La commission spéciale chargée d’évaluer la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 par la Région wallonne poursuit ses travaux. Ce vendredi, les députés interrogent Christie Morreale (PS), la ministre de la Santé. Beaucoup de questions posées par les parlementaires constituant cette commission spéciale Covid-19 ont trait à la gestion de la pandémie dans les maisons de repos.
Dans un exposé introductif, la ministre de la Santé, Christie Morreale, a retracé la ligne du temps de cette crise du Covid-19. Que s’est-il passé ? Quelles décisions ont été prises ? Dans quel timing. Qu’on fait les autorités politiques wallonnes et les services concernés ? Avec en toile de fond, une question centrale : pourquoi a-t-on connu autant de foyers de contamination dans les maisons de repos et de soins ?
Une partie de l’intervention de la ministre portait sur les maisons de repos et maisons de repos et de soins, 602 établissements en Wallonie, qui ont été durement touchées par la crise du Covid-19. La ministre estime avoir fait au mieux, avec ses collègues du gouvernement pour agir le mieux possible et le plus vite possible. Elle a rappelé que, le 11 mars, elle a fait interdire les visites dans les maisons de repos wallonnes. Elle précise, qu’à cette période, la Wallonie était la seule région du pays à prendre cette décision.
A-t-on délibérément abandonné les résidents des maisons de repos ?
" Non ", précise la ministre qui a expliqué que ce n’était pas une décision politique. Que ce soit en Wallonie, à Bruxelles ou en Flandres, près de la moitié des décès liés au Coronavirus ont eu lieu en maisons de repos. Comment expliquer ce drame? La Ministre sera amenée cette après-midi à apporter d’autres éléments de réponse, suite aux questions posées ce matin par les parlementaires wallons membres de la Commission spéciale Covid-19.
Ce matin, de manière générale, en détaillant l’ensemble des décisions prises dans le cadre de la crise du Coronavirus et leur timing, la ministre a souligné le défi que cela représentait d’être confronté à un défi d’une ampleur inconnue et pour lequel il est difficile d’être préparé. : "Nous avons été confrontés à une crise sanitaire sans précédents durant le siècle écoulé, avec parfois le dénuement qui nous affecte tous face à l’inconnu, mais on a essayé de faire face avec toute l’humilité qui s’impose.
On a fait au mieux en assumant nos responsabilités
On a fait au mieux en assumant nos responsabilités et en mobilisant toutes nos énergies et toutes nos ressources, nos ressources financières, nos ressources professionnelles et nos ressources humaines. On ne sort pas indemne de cette épreuve", a déclaré Christie Morreale. Et elle a ajouté : "On a changé et sur certains points, c’est une bonne chose parce qu’on a appris déjà énormément. Et si personne ne peut s’avancer à dire 'plus jamais ça', nous pouvons dire aux Wallons et aux Wallonnes que nous sommes mieux armés qu’hier pour faire face à un avenir que nul ne pourra jamais prévoir".
Des questions qui demanderont des réponses
Les membres des différents groupes parlementaires constituant cette commission ont pris la parole ce matin pour interpeller la ministre et lui poser des questions auxquelles elle répondra après-midi.
Pour Germain Mugemangango, du PTB, il faut s’interroger sur les consignes données ou non données au personnel soignant des maisons de repos pour enrayer la propagation du virus. Il faut aussi savoir quelle décision a été prise et par qui de ne pas hospitaliser les résidents des maisons de repos.
Pour André Frédéric, du PS, les chiffres sont interpellants et dramatiques. On ne pourra pas faire l’économie de l’analyse en profondeur de l’accueil et de l’hébergement des aînés. Pour un autre député PS, Dimitri Legasse, l’OMS a déclaré la pandémie le jour même où la ministre a interdit les visites en maisons de repos. "Comment aurait-on pu faire plus tôt?", a-t-il réagi.
La Région wallonne devrait reconnaître l’état d’imprévoyance dans lequel elle était
Quant au manque de masques au début, et à la polémique sur la nécessité ou non de porter ce masque, le contexte de pénurie de masque a été rappelé. Cependant, certains députés se sont interrogés sur le type de consignes qui ont été données aux membres du personnel des maisons de repos. Dans quelle mesure leur a-t-il été déconseillé ou recommandé de porter un masque ?
Pour Benoît Dispa, du cdH, "la Région wallonne devrait reconnaître l’état d’imprévoyance dans lequel elle était", a-t-il déclaré, en rappelant que pour les masques et d’autres équipements en tissu, ce sont les citoyens, et des communes qui ont pris le relais pour les confectionner, en attendant.
Il faudra faire la lumière sur ce refus d’hospitaliser les résidents
Revenant sur la non-hospitalisation des résidents en maisons de repos, "Ce ne sont pas des consignes ministérielles ", a estimé Benoît Dispa, du cdH, "n’empêche, le message qui a été diffusé au départ de notes et d’instances habilitées a été de faire attention à transférer des résidents vers des milieux hospitaliers pour éviter la saturation. Il faudra faire la lumière sur ce refus d’hospitaliser les résidents", a-t-il estimé.
