Toutes les crises révèlent et amplifient les inégalités. La crise du Covid n’échappe pas à la règle. Isabella Lenarduzzi, fondatrice de JUMP, une organisation qui s’occupe d’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail, n’en doute pas.
Elle cite des chiffres "alarmants", communiqués par la Commission européenne la semaine dernière. "Les femmes ont perdu plus de deux millions d’emplois sur l’Union européenne avec le premier confinement. Quand il a été question de revenir au travail, il y a le double d’hommes par rapport aux femmes qui sont revenus au travail", cite Isabelle Lenarduzzi.
Pour elle, cela ne veut pas dire que les femmes avaient perdu leur emploi, mais plutôt qu’elles étaient dans une autre situation. "Quand elles sont mères, les enfants n’avaient pas école. Il fallait quelqu’un qui s’en occupe. Les personnes âgées étaient souvent en difficulté. Il fallait qu’elles s’en occupent. Un an après, il y a toujours un déficit sur le retour des femmes à l’emploi", explique Isabella Lenarduzzi.
Ces femmes ont donc dû changer leur vie, adapter leur temps de travail, voire être obligée de s’arrêter de travailler. "McKinsey a estimé qu’il y avait une femme sur quatre qui envisageait de réduire son temps de travail ou de partir de son emploi parce qu’elle n’arrivait plus à tout gérer", s’inquiète la fondatrice de JUMP. La crise a provoqué une sorte de retour en arrière avec des femmes reprenant à leur compte les soins à porter aux plus fragiles et aux plus jeunes.
Il y a plein de femmes qui ont changé leur contrat de travail pour travailler moins d’heures et ça, c’est vraiment dramatique
Selon Isabella Lenarduzzi, les femmes ont, à cause de la crise suscitée par la pandémie, passé trois plus de temps qu’avant à de la famille et des tâches ménagères. Elles ont, quand elles pouvaient se le permettre, pris des congés parentaux ou corona. On l’a vu, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, 70 à 90% des congés "Corona" ont été pris par les femmes. "Ça veut dire que si elles n’ont pas perdu leur emploi maintenant, elles ont perdu leurs revenus ou ont eu une diminution drastique de leurs revenus. Ça veut dire aussi qu’elles sont beaucoup moins visibles dans leur entreprise et que ça va impacter fort probablement la suite de leur carrière", explique Isabella Lenarduzzi, de JUMP.
Isabella Lenarduzzi souligne que l’Organisation internationale du travail (O.I.T.) a averti des pays comme la Belgique et la France que les salaires avaient globalement diminué mais que le différentiel entre la diminution du salaire des femmes par rapport à celui des hommes était plus élevé qu’ailleurs. Ce qui, selon Isabella Lenarduzzi, est inquiétant. "Il ne s’agit pas des revenus de remplacement comme les congés 'Corona', les congés parentaux etc. Ça veut dire qu’il y a plein de femmes qui ont changé leur contrat de travail pour travailler moins d’heures et ça, c’est vraiment dramatique et cela confirme ce que McKinsey dit, qu’une femme sur quatre n’y arrive plus et pense partir du marché du travail ou diminuer son temps de travail", explique-t-elle.
En Italie, où l’Etat a été beaucoup moins présent au niveau des indépendants et des indépendantes, 400.000 personnes sont parties du marché du travail, dont plus de 300.000 femmes, des indépendantes, plus touchées parce qu’elles étaient actives dans tout ce qui est soins à la personne, l’Horeca, le tourisme, l’accueil.