Valinvest doivent 27 millions d’euros à leurs créanciers ! Elles doivent montrer ce 25 octobre un plan de redressement à ces créanciers – et les convaincre. Le 15 novembre, ils voteront pour ou contre ces plans, chacun d’eux avec cette question en tête : "si ces sociétés tombent en faillite, est-ce que je récupère ou non l’argent qu’elles me doivent ?"

Dans cette hypothèse, sachant que Speci, Valinvest et Immoval sont la colonne vertébrale du projet, le Cristal Park pourra-t-il un jour sortir de terre ? "Des candidats repreneurs à vil prix ont tout ça à l’œil et pourraient se manifester quand les circonstances leur deviendront favorables" nous glisse une source très proche du dossier.

Une liste des créanciers

En attendant, il faut faire les comptes et ces comptes montrent beaucoup de rouge : Valinvest doit 14,3 millions d’euros et Immoval 12,4 millions. Qui doit quoi à qui ? Qui risque de ne pas récupérer son argent ? Le Vif et la RTBF se sont procuré la liste des créanciers de Valinvest et d’Immoval.

Les quinze premiers créanciers de Valinvest et Immoval
Les quinze premiers créanciers de Valinvest et Immoval © David Leloup – Le Vif

Le premier créancier, c’est le fonds de pension Ogeo Fund. Valinvest et Immoval lui doivent 14,6 millions d’euros. Vient ensuite Ecetia finances. Immoval lui doit 3,3 millions. Immoval doit aussi presque 2 millions à Noshaq Immo et 1 million et demi à NEB participations, filiale de Nethys. Immoval et Valinvest doivent chacune un demi-million à Speci, qu’on retrouve donc à la fois parmi les sociétés en PRJ et parmi celles qui auraient le droit de recevoir de l’argent des autres en cas de faillite. Pierre Grivegnée est actionnaire de Speci.

L’architecte Christian Sauvage a dessiné et monté tout le projet. Il a été primé à Cannes pour ce travail. Valinvest lui doit 630.000 euros. Même Guido Eckelmans se retrouve dans la liste. Guido Eckelmans est l’associé de Pierre Grivegnée dans Speci. Il en détient 65%. Comme créancier, il pourrait réclamer de l’argent si l’une des sociétés-gigogne dont il est indirectement l’actionnaire n’arrivait pas à survivre à la PRJ.

Garanties et risques

Mais qui serait remboursé ? Les trois premiers créanciers, Ogeo, Ecetia et Noshaq sont prioritaires. Ils sont créanciers "extraordinaires" et disposent de garanties : actions, hypothèques sur terrains et bâtiments, garanties financières. Ces garanties donnent des sueurs froides au conseiller PTB Damien Robert qui calcule que la Ville de Seraing pourrait y perdre "cinq millions d’euros" et des hectares entiers des "plus beaux terrains constructibles de la région liégeoise".

Ogeo Fund pourrait-elle perdre tout ou partie de ses 14,6 millions d’euros ? La Ville s’est bien portée garante pour certaines opérations financières, mais le comité exécutif du fonds n’est pas très rassurant dans sa réponse : " Le conseil d’administration actuel d’Ogeo Fund gère le dossier de manière à minimiser au maximum le risque sur cet investissement tout en sachant que nous ne sommes malheureusement pas couverts à 100%. "

Ecetia a quatre hypothèques et pourrait peut-être sauver les sommes qu’elle a mises en jeu. Les garanties de Noshaq sont moins solides : il faut d’abord arriver à vendre les " lots " du projet Cristal Park (pôle loisir, village commercial, lotissements, bureaux, hôtel). Ces lots ("SPV") existent depuis 2016 et Pierre Grivegnée, malgré ses efforts, n’est pas arrivé à les vendre. Il y en a juste une, la filiale " bureaux " qui a été vendue en 2019… à Noshaq justement. L’avocat d’Ecetia Finances et le porte-parole de Noshaq ne nous ont pas répondu quand nous les avons appelés.

Les autres créanciers n’ont pas de garantie. Ils risquent donc de perdre tout l’argent qui leur est dû en cas de faillite d’Immoval. C’est le cas de la filiale de Nethys NEB Participations et de son million et demi de créance envers Immoval. " C’est une ancienne créance dont nous sollicitons le remboursement, mais le risque est très élevé pour nous de ne pas récupérer ce montant ", concède un membre du conseil d’administration de NEB.

Les créanciers retiennent leur souffle jusqu’au 25 octobre en attendant les plans de réorganisation. En coulisses, les dents grincent. Plusieurs de nos interlocuteurs ont perdu l’espoir de récupérer leurs créances. Comment rembourser des créanciers s’il faut pour ça vendre des bâtiments qui n’ont pas encore été construits ?

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