C’est une question qui revient souvent et qu’Inside a déjà traitée ici. A en croire le téléspectateur Ghislain B., il y avait dans cette émission et dans d’autres une "orientation unilatérale […] qui ne répond qu’à une seule motivation : vacciner la terre entière".
Une intention dont se distancie clairement Sacha. "Je n’espérais pas du tout voir les centres de vaccinations se remplir le lendemain matin. On n’est pas là pour forcer les gens à aller se faire vacciner. On n’a pas de mission de conviction, on a une mission d’explication."
La pédagogie, donc, est plus que jamais au centre de nos missions, confirme Thomas Gadisseux. "On est dans une période où les gens ont besoin de réponses", affirme le responsable éditorial politique. "Et pour répondre valablement, on a besoin de gens qui ont un discours construit, étayé scientifiquement et reconnu par leurs pairs."
La RTBF n’a donc pas pour objectif d’inciter à la vaccination. Y parviendrait-elle, de toute manière, à convaincre les sceptiques, avec ce genre d’émission spéciale ? Nous avons posé la question à l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti, qui suit de près la crise sanitaire.
"En regardant l’émission, je me suis dit qu’elle devait faire du bien aux vaccinés sans grande conviction", estime la professeure de l’UCLouvain, "tous ceux qui se posent encore beaucoup de questions : cela les a sans doute confortés dans le choix qu’ils ont fait. Pour les autres, je ne suis pas sûre que cela peut avoir un effet. Et tout à l’extrême des antivax, où l’on trouve des militances proches du complotisme, ils ont leurs propres experts, qui peuvent avoir un chemin du côté de la médecine, mais qui ne sont pas validés par la communauté scientifique. Ces personnes-là, vous, les médias, vous n’arriverez jamais à les satisfaire."
La pédagogie a donc ses limites, selon l’anthropologue, qui attire aussi l’attention sur le "risque d’infantilisation qui génère beaucoup de colère depuis le début de la crise. Pour ceux qui sont en questionnement, il y a une demande de parole moins consensuelle, moins donneuse de leçons. Ceux qui ne se font pas vacciner, ce n’est pas juste parce qu’ils n’ont pas compris, c’est beaucoup plus compliqué que cela", estime Jacinthe Mazzocchetti.
Avec ce genre d’émissions, les journalistes marchent sur des œufs. Le défi est double : il s’agit de donner les informations largement admises par la communauté scientifique, sans donner l’impression de prêcher la bonne parole, de faire du "matraquage", voire de la "propagande médiatique", comme nous accuse Rachel L.
Le défi est d’autant plus difficile à relever, selon notre collègue Arnaud Ruyssen, qu’il y a "chez les méfiants ou les antivax une tendance à caricaturer les propos des spécialistes qu’on invite", explique celui qui coprésente l’émission d’information Déclic, en fin d’après-midi sur La Première. "Quand tu écoutes bien les immunologues, ils ne disent pas qu’il y a zéro problème, que c’est absurde de critiquer le vaccin. Ils reconnaissent que c’est une technologie vaccinale nouvelle, ils ne nient pas certains effets secondaires. Ils disent tout cela, tout en constatant une balance bénéfice/risque extrêmement favorable à la vaccination. "
Quelques recherches sur notre site internet permettent d’ailleurs de constater que s’il y a "unanimité des experts sur les grandes guidelines", comme le résume Thomas, il y a bien également des "différences de discours à la marge". Que cela concerne l’obligation vaccinale généralisée, celle du personnel soignant ou encore celle des enfants ou des personnes âgées et immunodéprimées, il y a toute une palette de nuance parmi les avis exprimés sur le site de la RTBF.
Revoir le plateau JT du 20 décembre consacré à la vaccination des enfants