Il s’agit d’une pièce de joaillerie qui a donc une valeur historique mais pas seulement, puisqu’on l’évalue à 5 à 6 millions de francs de l’époque. Ce qui représenterait aujourd’hui plus de 3 millions d’euros… C’est donc un vol d’une grande importance qui a lieu à Chantilly, ce mois de juin 1926. Et qui explique l’importance des moyens policiers mis en œuvre. Jérôme de Brouwer, historien du droit et de la justice à l’ULB, nous donne des précisions :
On retrouve, dans ce dossier peu ordinaire, les brigades mobiles… Ces fameuses "Brigades du Tigre", organisées à l’initiative de Clémenceau, alors ministre de l’Intérieur, ces "Brigades du Tigre" dont certains se souviennent encore, à travers la série télévisée qui mettait en scène le commissaire Valentin et les inspecteurs Pujol et Terrasson. Mais on est loin ici de l’image qu’on en a, celle de l’ambiance "1900" avec ses premières automobiles… Au cours des années 20 et plus encore à partir des années 30, les brigades mobiles sont mieux équipées et elles peuvent s’appuyer sur de nouvelles techniques d’investigation, dans un contexte de développement de la police scientifique.
On envoie à Chantilly les inspecteurs Février et Lespinasse, de la Première brigade mobile, établie à Versailles. La Première Brigade mobile a en effet quitté Paris en 1919, pour s’installer à Versailles, suivant la volonté du ministre de l’époque de "déparisianiser" la police judiciaire.
Une fois sur place, ceux qu’on appelle alors les "mobilards" procèdent aux premiers devoirs d’enquête. Ils s’appuient sur le développement de techniques nouvelles, comme la dactyloscopie. Jérôme de Brouwer nous éclaire sur ce que la dactyloscopie apporte à l’enquête criminelle :
Il faut d’abord comprendre que la dactyloscopie n’a pas pour objectif, dans un premier temps, quand elle apparaît, vers 1900, la détection des criminels et l’imputation d’un fait criminel à un individu sur la base de son ou de ses empreintes digitales. Cela s’impose progressivement, dans un second temps. Elle a d’abord pour objectif de pouvoir identifier des individus qui voudraient dissimuler leur passé criminel. Enfin, il faut bien comprendre que lorsqu’un individu est fiché, c’est-à-dire lorsqu’il est repris, avec mesures et empreintes digitales, dans les fichiers de l’Identité judiciaire, la recherche de la "correspondance" entre l’empreinte trouvée sur une scène de crime et la fiche qui pourrait lui correspondre forme une démarche particulièrement longue et fastidieuse à l’époque. Fastidieux mais parfois couronné de succès, comme dans cette enquête.
Une enquête qui va progresser jusqu’à Strasbourg. Et pousser les inspecteurs Février et Lespinasse à collaborer avec leurs collègues des autres brigades mobiles. Une collaboration qui démontre l’efficacité d’une police judiciaire à la fois unifiée et répartie sur le territoire, comme l’avait voulu Clémenceau.
Un crime, une histoire : 36, Quai des Orfèvres, c’est 10 épisodes en diffusion hebdomadaire, le dimanche de 18h00 à 19h00 dès le 4 juillet et en diffusion quotidienne du 16 au 27 août de 12h00 à 13h00.