Coronavirus en Belgique : la surmortalité, vraiment plus importante chez les personnes à risque ?

Dans les zones les plus densément peuplées, la surmortalité a été la plus importante.

© AFP

Cette année 2020, marquée par la crise du coronavirus, est aussi celle d’une surmortalité importante. En Belgique, on constate une surmortalité de 54% entre le 16 mars et le 10 mai 2020, par rapport aux autres années, selon Statbel. Une surmortalité liée au coronavirus mais qui n’a pas touché toute la population de la même manière.

Solidaris, la Mutualité socialiste, a mené une étude sur la surmortalité en Belgique pendant le confinement (du 16 mars au 10 mai 2020) qui tend à démontrer que non seulement les conditions socio-économiques ont eu un impact sur les décès liés au coronavirus mais également que ce n’est pas toujours chez les personnes ayant un état de santé plus fragile que la surmortalité a été la plus grande.

Une augmentation de la surmortalité de 70% chez les personnes les plus précarisées ?

Il n’existe pas officiellement de chiffres liés au coronavirus en fonction des catégories socioprofessionnelles. Difficile donc de savoir objectivement si sont les personnes avec les plus faibles revenus qui ont été touchées par le coronavirus, ou le contraire.

Pour tenter de voir si la précarité a été déterminante dans la façon dont s’est propagé le virus, Solidaris s’est basé sur un critère parmi ses affiliés : ceux qui bénéficient d’un tarif préférentiel en raison de leur situation socio-économique et ceux qui n’en bénéficient pas.

Parmi les personnes ayant une situation socio-économique plus précaire, donc celles qui ont accès à un tarif préférentiel, la surmortalité a augmenté de 70% contre une augmentation de 45% parmi les personnes ayant de meilleures ressources.

Pour Solidaris, "cette population défavorisée socio-économiquement vivent généralement dans des logements de plus petite taille, ce qui peut favoriser la transmission du virus entre personnes ; elle exerce également des métiers moins qualifiés qui ont été surexposés à la maladie durant le confinement et présente une santé globalement plus dégradée. Cette population a donc plus souffert de la crise sanitaire". Selon Jérôme Vrancken, analyste de Solidaris à l’origine de l’étude, "on s’attendait à ses tendances mais, là les chiffres le montrent clairement". Et d’ajouter, "les personnes les plus fragilisées socio-économiquement ont payé le plus lourd tribut".

Les plus fragiles ne sont pas toujours les plus touchés

Les personnes ayant des facteurs de comorbidité sont bien les plus à risques face au coronavirus, sur le plan médical. Mais, comme le montre l’étude, et c’est un élément de surprise, la surmortalité n’a pas nécessairement été plus importante chez elles.

Plusieurs hypothèses pourraient l’expliquer comme le fait, par exemple, que les personnes ayant des facteurs de comorbidité se sont mieux protégées pendant la crise sanitaire.

L’étude a sélectionné quatre maladies pouvant être facteur de comorbidité : les personnes diabétiques, celles atteintes de maladie chronique, de maladie respiratoire comme l’asthme ou encore les patients cardiaques. Sur 3 des 4 critères, on ne peut pas observer "une surmortalité plus élevée due au Covid-19".

Et la surmortalité est même moins élevée chez les personnes asthmatiques ou atteintes de bronchopneumopathie chronique (29%) que chez celles qui n’ont pas ces maladies (63%).

A l’inverse, les personnes diabétiques "paraissent être légèrement plus vulnérables".

Les maisons de repos particulièrement touchées

Plusieurs études ont déjà montré que la surmortalité a été particulièrement importante au sein des maisons de repos. L’étude de Solidaris abonde dans le même sens. "On observe une surmortalité particulièrement élevée parmi les résidents des maisons de repos (95%). L’impact était bien moindre pour les personnes vivant à domicile (28%). Les décès en maison de repos représentent près de deux tiers de la surmortalité", indique Solidaris dans son communiqué.


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Autre élément intéressant : selon Solidaris il semble que la surmortalité ait été moins importante dans les maisons de repos ayant un nombre moins important de lits, donc une moins grande densité de population. Pour les maisons de repos ayant une capacité inférieure à 80 lits la surmortalité est de 82%. Elle est de 106% pour les maisons de repos avec plus de 150 lits.

Le virus circule davantage dans les zones densément peuplées

D’ailleurs et c’est l’un des points d’analyse de Solidaris, la densité de population est un facteur de la surmortalité.

Si l’on regarde, même en dehors de maisons de repos, la surmortalité a augmenté de 33% dans les zones densément peuplées contre 22% dans les zones faiblement peuplées et 28% dans les petites villes et les périphéries. 11 points de différence, "une différence assez importante", explique Jérôme Vrancken.

Reste que c’est dans les zones les plus densément peuplées que le virus circule davantage. Une tendance qui continue de s’observer au regard de la deuxième vague du coronavirus : en effet on constate que les grandes villes, et a fortiori Bruxelles et Anvers, sont plus fortement touchées par le coronavirus, selon Sciensano. Et selon l’institut bruxellois de statistique au cours de la première vague de l’épidémie, "la Région de Bruxelles-Capitale a connu une surmortalité de 82% ce qui est deux fois plus élevé que la surmortalité pour l’ensemble de la Belgique".

Plusieurs facteurs pourraient expliquer cela : "le fait que les habitations sont plus petites, que les personnes sont plus nombreuses à vivre dedans et ce qui change, c’est aussi les types de personnes que cela va toucher : des personnes plus exposées à la pollution ou encore ayant une santé plus fragile" dans les grandes villes, analyse Jérôme Vrancken. C’est pourquoi, il estime que les politiques mises en place doivent pouvoir être "modulables au niveau local".

L’étude de Solidaris permet un accès à des données socio-économique et donc une autre vue sur cette crise du coronavirus. Toutefois, elle a aussi ses limites. Les données analysées sont celles en possession de Solidaris, donc des affiliés des Mutualités socialistes. Cela ne donne donc pas une image d’ensemble de tout le territoire belge. A noter aussi, les données sont "univariées ", explique Jérôme Vrancken, analyste pour Solidaris. Ce qui signifie que "les effets sont analysés sur une variable à la fois et non en corrélation", souligne l’analyste. Cela signifie que l'influence d'une variable sur l'autre n'a pas pu être estimé, que chaque paramètre analysé (comorbidité, densité de population, etc.) a été pris séparément, et non ensemble, pour voir leur influence sur la surmortalité.

Journal télévisé 15/06/2020

Belgique: les chiffres de surmortalité

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