Coup d'Etat au Soudan : des hommes politiques libérés, les ministres pro-civils démissionnent

Abdallah Hamdok, premier ministre déchu lors du putsch militaire, a retrouvé son poste

© Belga/AFP

Plusieurs hommes politiques détenus depuis le coup d'État militaire du 25 octobre au Soudan ont été libérés, a indiqué lundi l'un d'eux à l'AFP, au lendemain d'un accord critiqué entre l'armée et le Premier ministre Abdallah Hamdok censé relancer la transition au Soudan.

"J'ai été libéré tard (dimanche soir) alors que j'étais détenu à l'isolement depuis le 25 octobre, complètement coupé du monde", a déclaré Omar al-Daguir, chef du parti du Congrès, une des nombreuses formations de la société civile soudanaise à avoir rejeté l'accord de dimanche.

D'autres politiques ont recouvré la liberté, selon M. Daguir, à l'instar de Sedig al-Sadeq al-Mahdi, un dirigeant du parti al-Oumma - le plus grand du pays - qui est depuis apparu dans les médias. Yasser Arman également, conseiller de M. Hamdok et figure centrale des Forces de la liberté et du changement (FLC), bloc pro-civil né de la révolte qui a chassé le dictateur Omar el-Béchir du pouvoir en 2019.

Mais il n'y a toujours aucune nouvelle des dirigeants civils ayant participé avec l'armée aux institutions politiques intérimaires durant plus de deux ans.

Tous avaient été arrêtés à l'aube le jour du coup d'État, avant l'annonce par le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, de la dissolution des institutions du pays et de la mise en place de l'état d'urgence.

Abdallah Hamdok perçu comme un traître par les manifestants

Dimanche, après environ un mois en résidence surveillée, le Premier ministre est lui réapparu en public pour la première fois pour signer avec le général Burhane un accord en 14 points, prévoyant notamment sa réinstallation dans ses fonctions et la libération des "détenus politiques". 

Malgré une répression sanglante qui a fait 41 morts et des centaines de blessés, ainsi qu'une longue coupure des communications, les Soudanais ont défilé par dizaines de milliers ces dernières semaines contre le pouvoir militaire, réclamant notamment la liberté pour leurs responsables civils.

Et s'ils avaient brandi des photos de M. Hamdok, longtemps resté le seul dirigeant "légitime" du Soudan à leurs yeux, les manifestants déchiraient dimanche le portrait du Premier ministre, désormais perçu comme un traître à la "révolution" de 2019.

"Nous ne doutons pas de son intégrité (...) mais ce qui s'est passé hier constitue un revers", a estimé l'ex-cheffe de la diplomatie Mariam al-Sadeq al-Mahdi, balayant l'éventualité que l'accord Burhane-Hamdok soit un nouveau "point de départ".

Plusieurs ministres pro-civils ont démissionné

La diplomate fait partie des 12 ministres (sur 17) issus des FLC à avoir annoncé lundi leur démission, après avoir réaffirmé la veille l'impossibilité de négocier ou d'établir un partenariat avec les putschistes.

Seul le ministre du Commerce Ali Geddo a "refusé de démissionner", selon le texte publié par les responsables. MM. Khaled Omar Youssef et Ibrahim al-Cheikh, respectivement ministres des Affaires parlementaires et de l'Industrie, demeurent eux en détention tandis que deux autres n'ont pas participé à la réunion.

Autre fer de lance de la révolte anti-Béchir, l'Association des professionnels soudanais a dès dimanche accusé M. Hamdok de "suicide politique" via son accord avec le général Burhane.

Tous deux ont pourtant affirmé s'allier pour remettre la transition démocratique sur les rails.


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Le général Burhane a renouvelé lundi encore, lors d'une réunion avec l'armée et des paramilitaires, sa promesse de mener le Soudan vers des "élections libres en juillet 2023", dans ce pays sous dictature militaire quasiment en continu depuis 65 ans.

Une promesse cosmétique, selon des experts, pour qui le chef de l'armée a réussi, grâce à l'accord de dimanche, à consacrer sa mainmise sur la transition, tout en satisfaisant la communauté internationale.

Plusieurs pays saluent l'accord

La Troïka - les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège - à la manœuvre sur le dossier soudanais, l'Union africaine, l'Union européenne ainsi que d'autres pays occidentaux ont salué l'accord, tout comme l'Égypte et l'Arabie saoudite, deux alliés arabes de l'armée soudanaise.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s'est entretenu avec le chef de l'armée soudanaise et le Premier ministre civil Abdallah Hamdok pour réclamer toutefois davantage de "progrès" afin de relancer la transition démocratique après leur accord controversé.

Son "message" était que "nous devons continuer à voir des progrès", le retour au pouvoir du Premier ministre arrêté fin octobre par le général Abdel Fattah al-Burhane étant "un premier pas important" mais "rien de plus", a dit lundi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.

Prié de dire si les Etats-Unis étaient prêts à reprendre leur aide financière suspendue lors du coup d'État militaire, il a répondu que cela dépendrait "de ce qui va se passer dans les prochaines heures, les prochains jours et les prochaines semaines"

Volker Perthes, représentant des Nations unies pour le Soudan, s'est lui réjoui de la libération des hommes politiques, mettant toutefois en garde: "Tous les détenus devraient être libérés immédiatement pour que l'accord politique soit pris au sérieux".

 

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