Une volonté de dissimulation ?
Pourquoi les Ethiopiens n’ont-ils pas intégré les remarques des enquêteurs américains et français ? Ancien pilote et enquêteur, Yves Enderlé précise que "les compétences des NTSB et BEA, entre autres, sont mondialement reconnues".
Dès lors, sa conclusion est simple : "Ne pas vouloir inclure leurs remarques dans le rapport final est preuve soit d’incompréhension totale, soit de volonté de dissimulation, en plus du non-respect de la réglementation", puisque c’est en effet prévu par l’OACI (l’organisation de l’aviation civile internationale), comme le rappelle très clairement le BEA sur son site : "Les dispositions de l’OACI prévoient que l’État qui mène l’enquête envoie un projet du rapport final aux États participant (dans le cas présent au représentant accrédité du BEA pour la France et à celui du NTSB pour les États-Unis). Ceux-ci sont alors invités à présenter aussitôt que possible toutes observations dignes d’intérêt qu’ils souhaiteraient formuler sur le rapport. Si l’État qui a mené l’enquête reçoit des observations dans les 60 jours, il amende le projet de rapport final de façon à y inclure la teneur des observations reçues ou, en cas de désaccord sur celles-ci, et si l’État qui a formulé les observations le souhaite, présente ces observations en annexe au rapport".
Le bureau d’enquête français explique encore qu’à partir de janvier 2021, le NTSB et le BEA ont été consultés sur un projet de rapport final élaboré par l’EAIB et que tant les enquêteurs américains que français ont demandé que "les aspects relatifs à la performance de l’équipage soient mieux exposés et analysés". Mais, conclut le BEA, "ces échanges n’ont pas permis d’aboutir à des modifications satisfaisantes et ont conduit le NTSB et le BEA à demander la mise en annexe de leurs observations au rapport final". Ce qui n’a pas été fait.
Une image mise à mal
Expert en aéronautique, Waldo Cerdan rappelle qu’Ethiopian Airlines est une compagnie nationale qui jouit, sur le plan international, d’une image d’excellence en termes d’efficacité opérationnelle et de profitabilité : "Elle a connu une croissance spectaculaire ces dix dernières années triplant quasiment sa flotte, le nombre de passagers transportés, le cargo, tout en restant rentable. Elle est également membre d’une alliance – Star Alliance – de renommée mondiale. Dans ce contexte, les remarques du NTSB et de BEA, pour pertinentes qu’elles soient, mettent à mal cette image d’autant plus qu’elles mettent en cause de potentiels dysfonctionnements systémiques, tant au niveau de la sélection/formation de pilotes que des procédures de suivi au niveau de la maintenance. Donc, bien que les autorités éthiopiennes auraient dû intégrer les remarques du NTSB et du BEA, on comprend leur réticence à le faire puisque cela revient à rédiger, eux-mêmes, un texte qui pourrait servir d’acte d’accusation à leur endroit ".