Coronavirus : des lésions neurologiques et des troubles psychiatriques pour les patients post-Covid

Coronavirus : des lésions neurologiques et des troubles psychiatriques pour les patients post-Covid

© Yuichiro Chino - Getty Images

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Par Marianne Klaric

"Les conséquences psychiatriques du Covid sont devant nous", c’est le titre d’un article publié en septembre 2020 par des chercheurs de l’Université Paris-Est Créteil. On y apprend que les patients Covid ont un risque très élevé de développer, à la suite de leur infection, des troubles psychiatriques. Une étude italienne publiée en août 2020 révèle que le suivi de 402 patients adultes infectés par le coronavirus a montré la présence de 28% de TSPT (troubles post-traumatiques) , 31% de dépressions, 42% d’anxiété, 20% de troubles obsessionnels et 40% d’insomnies dans les mois qui ont suivi leur infection.

Un constat confirmé par le docteur Gérald Deschietere, psychiatre responsable de l’unité de crise aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles : "Nous rencontrons des personnes qui développent des troubles anxiodépressifs après avoir contracté le Covid-19. Ils ont très peur de le rattraper dans une forme plus grave. Ils développent des symptômes de conduite d’évitement assimilés à du stress post-traumatique. Ce qu’ils ont vécu, les images vues à la télévision, les amène à être hyperprudents. Ils peuvent également développer des troubles du sommeil".

Une action directe du Covid-19 sur le cerveau

Dans l’article de l’Université de Paris-Est Créteil, citée ci-dessus, on peut lire "qu’il est à craindre que la pandémie Covid-19 ait des conséquences psychiatriques à la fois en raison de l’action directe de l’infection sur le cerveau mais aussi comme conséquence de la réponse immuno-inflammatoire à l’infection, en particulier de la tempête cytokinique qui fait suite à l’infection et dont on peut anticiper l’effet déclencheur sur les maladies mentales".

Les chercheurs ont en effet pu démontrer que le Covid-19 pouvait endommager le cerveau. "Ce que l’on sait, nous explique le docteur Gérald Deschietere, c’est que l’inflammation dégrade la structure de certains neurones, diminue de nombre de synapses et de dendrites, que la réponse inflammatoire peut créer des morts de neurones. Certains patients sont plus à risque que d’autres. Il y a là tout un champ de recherche qui s’ouvre".

Les cliniciens, radiologues et neurologues l’ont constaté récemment, le SARS-CoV-2 peut entraîner des lésions neurologiques, qui s’ajoutent aux lésions cardiologiques, hépatiques ou rénales. Le 31 mars 2O2O, deux neurologues américains relèvent un cas d’encéphalopathie hémorragique aiguë nécrosante chez une patiente Covid. Cette pathologie résulterait d’une quantité très élevée de molécules inflammatoires (cytokines) produites par le système immunitaire et ayant gagné le cerveau.

Elle a vu des lions et des singes dans sa maison

En septembre 2020, la revue Nature publie un article interpellant : une femme, la cinquantaine, a vu des lions et des singes dans sa maison. Elle s’est montrée désorientée et agressive, était convaincue que son mari était un imposteur. Elle n’avait aucun antécédent psychiatrique, mais elle avait contracté le coronavirus.

Une neurologue de l’Université de Liverpool, en Grande Bretagne, Bénédicte Michael, part de l’hypothèse que ces lésions neurologiques sont causées par cette fameuse sur stimulation du système immunitaire. Elle rapporte le cas de 125 personnes chez qui Covid-19 a eu des effets neurologiques et psychiatriques. 31% d’entre eux ont subi des altérations de l’état mental, comme de la confusion ou une inconscience prolongée. Dix d’entre eux ont développé des psychoses. Cela concernait des patients qui n’avaient pas de facteurs risques spécifiques.

Les médecins s’inquiètent de ces symptômes neurologiques et psychiatriques. A moyen terme, des dizaines de milliers de personnes ayant eu le Covid pourraient développer ces symptômes.

Un médecin urgentiste s’est suicidé à New York après avoir contracté le Covid

Le Journal of American Medical Association souligne que le personnel soignant de première ligne est particulièrement exposé au risque de troubles psychiatriques. Et il rappelle le cas de ce médecin urgentiste, une femme, qui s’est suicidée en avril 2020, après avoir contracté le Covid. Elle avait vu beaucoup de ses patients mourir de l’infection. Elle dirigeait le service d’urgence de l’hôpital Allen de New York. Pour l’auteur de cet article, la pandémie a provoqué un traumatisme comparable à celui qui a suivi les attaques terroristes du 11 septembre et il prévient : le coronavirus et ses conséquences économiques et sociales "pourraient provoquer un tsunami de troubles psychiatriques".

Augmentation du stress dans la population en général

Au-delà des risques de psychose ou autre trouble psychiatrique, on sait maintenant que la pandémie et ses morts aggravent le stress dans la population. Le stress post-traumatique pourrait concerner 5 à 10% de la population belge. Une étude de Santé Publique France a montré que l’anxiété était deux fois supérieure (26,7%) au taux observé avant la pandémie. Touchés en particulier, les femmes, les jeunes et les personnes en situation précaire. En Chine, une étude publiée dès le mois de février 2020 rapporte que 28,8% et 16,5% de la population présentait des troubles anxieux et dépressifs modérés à sévères. En juillet 2020, une autre étude chinoise montre la présence d’idées suicidaires très fréquentes.

Aux urgences psychiatriques, après le premier confinement, plus de monde qu’après les attentats de Bruxelles.

Aux Cliniques universitaires Saint-Luc, jamais autant de patients n’ont été admis aux urgences psychiatriques : "En juin 2020, après la première vague, nous confie le Dr Gérard Deschietere, nous avons eu un pic. Nous avions beaucoup plus de monde qu’après les attentats de Paris ou de Bruxelles, c’est du jamais vu. Nous avons reçu beaucoup de nouveaux patients, qui avaient besoin d’un soutien psychiatrique. Pendant le confinement, ils n’ont pas pu suivre une bonne hygiène de vie, c’est-à-dire, des contacts sociaux et une capacité normale de travail. Ils ont développé des symptômes anxiodépressifs. Certains ont décompensé de manière très forte et très bruyante, comme s’ils se lâchaient après le confinement".


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L’OMS recommande d’ailleurs de renforcer les services de psychiatrie, en sous-financement chronique. Dans une enquête, dont les résultats ont été publiés en octobre 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé relève que la pandémie a perturbé voire mis à l’arrêt les unités psychiatriques dans 93% des pays. Or, le coronavirus a augmenté considérablement les besoins en santé mentale. Le deuil, l’isolement consécutif au confinement, la perte de revenus, la peur ont déclenché des pathologies psychiatriques chez des personnes qui n’en avaient pas ou exacerbé des pathologies existantes. On constate une augmentation de l’alcoolisme, de l’usage de drogues et des insomnies, tandis que le Covid-19 entraîne des complications neurologiques et mentales comme des délires ou des états d’agitation.

Tous les professionnels de la santé s’accordent, il faudra renforcer les capacités d’accueil dans les unités psychiatriques et s’atteler à une meilleure prise en charge, malgré le Covid, des patients ayant des pathologies préexistantes. En ce qui concerne les patients post-Covid, il faudra un suivi psychiatrique, au même titre que le suivi pulmonaire ou cardiaque.

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