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Crise en Israël : Benjamin Netanyahou reporte sa réforme de la justice dans un pays paralysé

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Par Daniel Fontaine (avec agences)

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé une "pause" dans le processus d'adoption de la réforme de la justice en cours d'examen au Parlement, et contestée dans la rue depuis près de trois mois.

Dans une adresse à la nation après des consultations politiques avec certains partenaires de la coalition au pouvoir, Netanyahu a annoncé que l'adoption définitive des différents projets de loi de la réforme était reportée à la prochaine session parlementaire devant s'ouvrir après les fêtes de la Pâque juive (5 au 13 avril), cédant ainsi en partie aux demandes des opposants.

Le chef de l'opposition israélienne, Yaïr Lapid, a annoncé être "prêt à un véritable" dialogue, mais à certaines conditions, sur le projet de réforme de la justice qui divise le pays depuis janvier. "Si la législation s'arrête réellement et totalement, nous sommes prêts à entamer un véritable dialogue", a-t-il déclaré dans une intervention télévisée après l'annonce de Benjamin Netanyahu. "Nous avons eu de mauvaises expériences dans le passé et nous allons donc d'abord nous assurer qu'il n'y a pas de ruse ou de bluff", a-t-il néanmoins ajouté.

De son côté, la Maison Blanche a "salué" cette décision.

Reprise après Pâques

Benjamin Netanyahou a négocié avec ses partenaires de gouvernement durant toute la journée, et en particulier avec le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, classé à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien. Ben Gvir s’était ouvertement opposé à une suspension de la réforme. 

En fin de journée, son parti Force Juive a annoncé avoir donné son accord pour un report de la réforme judiciaire après les fêtes. Force Juive dit avoir obtenu en échange la création d’une Garde nationale civile qui sera placée sous l’autorité d’Itamar Ben-Gvir.

Grève générale immédiate, Ben Gourion et des ambassades s’arrêtent

La pression de la rue n’a pas faibli au cours de cette journée mouvementée. La principale centrale syndicale du pays, l’Histadrout, a déclenché une grève générale. "Dès la fin de cette conférence de presse, l’Etat d’Israël s’arrête. Nous avons pour mission d’arrêter le processus législatif et nous allons le faire", a déclaré de grand matin Arnon Bar David, qui dirige l’organisation. Le syndicat des travailleurs de l’aéroport international Ben Gourion a annoncé dans la foulée l’arrêt immédiat des décollages des avions.

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Plusieurs postes diplomatiques israéliens à travers le monde ont annoncé participer au mouvement de grève. C’est le cas de l’ambassade en Belgique : "L’ambassade d’Israël sera fermée aujourd’hui jusqu’à nouvel ordre et aucun service consulaire ne sera assuré", annonce-t-elle.

Risque d’affrontements

Près de 100.000 manifestants se sont rassemblés dans l'après-midi à proximité de la Knesset, le parlement à Jérusalem, pour réclamer le retrait de la réforme judiciaire.

La police redoutait des affrontements avec des contre-manifestants, également venus par milliers défendre la réforme voulue par le gouvernement. Le ministre Bezalel Smotrich, en charge des Finances, a annoncé sa participation. "Nous sommes la majorité. Nous ne devons pas céder face à la violence et l’anarchie", dit-il dans une vidéo. Le groupe de hooligans La Familia, proche de l’extrême-droite, avait appelé ses partisans à se rendre dans les environs de la Knesset pour défendre le projet.

Des milliers de passagers sont bloqués par la grève à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv.
Des milliers de passagers sont bloqués par la grève à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. © GIL COHEN-MAGEN / AFP

Appel au calme

Le risque de violences a été pris au sérieux par les autorités. Benjamin Netanyahou lui-même a appelé au calme. "J’appelle tous les manifestants à Jérusalem, de gauche comme de droite, à faire preuve de responsabilité et à ne pas agir de manière violente", a écrit le Premier ministre sur Twitter.

Le président Isaac Herzog, qui n’exerce pas de responsabilité dans la gestion quotidienne du pays, a lancé, également sur Twitter, un appel solennel au gouvernement : "Au nom de l’unité avec le peuple d’Israël, au nom de la responsabilité qui vous incombe, je vous demande d’arrêter immédiatement le processus législatif." Le chef de l’Etat israélien a déjà appelé à plusieurs reprises à trouver une solution de compromis, sans succès.

Ministre limogé

Dimanche, Benjamin Netanyahou avait limogé son ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui s’était dit favorable à une suspension du projet gouvernemental. Ce limogeage surprise avait fait descendre une nouvelle fois des dizaines de milliers de personnes dans les rues, à Jérusalem et Tel Aviv. Deux députés du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahu et de Yoav Gallant, ont soutenu publiquement le ministre déchu, fragilisant un peu plus la majorité parlementaire.

La réforme du système judiciaire est accusée de mettre en danger le système démocratique en place en Israël. Elle prévoit entre autres de renforcer le rôle du gouvernement dans la désignation des juges. La capacité de la Cour suprême d’annuler des lois serait limitée.

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