Du côté du MR, Diana Nikolic, a déclaré " Il est facile de juger avec le recul ceux qui ont dû prendre les décisions dans la crise. On ne peut nier qu’il y a eu tâtonnement et erreurs, mais il ne faut pas incriminer les personnes ".
Pour Ecolo, Manu Disabato s’interroge sur le fait que certaines maisons de repos ont été touchées par des foyers de contamination et pas d’autres. " Quels sont les facteurs explicatifs qui ont fait que certaines maisons de repos ont été touchées et pas d’autres, avec parfois la totalité des résidents touchés ? ", s’est-il interrogé.
Les maisons de repos ont été abandonnées par les autorités
Toujours pour Ecolo, Laurent Heyvaert a exprimé son impression qu’on a laissé tomber les maisons de repos. "Mon premier sentiment est que les maisons de repos n’ont pas reçu de consignes et qu’elles ont été abandonnées par les autorités ", a-t-il déclaré et demandant qu’on interroge aussi les médecins, les hôpitaux, les comités éthiques qui auraient décidé de ne pas hospitaliser les résidents des maisons de repos en raison de leur âge.
Vendredi après-midi, la ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale, a apporté des compléments de réponses aux interrogations des membres de la Commission.
Jamais il n’y a eu de consignes ni instructions politiques données pour ne pas hospitaliser
Elle est revenue largement sur la situation problématique des maisons de repos où l’on a comptabilisé de nombreux cas de décès liés au Coronavirus sans que ces résidents ne soient, au préalable, hospitalisés. "Jamais il n’y a eu de consignes ni instructions politiques données pour ne pas hospitaliser", a déclaré la ministre Morreale, précisant que cela valait aussi pour le niveau de pouvoir fédéral. Selon elle, il faudra faire la clarté sur ce qu’il s’est passé, comptant sur les auditions prévues par la Commission parlementaire wallonne.
Comment expliquer la gravité de la situation dans les maisons de repos ?
La ministre a avancé une série de raisons qui expliqueraient pourquoi les maisons de repos ont été le théâtre de foyers de contamination au Covid-19 entraînant de nombreux décès. Elle rappelle d’abord que le phénomène est international. On parle ensuite de personnes fragiles, âgées, résidant dans un lieu fermé où la propagation peut s’étendre de façon importante.
Une partie de ces personnes sont désorientées ou nécessitent des soins qui nécessitent une proximité avec le personnel soignant. En outre, les bâtiments sont souvent anciens et rendent plus difficile le cohortage, c’est-à-dire la séparation entre patients contaminés et les autres. Il faudrait, suggère la ministre, réfléchir à l’avenir à une adaptation des lieux, sans pour autant faire ressembler les maisons de repos à des hôpitaux.
Selon la ministre, il y a aussi eu des facteurs aggravants. Le virus était présent avant le déclenchement de la pandémie en Belgique, sans qu’il soit reconnu. La ministre souligne aussi l’avis des experts qui a évolué, notamment sur la contamination possible ou pas par les personnes asymptomatiques. Elle estime qu’une explication est à aller chercher du côté du matériel de protection distribué tardivement en raison de la pénurie et parce que certains lots de masques, par exemple, ont dû être retirés pour non-conformité.
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Elle épingle aussi le testing qui est arrivé tardivement avec, là aussi, des discussions sur l’opportunité de tester les asymptomatiques. Autre facteur aggravant, le fait que le personnel soit sous pression, déjà avant la crise, et qu’il y ait eu une pénurie de personnel. Enfin, sans incriminer les médecins généralistes, la ministre estime que les consultations téléphoniques pratiquées par les médecins à un certain moment de la crise ont rendu la gestion des malades en maisons de repos plus difficile.
Enquêter sur les refus d’hospitalisation
Quant aux refus d’hospitalisation de patient âgés, la ministre wallonne de la Santé souhaite qu’on enquête. Elle attend les résultats du travail du Comité bioéthique. Les futures auditions de la Commission parlementaire wallonne sur le Covid-19 pourraient aussi permettre de mieux cerner la question. La ministre a cependant rappelé le contexte dans lequel les hospitalisations ont ou n’ont pas été envisagées.
Ainsi, il y avait les recommandations de Sciensano selon lesquelles il fallait évaluer le bénéfice d’une hospitalisation pour le patient, éviter l’acharnement sur les patients, respecter le choix des patients ou de la famille en cas de patients désorientés. C’était aussi au médecin du patient ou celui responsable de la maison de repos de dire si le patient devait ou non être hospitalisé. Il y a aussi des patients pour lesquels on n’a pas eu le temps d’organiser une hospitalisation car leur état se dégradait trop rapidement.
Reste une question que se pose la Ministre : pourquoi y a-t-il eu plus de cas de Coronavirus et de décès dans les maisons de repos que dans les institutions pour personnes handicapées, alors que les conditions de vie et de travail en proximité ne sont pas très différentes.
Des auditions d’autres ministres et d’autres experts sont programmés par la Commission wallonne spéciale Covid-19 pour les prochaines semaines.