Le reste a sombré dans la pauvreté
À cause de l’inflation, la classe moyenne a aussi considérablement perdu son pouvoir d’achat. Selon l’économiste Ezzedine Saidane, "elle représentait 60% de la population en 2010. Aujourd’hui, elle est tombée à 25%. Le reste a sombré dans la pauvreté".
L’an dernier, le gouvernement a allégé les subventions sur les hydrocarbures, cinq fois de suite. Une augmentation cumulée de 20%. Les chauffeurs de taxi sont les premiers concernés. Ahmed Mzougui a été obligé de répercuter cette hausse sur les compteurs. Avec son taxi culturel, il tente de fidéliser ses clients. Malgré ça, il reconnaît avoir perdu son niveau de vie. "J’ai arrêté de sortir au restaurant chaque semaine, maintenant, on sort une fois par mois. Au lieu d’acheter 2 kg, on achète 1 kg, au lieu d’acheter 2 paquets, on en achète un seul… Ce n’est plus comme avant !".
Dans sa loi de finance de 2023, le gouvernement a prévu de lever progressivement les subventions des hydrocarbures et des produits de base "pour atteindre la vérité des prix d’ici 4 ans". Car ces subventions que l’État puise dans la Caisse de compensation, pèsent lourd dans les finances publiques : plus de 3,3% du PIB.
Indicateurs économiques au rouge
"La Tunisie n’est pas au bord de l’effondrement", analyse Ezzedine Saïdane, "mais il faut admettre qu'il y a un problème de gestion : l’État dépense beaucoup, sans efficacité économique. Nous le constatons dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la justice, de la sécurité, de nos entreprises publiques : malgré les dépenses, la qualité se dégrade".
Tous les indicateurs économiques de la Tunisie sont au rouge : une inflation à deux chiffres, une dette qui dépasse les 100% du PIB, une très faible croissance prévue cette année, 42% des jeunes sont au chômage. Mais surtout, les caisses sont vides. Après le Covid, les exportations se sont effondrées, tandis que le tourisme n’a jamais retrouvé son niveau d’avant les attentats du musée du Bardo puis de Sousse, en 2015, faisant respectivement 24 et 39 morts.
Le gouvernement tunisien a négocié un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). En échange de 1,9 milliard de dollars, il s’engage à mettre en œuvre une série de réformes, notamment améliorer la fiscalisation de l’économie informelle, réduire l’énorme masse salariale du secteur public, supprimer progressivement les subventions, moyennant des mesures compensatoires ciblées, destinées aux plus modestes…
La masse salariale en Tunisie est considérée comme l’une des plus élevées dans le monde arabe. En 2022, elle accaparait plus de la moitié des ressources de l’État (56%). "L’État embauche énormément dans les entreprises publiques, quand bien même les bénéficiaires n’ont rien à y faire, pas de travail à effectuer, pas de bureau. Notamment dans l’industrie du phosphate", confie un anonyme à bonne source.