Ce jeudi 25 novembre marque la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques ces violences concerneraient une femme sur trois, selon l’OMS. Et chez nous, la Belgique fait-elle assez en matière de prévention ?
Avant de parler prévention, il est d’abord intéressant de comprendre que les violences faites aux femmes font partie d’un système.
"Tous les actes de violence fondés sur le genre"
La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – autrement dit la Convention d’Istanbul –, désigne les violences faites aux femmes comme "tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique."
►►► À lire aussi : Une enquête révèle la réalité des violences obstétricales en Belgique : "L’arrivée de ma fille n’est pas un beau moment"
Ces violences sont donc protéiformes. Par contre, comme l’explique Sylvie Lausberg, directrice du département Etude et Stratégie du Centre d’Action Laïque et présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB), elles reposent toutes sur un point commun : elles sont fondées sur le genre et baignent dans un contexte historiquement inégalitaire au sein des relations genrées.
Il faut dès lors envisager les violences comme une question structurelle. Le problème, "c'est que nous faisons comme si c’était un épiphénomène. Cette lecture est erronée et ne marche pas", explique-t-elle.
Modifier les cadres de pensées
Pourquoi cela ne marche pas ? Car certes, comme l’explique Sylvie Lausberg, il est primordial d’aider les victimes et de punir les auteurs. Mais pour autant, sans modification des cadres de pensée, la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut que difficilement porter ses fruits.
"Tant qu’il n’y a pas de changements de manière structurelle, en corrigeant tous les biais et à tous niveaux (social, professionnel, juridique, dans les relations privées…), au fond le message qu’on envoie aux personnes qui sont dans une relation affective, sexuelle ou amicale, c’est qu’ils ont le droit de dominer, de contrôler. Et donc ils ont ‘le droit’, quand la femme ne répond pas à ce schéma, de la violenter", ajoute la présidente du CFFB.
Une question de prévention ?
C’est là que la prévention intervient. En effet, comme indiqué par la convention d’Istanbul, la prévention se traduit par "des mesures s’inscrivant dans la durée qui traitent les causes profondes de la violence et qui visent à faire évoluer les mentalités, le rôle des hommes et des femmes, et les stéréotypes de genre qui rendent la violence à l’égard des femmes acceptable."
Ayant adhéré à la Convention, la Belgique est d’ailleurs contrainte de mettre en place ce type de politiques. Mais notre pays est-il un bon élève ? D’après Sylvie Lausberg, il resterait des efforts à faire.
Éducation sexuelle, formation, etc.
Prenons l’exemple de l’éducation la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), autrement dit les cours d’éducation sexuelle. Certes, ils sont obligatoires dans l’enseignement de la Communauté française depuis 2011 mais rien ne précise ni la durée, ni les acteurs, ni les programmes. "Qu’est-ce qui a changé en dix ans ? Strictement rien. Alors que c’est là que se jouent les relations futures", s’insurge la présidente du CFFB.
Si des efforts louables ont été effectués pour généraliser ces enseignements, il semblerait qu’ils ne soient pas abordés de manière systématique
A ce propos, le Grevio (l’organe qui veille à la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul) dresse le même constat. "Si des efforts louables ont été effectués pour généraliser ces enseignements, il semblerait qu’ils ne soient pas abordés de manière systématique", peut-on lire dans le rapport de 2020.
►►► À lire aussi : Données statistiques sur les violences envers les femmes : la Belgique à la traîne ?
Autre écueil, celui de la formation et de la détection précoce de la violence. "Le GREVIO encourage vivement les autorités belges à prendre des mesures pour renforcer la formation initiale et continue des professionnels pertinents ayant affaire aux victimes ou aux auteurs de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la convention", peut-on lire dans le rapport.
Quand les violences sont exercées dans la famille, qu’attendons-nous ?
Un constat confirmé par Sylvie Lausberg. "Quand les violences sont exercées dans la famille, qu’attendons-nous ? Si nous avions du personnel formé partout, on verrait que les enfants qui vivent dans un environnement avec de la violence disent des choses. Même si ce n’est pas verbal", explique-t-elle.
"D’autant plus que l’OMS confirme que les enfants qui sont témoins ou victimes de violence dans leur famille, sont beaucoup plus à risque d’être eux-mêmes auteurs de violences."
La prévention secondaire
Outre cette prévention primaire, les campagnes de sensibilisation peuvent elles aussi anticiper les violences, ou du moins permettre aux victimes d’être prise en charge à temps. Véhiculer les numéros d’urgence, les centres d’accueil, etc. tout cela ne peut être que bénéfique. C’est en tout cas l’avis de Yamina Zaazaa, du Centre de prévention des violences conjugales et familiales.
Or, selon elle, nous manquons de ce type de prévention en Belgique. "A chaque fois qu’on reçoit des femmes qui demandent de l’aide, elles nous disent qu’elles n’avaient pas d’informations. Les femmes victimes ne reçoivent pas l’information", remarque Yamina Zaazaa.
"Or, l’information permet aux femmes de partir et de rompre le silence plus tôt", ajoute-t-elle.