Décrypte

Craignant une "contamination" par du sang de personnes vaccinées lors d’une transfusion, des internautes recherchent du "sang pur"

Image d’illustration d’une poche de sang.

© toeytoey2530 / Getty Images

La désinformation sur les vaccins entraîne certains internautes opposés à la vaccination à rechercher ce qu’ils appellent du "sang pur", c’est-à-dire du sang de personnes qui n’auraient jamais été vaccinées. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne les vaccins contre le Covid-19 qui suscitent encore beaucoup de méfiance dans une partie de la population, notamment en Belgique.

Plusieurs exemples ont mis en évidence ce phénomène. Il y a eu notamment le cas en novembre 2022 d’un couple néo-zélandais qui s’est opposé à une opération chirurgicale destinée à sauver la vie de leur bébé de quatre mois, de peur qu’il ne reçoive du sang provenant d’un donneur vacciné. L’affaire a fait beaucoup de bruit dans des groupes de personnes opposées à la vaccination contre le Covid-19 car un tribunal a retiré temporairement la garde de l’enfant à ses parents pour permettre qu’il soit opéré en urgence afin de rectifier une anomalie cardiaque grave.

En août 2021, c’est en Italie que deux filles avaient refusé que leur père reçoive une transfusion sanguine. N’ayant pas obtenu la garantie que le sang qui allait être transfusé à leur papa ne provenait pas d’un vacciné contre le Covid-19, elles ont préféré que leur papa ne reçoive pas de sang qui aurait pu accélérer son processus de guérison. L’information sur les données des donneurs étant confidentielle et devant le refus catégorique du personnel médical de fournir l’information, elles ont préféré refuser le traitement.

Ces cas visibles de refus de transfusions sont des manifestations d’un phénomène plus large qui s’est répandu sur internet. Le mouvement diffuse des théories non scientifiques qui jugent que recevoir des transfusions de personnes vaccinées contre le Covid "contamine" le sang. Pour eux, il serait donc dangereux de recevoir ce sang, jugé "impur".

Des images publiées sur l’un de ces groupes montrent par exemple une infirmière tenant une seringue au milieu d’un champ parsemé de crânes, a constaté un journaliste de l’AFP l’ayant infiltré.

Dans ces groupes privés sur les réseaux sociaux, les défenseurs de ce "sang pur" appellent parfois à la violence contre les soignants qui vaccinent – tout en affirmant, à tort, que les personnes qui ont reçu une ou plusieurs injections meurent en masse. Une affirmation opposée aux connaissances scientifiques.

Une organisation veut mettre en relation donneurs et receveurs non-vaccinés

Une organisation basée à Zurich (Suisse), Safe Blood Donation, cherche pourtant à mettre en relation des donneurs et des receveurs non-vaccinés.

L’association, fondée par un naturopathe suisse, George Della Pietra, promet sur son site d’obtenir du sang pour ses clients. Elle dit être présente en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord, en Afrique et en Asie. Elle a également une adresse de contact en Belgique. Les membres de Safe Blood Donation sont invités à payer des frais d’entrée de 50 euros, puis un abonnement annuel de 20 euros, selon le site.

"Beaucoup de scientifiques et de médecins ont de nombreuses inquiétudes concernant les vaccins anti-Covid, et sont aussi convaincus qu’ils entrent dans le corps par le sang, de façon détournée, pourrait-on dire, et y restent", a assuré à l’AFP un responsable de Safe Blood Donation, Clinton Ohlers. Une affirmation qui ne repose sur aucune base scientifique.

Dans le texte explicatif présent sur sa page d’accueil, l’association précise bien que des banques de "sang pur" n’existent pas, à ce stade. "Il n’existe […] pas encore de banque du sang sans ARNm, pas même avec nous. Et, bien que nous ayons déjà demandé à des centaines de cliniques, à l’heure actuelle – du moins en Europe – toutes refusent encore de permettre le droit humain du libre choix du sang chez elles (sic) – ou du moins ne veulent pas être mentionnées, car sinon elles craignent des représailles".

Des craintes sans fondements scientifiques

Interrogée par l’Agence France Presse (AFP), Jessa Merrill de la Croix-Rouge américaine, rappelle que "les dons de sang de personnes vaccinées contre le Covid-19 sont sûrs pour les transfusions" et que les composants du vaccin "ne se retrouvent pas dans le système sanguin", ajoute-t-elle.

Pour ce qui concerne les vaccins contre le Covid-19 à ARN messager, comme ceux de Pfizer et Moderna (majoritairement utilisés en Belgique), les traces de la vaccination disparaissent rapidement du corps humain. Seuls restent les éventuels anticorps produits par le corps en réaction à l’injection.

En effet, comme nous l’écrivions dans un article consacré à la présence d’ARN messager dans du lait maternel de femmes enceintes vaccinées contre le Covid-9, l’ARN étant par nature une molécule instable, il va lui-même se décomposer en quelques heures, après avoir rempli sa mission.

"Le mouvement du 'sang pur' est basé à 100% sur la désinformation sur les vaccins", conclut de son côté l’épidémiologiste américaine Katrine Wallace de l’École de Santé publique de Chicago. "Et en appeler aux peurs des gens est malheureusement rentable", regrette-t-elle auprès de l’AFP.

Lait maternel ou sperme de "non-vaccinés" serait les prochains "Bitcoin"

Pourtant, cette recherche d’une prétendue "pureté" ne se limite pas au sang. Sur les réseaux sociaux, des publications visent à trouver du lait maternel de personnes non-vaccinées, ou même du sperme - le "prochain Bitcoin" – , prédisent des complotistes.

Il est difficile d’estimer le nombre de personnes cherchant du sang "non-vacciné", mais, selon des experts, en trouver constituerait de toute façon un défi dans les pays où le taux de vaccination est haut.

Aux Etats-Unis, où plus de 80% de la population a reçu au moins une dose, les autorités sanitaires expliquent ne pas demander aux donneurs de voir leur statut vaccinal testé. Les hôpitaux ne peuvent pas communiquer cette information aux patients, s’agissant de don du sang. En Belgique, les informations à caractère personnel du donneur de sang sont protégées par la loi et sont donc confidentielles. Dès lors, en aucun cas le receveur ne peut obtenir d’informations détaillées sur le statut du donneur.

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