"Il y a eu une impréparation, un manque de dialogue." C’est ainsi que le vice-Premier ministre Georges Gilkinet (Ecolo), ministre fédéral de la Mobilité, a résumé ce jeudi soir la décision du Comité de concertation (Codeco) du 22 décembre de fermer les cinémas et autres salles de spectacle. Une décision finalement cassée par le Conseil d’Etat et annulée. "En l’occurrence, il y avait un déséquilibre", a admis le ministre, invité de Jeudi en Prime sur la Une. Il se réjouit de la décision du Conseil, qui jusque-là avait "validé le travail du gouvernement".
Pourtant, en tant que ministre et membre du Codeco, Georges Gilkinet a eu son mot à dire dans cette décision… "Je l’ai contestée depuis le début, rétorque-t-il, comme nous avons depuis le début soutenu la culture, développé des aides pour les artistes qui sont aujourd’hui sans travail." Selon lui, fermer le secteur culturel était "une erreur collective" : "je l’ai plaidé jusqu’au bout, en étant un peu esseulé." Néanmoins, le ministre voit du positif dans l’histoire : "cet incident, que je regrette, a permis de rétablir le dialogue avec le monde culturel et la mise en place du baromètre", lors du Codeco de ce jeudi, le quatrième en un mois.
Ce baromètre pour les secteurs accueillant du public, un "outil de communication" et de "pilotage" au cœur de la pandémie de Covid-19 et alors que plane la menace Omicron, a pu voir le jour grâce à la multiplication des comités de concertation ce mois-ci. "C’était un processus qui était nécessaire, un temps de pause", estime Georges Gilkinet. De réconciliation aussi, entre la ministre de tutelle, Bénédicte Linard (Ecolo elle aussi) et les acteurs de la culture ? "Bénédicte Linard dialogue beaucoup avec les secteurs et heureusement que cette mesure a été corrigée, conclut le ministre de la Mobilité. Le rétablissement de ce dialogue est essentiel."
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"Je constate qu’à chaque fois qu’on a pris des décisions dans l’urgence, elles n’étaient pas en équilibre", rappelle le ministre. Georges Gilkinet n’a pas manqué de rendre hommage aux experts du Covid-19 qui accompagnent le travail des autorités : "heureusement qu’ils sont là pour essayer d’identifier l’évolution de ce virus. Cela participe de cette dynamique de dialogue, de volonté de pédagogie. Je souhaite qu’on les voie davantage", a-t-il ajouté.
Pourtant, sur certains sujets, le Codeco n’est pas tout à fait d’accord avec les experts. Ces derniers veulent un passage au télétravail à 100% dans les entreprises… Mais les gouvernements maintiennent quatre jours sur cinq. "On recommande 4 jours de télétravail pour trouver l’équilibre entre les précautions sanitaires et le lien professionnel à conserver", estime Georges Gilkinet, qui rappelle que le passage au télétravail complet est "le type de mesures qu’on peut mettre en place s’il y a une aggravation".
De son côté, la FGTB estime que le monde du travail n’a pas eu son mot à dire. "Je suis très attentif aux droits des travailleurs", répond le ministre, qui rappelle le panel de mesures pour l’emploi : congé corona, droit au chômage, droit passerelle… "Nous avons dépensé beaucoup d’argent public pour ne laisser personne le long de la route", affirme-t-il, même s’il admet qu’il y a "un variant qui va rendre davantage de personnes malades. Notre système de testing n’est pas en capacité d’absorber le nombre de tests".
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Le couac du secteur culturel a toutefois montré des failles au Codeco, qui serait pour certains le lieu de tous les marchandages et les compromis. "Je plaide pour des améliorations du système", affirme Georges Gilkinet, qui pointe notamment la question des experts du Gems. "Ce groupe qui nous conseille doit pouvoir évoluer : je voudrais y voir plus de psychologues, d’experts du vécu…", note-t-il.
Et le ministre de défendre également son Premier ministre : "il se débrouille pas mal. On est un pays compliqué, il s’agit d’aligner les avis des uns et des autres, reconnaît-il. Parfois c’est difficile, Alexander De Croo n’est pas infaillible." Georges Gilkinet rappelle que la pandémie est "quelque chose que nous n’avons jamais connu", et que "d’autres pays autour de nous ont aussi du mal à trouver des solutions".
Un de ces pays d’ailleurs a fait parler de lui : l’Italie, qui a rendu la vaccination obligatoire pour toutes les personnes de plus de 50 ans. En Belgique, le débat crée des remous. Qu’en pense le ministre ? Il ne répond pas aussi directement : "je suis pour un débat documenté sur le sujet. Ce n’est pas une décision simple." Le ministre se permet également une petite pique à Emmanuel Macron : "je vois un président français qui a des propos très durs vis-à-vis des non vaccinés."
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Pour Georges Gilkinet, la question doit être réglée par le travail du Commissaire corona Pedro Facon, qui doit élaborer une recherche sur le sujet, puis le Parlement doit "se saisir de la question et faire un débat public". Le ministre Ecolo rappelle toutefois que "plus de 80% des Belges sont déjà vaccinés" et que la Belgique est "un des pays où le taux de vaccination est le meilleur en Europe".
Il faut toutefois prendre des décisions face au variant Omicron… Mais lesquelles ? Le pays pourrait atteindre un pic de 125.000 contaminations par jour : faut-il des mesures plus drastiques ? "Il y a des mesures qu’on a déjà décidées, une série de secteurs qui sont à l’arrêt, des mesures de prudence qui sont globalement bien respectées", estime Georges Gilkinet, qui rappelle que beaucoup d’autotests ont été réalisés pendant les Fêtes. A l’inverse, si le variant est moins dangereux que les autres, faut-il lâcher du lest ? "Il y a davantage de personnes contaminées, il faut rester prudent. Nous avons besoin d’encore un peu de temps, tempère le ministre. Ce variant va peut-être 'écraser le marché', ou d’autres vont peut-être survenir."