Carlota Isabel Salinas Péres était la directrice de l’ONG Organisation populaire des femmes (OFP). Elle a été assassinée le 24 mars dans la municipalité de San Pablo, dans le département de Bolivar, en Colombie. Vers 20 heures ce jour-là, des hommes armés sont arrivés chez elle et lui ont tiré dessus. Son compagnon est porté disparu.
Au sein de l’ONG, elle promouvait les droits des femmes et défendait les femmes victimes de violences. Quelques heures avant son assassinat, elle collectait de la nourriture pour les familles les plus fragilisées, afin de parer aux effets de la pandémie de coronavirus.
Selon plusieurs organisations, Carlota Isabel Salinas Péres a été tuée à cause de son engagement féministe et humanitaire dans le pays. "Nous appelons la communauté internationale à accorder une attention particulière à cette problématique, en exigeant du gouvernement national colombien et des autorités locales du pays qu’elles garantissent la vie et l'intégrité des femmes en tant que sujets politiques et de paix, en tenant compte des obligations découlant de la résolution 1325 du Conseil de sécurité du Les Nations Unies", a écrit l’OFP dans un communiqué annonçant le féminicide.
D’autres meurtres dans le pays
Au cours des dernières semaines, au moins cinq autres dirigeant·e·s de la société civile et défenseur·e·s des droits humains ont été tué.e.s en Colombie : Ivo Humberto Bracamonte Quiroz (directeur du site d’informations en ligne NPS), Marco Rivadeneira (dirigeant des communautés de petits paysans), Angel Ovidio Quintero Gonzalez (président du conseil de la municipalité de San Francisco) et Omar et Ernesto Guasiruma (leaders indigènes de la communauté Embera).
La Colombie est l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les militant.e.s des droits humains qui, dans le contexte de la crise de COVID-19, sont exposé.e.s à des risques accrus
Ces morts seraient liées au contexte de crise sanitaire mondiale que nous connaissons. Sur son site, Amnesty exhorte la Colombie à ne pas se servir des mesures mises en place en réponse à la pandémie de COVID-19 comme prétexte pour affaiblir ou supprimer la protection dont bénéficient les militant.e.s des droits humains dans le pays.
"Des mesures de protection réduites"
"La Colombie est l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les militant.e.s des droits humains qui, dans le contexte de la crise de COVID-19, sont exposé.e.s à des risques accrus. En raison des restrictions imposées pour endiguer la pandémie, les mesures de protection mises en place par l’État sont réduites ; ils ne peuvent plus continuer de se déplacer d’un endroit à un autre pour leur sécurité et leurs agresseurs savent que les forces de sécurité se concentrent sur des problèmes liés à la pandémie", a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
"Les autorités colombiennes ne doivent pas laisser les défenseur·e·s des droits humains subir des attaques et des menaces. L’État se doit de maintenir ses programmes de protection et de développer des stratégies de protection collective pour les communautés à risque, tout en mettant en œuvre des mesures de prévention pour contenir l’épidémie de COVID-19", continue-t-elle.
Toujours selon Amnesty, les mesures de protection accordées à au moins deux militants colombiens ont été limitées ces derniers jours. "Le premier, en raison de la réduction du nombre de ses gardes du corps, a été contraint de se réfugier dans la clandestinité par peur d’être attaqué par les groupes armés qui le menacent en raison de son travail en faveur des droits humains. Le second ne bénéficie plus de patrouilles nocturnes, ce qui l’expose à des risques d’attaques", écrit l’organisation.
Situation "inquiétante" en Hongrie
En Europe également, les droits humains sont surveillés pendant cette période. "De nombreux gouvernements européens ont adopté des lois d’exception et pris des mesures qui restreignent le droit de circuler librement et les droits à la liberté d’association, d’expression et de réunion pacifique, le droit à la vie privée et à la vie de famille et le droit au travail. Si certaines mesures d’urgence se justifient, les gouvernements doivent veiller à ce qu’elles soient toujours légales, nécessaires et proportionnées, mais aussi provisoires et soumises à une supervision et un examen indépendants", écrit encore Amnesty.
Le Covid-19 est un test pour nos sociétés [...] les droits humains doivent être au cœur de cet effort, et non pas relégués au second plan
A ce titre, la situation est jugée inquiétante en Hongrie. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a obtenu lundi le feu vert du Parlement pour légiférer par ordonnances dans le cadre d'un état d'urgence à durée indéterminée que l'opposition juge "disproportionné" pour lutter contre le coronavirus. En Hongrie, mais aussi à l'étranger, le texte est vu par ses détracteurs comme un instrument destiné à cimenter le contrôle du gouvernement national-conservateur, en prenant la pandémie comme prétexte.
La loi a été adoptée par 137 votes pour tandis que 53 députés ont voté contre. Elle instaure jusqu'à cinq ans de prison pour la diffusion de "fausses nouvelles" sur le virus ou les mesures du gouvernement. Jusqu'à présent, de telles accusations ont été portées sur les rares médias indépendants du pays.
Par ailleurs, ne pas respecter la quarantaine expose jusqu'à 8 ans de prison. Certains parlementaires adversaires du texte n'ont pas hésité à parler de "coup d'Etat", de "cap vers la dictature". Amnesty International, le Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, le Conseil de l'Europe, l'OSCE et les organisations de défense de la presse s'inquiètent de la situation dans le pays.
En France, de nombreuses voix se sont levées face au contrôle policiers instauré sur les sorties. Des femmes ont par exemple expliqué que certains policiers avaient jugé "non essentielle" leur sortie pour aller chercher des serviettes hygiéniques ou des tests de grossesse.