Covid-19 : peu de mesures sociales, car le gouvernement est davantage "mis sous pression par le monde économique", estime Céline Nieuwenhuys (services sociaux)

Céline Nieuwenhuys : secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux

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Le Conseil national de Sécurité de vendredi a pris – on le sait – de nombreuses mesures pour proposer des perspectives de début de desserrement du confinement ordonné pour ralentir le coronavirus. Le secteur économique a reçu de l’oxygène, mais toujours rien ou presque… pour le secteur social. Un secteur qui demande qu’on ne l’oublie pas. Avec même la nécessité de mesures d’urgence.

Or il apparaît que celles-ci étaient prévues, contenues en tout cas dans le rapport du GEES (le groupe d’experts en charge du déconfinement). Mais là-dessus jusqu’à présent pas un mot. Ce que confirme Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la fédération des services sociaux qui, à côté des épidémiologistes et des économistes, était la seule représentante du milieu social dans le groupe : "Dans la note transmise au gouvernement et visiblement aussi aux journalistes, il y avait bien toute une partie comprenant des mesures sociales, importantes et urgentes car la crise sociale, selon moi, risque bien de faire plus de dégâts que la crise sanitaire d’aujourd’hui. Et en effet, pour l’instant, rien de tout cela n’a encore été évoqué par la Première Ministre Sophie Wilmès. J’espère que cela sera dès lors le cas lors du Conseil national de Sécurité de vendredi prochain".

Pour Céline Nieuwenhuys, on traîne : "On traîne pour aborder ces mesures pourtant bien nécessaires car la crise économique prend aussi tellement de place, elle fait tellement peur que le gouvernement s’en occupe en premier. Et il faut bien dire qu’il y a bien plus de pression du côté économique que par exemple du côté des personnes précarisées ou des services qui s’occupent de ces personnes précarisées. Le gouvernement est moins mis sous pression que par le monde économique".


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Il y aurait quatre types de mesures sociales urgentes à prendre dans les prochains jours. "Premièrement, il faut trouver rapidement le moyen de relever tous les minima sociaux, allocations, chômage temporaire, sinon rapidement tous les CPAS vont être débordés de demandes d’aides auxquelles ils ne pourront pas répondre. Deuxièmement, il faut pouvoir automatiser rapidement aussi l’accès à toute une série de droits, tout simplement car les gens précarisés, vu le confinement, ne peuvent se rendre physiquement dans les services ad hoc. Troisièmement, il faut transformer l’aide alimentaire – délivrée notamment par les banques alimentaires, alors que les gens ne peuvent se déplacer en bus, en tram que difficilement pour aller chercher leur colis – en bons d’achat dans les magasins, ce serait plus simple, plus accessible pour ceux qui en ont besoin, cela rendrait les gens plus autonomes aussi dans leur alimentation. Enfin, pour les familles, il faut prévoir des mesures spéciales d’aide, à côté des allocations familiales, vu les dépenses supplémentaires liées au confinement, aide à l’achat d’ordinateur aussi pour que les enfants puissent suivre l’enseignement à distance par ex. Autant d’éléments importants".

Céline Nieuwenhuys qui insiste aussi sur le fait que certaines questions n’ont pas encore été correctement réglées comme ce que peuvent faire des parents contraints de reprendre le travail alors que leurs enfants restent, eux, à la maison, faute d’école. Ne risquent-ils pas un C4 s’ils ne vont pas travailler ? Cela suscite beaucoup de questions, de l’angoisse voire une "grande colère"… 


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"C’est le minimum que l’on puisse faire pour que cela ne craque pas, que les CPAS puissent continuer à faire ce qu’ils doivent faire, que les gens puissent manger au quotidien correctement. Le non-recours aux droits sociaux avant la crise coronavirus c’était déjà 50% de gens qui ne savaient pas à quoi ils pouvaient prétendre, alors aujourd’hui ? C’est pourquoi il faut l’automatisation des droits. Il y a aussi la situation de ces 500.000 étudiants qui travaillaient, mais désormais sans boulot, alors qu’ils payaient leur loyer, leurs études, leur smartphone. Il y a urgence. Il faut pouvoir atténuer les choses, sinon aujourd’hui ça fait vraiment peur…"

La crainte est donc que cette crise sociale dure, elle était déjà là avant, elle pourrait donc s’alourdir encore. D’autant plus que les mesures énoncées plus haut ne "sont pas suffisantes, c’est juste pour que les services sociaux ne soient pas essoufflés, ils manquaient déjà de moyens et le criaient haut et fort ; là ils n’ont plus le temps de crier haut et fort, ils doivent agir. C’est très très difficile pour les associations de terrain qui, je trouve, manquent d’ailleurs de reconnaissance dans les discours politiques". Et de placer donc tous ses espoirs dans le Conseil national de Sécurité de ce vendredi qui doit venir définir mieux encore les conditions du prochain déconfinement.

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