Les nouvelles mesures pour lutter contre la deuxième vague de coronavirus entrent en vigueur ce lundi 2 novembre. Un secteur a réagi directement après les annonces du Comité de concertation le 30 octobre : celui des titres-services qui représente 140.000 travailleuses.
Nora* est l’une d’entre elles. Elle travaille comme aide-ménagère dans la région de Charleroi et se dit “à bout”. “J’ai gardé tous mes clients, aucun n’a annulé de prestation. Quand je vais chez eux, j’essaie de respecter les distances mais eux ne respectent rien, ils ne portent même pas de masque. Certains de mes clients sont malades, ils toussent ou ont été en contact avec des gens en quarantaine ou qui attendent un résultat. Ce n’est pas normal, s’insurge-t-elle. Une cliente est malade et me parle de gastro, alors qu’on sait que cela peut être le coronavirus. D’autres reçoivent des gens quand je suis là”.
“J’ai peur”
Nombreuses sont les personnes qui ne respectent pas sa santé soutient Nora qui reste fortement marquée par la première vague, une période durant laquelle elle a continué à nettoyer chez des personnes malades, avant que des sociétés de titres-services ne ferment leurs portes, souvent sous la pression des travailleuses. “Certaines personnes chez qui j’avais nettoyé ont fini aux soins intensifs”, explique-t-elle dans un souffle. “Oui, j’ai peur, j’ai une famille, je ne veux pas tomber malade”.
Elle se sent d’autant plus seule face à cette situation que la société qui l’emploie ne lui a donné aucune consigne. Un flou sur le statut des aide-ménagères que Les Grenades avaient déjà constaté lors de l’annonce du confinement en mars dernier. “J’ai dû envoyer moi-même des messages à tous mes clients pour leur rappeler les règles sanitaires. Ce n’est pas ma société qui l’a fait. J’ai fait remonter mes inquiétudes à ma responsable, elle m’a dit que tout le monde est en quarantaine et que si on s'arrête à ça, on arrête tout”, poursuit-elle.
Certaines personnes chez qui j’avais nettoyé ont fini aux soins intensifs
“Nous ne sommes pas des cobayes”
“On nous envoie au front. Ce n’est pas la même chose que les soignants, mais nous devons payer nos propres masques, nos propres gants, etc. Je me sens comme un mouton dans la fosse aux lions. Je ne pense pas que nous soyons essentielles, des personnes en télétravail peuvent passer leur aspirateur elles-mêmes. Par contre, je veux bien continuer à travailler pour des personnes dépendantes ou des infirmières et des ambulanciers. Je me sentirais plus en sécurité car ils respecteraient les consignes et je me sentirais plus utile”.
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Nora a envoyé une lettre au secrétariat du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et à celui d’Elio Di Rupo (PS), ministre président wallon. Elle y écrit : “S'il vous plaît Monsieur le ministre ! Faites quelque chose ! Établissez des règles à respecter pour les aide-ménagères ou mettez-nous à l'arrêt... Nous ne sommes pas des cobayes.” Elle n’a reçu aucune réponse jusqu’à présent.
Des consignes ont été envoyées
Contacté par nos soins, le cabinet de la ministre wallonne de la santé et de l'Emploi, Christie Morreale (PS), réagit : "Tout ce qui concerne les soins à domicile, les infirmières et les aide-ménagères sociales, cela revient à l'autorité régionale. Nous avons envoyé massivement des équipements pour pouvoir les équiper de manière sécurisée et nous les avons subventionnées pour compenser les pertes financières dues aux clients qui annulaient".
"Pour les titres-services, c'est différent, cela revient à l'employeur, c'est-à-dire à l'agence. Mais nous leur avons envoyé des consignes, notamment pour les équipements, car c'est bien à l'employeur d'équiper les travailleuses, c'est scandaleux si ce n'est pas le cas".
L'emploi et le bien-être au travail relèvent également du fédéral. La question de l'équipement a été abordée via les conventions de travail entre les partenaires sociaux. "Si les travailleuses ne reçoivent pas de matériel adapté, elles ont deux options : d'abord, contacter le conseiller en prévention de leur agence pour le questionner à ce sujet. S'il n'y a pas de réponse, on peut le signaler auprès de l'inspection du bien-être au travail, un contrôle mis en place au niveau du fédéral", souligne le cabinet.
Un risque réel
"Comment peut-on d’un côté limiter les contacts au domicile privé à une seule personne par semaine et dans le même temps, garder le secteur des titres-services ouvert ?", s’interroge quant à elle la Centrale générale de la FGTB, qui dénonce des "décisions politiques totalement schizophrènes et incompréhensibles pour les aide-ménagères" et appelle à la fermeture du secteur, rapportait l’agence Belga le 30 octobre.
S'il vous plaît Monsieur le ministre ! Faites quelque chose ! Établissez des règles à respecter pour les aide-ménagères ou mettez-nous à l'arrêt...
Plus d’un million de personnes utilisent des titres-services, dont 24% dans la tranche des plus de 65 ans. "Le risque est donc réel", selon la FGTB.
“Les différents gouvernements doivent être cohérents ! On ne peut pas limiter les visites à une personne par semaine et laisser les aide-ménagères entrer et sortir dans des dizaines de foyers ! […] Le monde politique doit à tout prix éviter que les travailleuses qui ont déjà lourdement subi le premier confinement ne sombrent encore plus dans la précarité”.
*Le prénom a été modifié