Coronavirus : comment l’école va-t-elle intégrer la santé mentale des jeunes cette fin d’année scolaire ?

Coronavirus : comment l’école va-t-elle intégrer la santé mentale des jeunes dans la fin de l’année scolaire ?

© Nicolas Maeterlinck – Belga

La santé mentale des jeunes ne cesse d’inquiéter les experts qu’ils soient médecins, parents, pédopsychiatres, travailleurs sociaux, animateurs socioculturels ou… pédiatres. Dans une nouvelle carte blanche parue ce lundi dans Le Soir, les membres de la Task Force Pédiatrique insistent sur l’importance de l’école sur la santé "bio-psycho-sociale" des jeunes et plaident pour la réouverture complète des écoles. La fin de l’année constituera un nouveau défi pour les établissements scolaires… et pour les jeunes.

Des alertes en cascade

Les signaux d’alerte se multiplient ces derniers jours. Vendredi, un collectif de signataires – parmi lesquels le Délégué général aux droits de l’enfant, Bernard de Vos – plaidait pour que l’école ne soit pas seulement focalisée "sur l’acquisition des apprentissages de matières et la performance et qu’elle soit autorisée à réduire le temps consacré aux matières pendant les heures habituelles".

Ce temps serait alors consacré à des échanges, des interactions, de l’exercice physique, voire une activité culturelle pourquoi pas dans l’enceinte de l’école (en extérieur).

Les pédiatres se mobilisent

Coronavirus : comment l'école va-t-elle intégrer la santé mentale des jeunes dans la fin de l'année scolaire ? Photo d'illustration

Ce lundi, c’est au tour de la Task Force Pédiatrique d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des enseignants, "puisque nos écoles offrent un cadre unique pour atteindre tous les jeunes mineurs". Les pédiatres qui conseillent les autorités demandent que "les écoles rouvrent à 100% pour tous dès que possible et que leur fonction essentielle de support de résilience des jeunes soit renforcée."

Julie Frère est pédiatre et infectiologue au service de pédiatrie du CHU de Liège et cosignataire de la carte blanche publiée ce lundi. Pour la pédiatre, "Dans n’importe quel milieu social, le temps à l’école devient un marathon. L’élève se dépêche de poser une série de questions et le professeur en profite pour évaluer l’élève. La pression est donc là alors qu’elle n’existait pas de cette manière les autres années."

Julie Frère pointe un autre problème : "Certains adolescents sont perdus, d’autres en décrochage scolaire. Nous rencontrons des jeunes désemparés dans nos consultations. L'école ne sait pas où ils sont. Quand ils fréquentent l’école à 100% en revanche, on sait où ils sont et ils sont canalisés. 

100% en présentiel le 3 mai ?

La ministre de l’Education de la Fédération Wallonie Bruxelles a partagé les préoccupations des pédiatres ce lundi matin, sur l’antenne de la Première. "Il faut mettre la santé mentale sur le même pied que la santé physique", précise Caroline Désir. Elle ajoute qu’elle maintient son objectif de rentrée 100% en présentiel le 3 mai prochain, même si elle le conditionne à l’avis des experts.


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3 mai, une date charnière

Mais la ministre insiste : "Pour qu’on puisse organiser ce retour à l’école, notamment comme nous le demande les auteurs de ces cartes blanches, avec un véritable accueil des élèves, autour de leur bien-être, qu’on dégage du temps pour qu’ils puissent s’exprimer : il faut reprendre le 3 mai. Au-delà de cette date, cela va devenir vraiment difficile à organiser." D’ici là, un système hybride prévaut autrement dit la moitié des cours est donnée en distanciel, l’autre moitié en présentiel. Il s’agit du fameux code rouge.

Un état des lieux alarmant

Un état des lieux alarmant. Photo d'illustration

Ces cartes blanches s’expliquent par la fragilité de la santé mentale des jeunes après plus d’un an de pandémie, de perte de repères et de sens. Les urgences pédopsychiatriques et les consultations des psychologues explosent. Le nombre de tentatives de suicide est en hausse, comme les cas d’anorexie, d’anxiété, de solitude ou d’isolement.

De surcroît, quand un adolescent ou un jeune adulte a besoin d’aide et se tourne vers un psychologue, le carnet de rendez-vous est plein et il doit patienter parfois pendant des semaines voire des mois. Autrement dit, le SOS est entendu mais il est impossible d’y répondre.


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Les écoles, entre rigidité et souplesse

Les écoles connaissent bien ce tableau noir même si les situations varient d’un établissement à l’autre. Certaines sont rigides sur les apprentissages. D’autres plus ouvertes au bien-être général de l’adolescent. A Soignies et à Braine-le-Comte, 1130 élèves en tout suivent les cours du secondaire dans les trois implantations de l’Athénée Royal Jules Bordet.

"Certains élèves sont en décrochage mais ce n’est pas la majorité et ça varie d’un niveau à l’autre", constate son directeur, Christophe Vreux. "Les élèves les plus en difficulté sont ceux du 2e cycle soit les élèves de 3e et 4e secondaires. Nous avons essayé d’être à l’écoute en organisant, par exemple, un blind test avec eux, voire des temps de parole collectifs."

Les jeunes favorables à la reprise

Les élèves favorables au retour à l'école, notamment à l'Ecole hôtelière de la province de Namur. Photo Illustration.

A l’Ecole hôtelière de la province de Namur (342 élèves dont la moitié en internat), la directrice Dominique van de Woestyne se réjouit de voir ses étudiants de retour à l’école. Des élèves eux-mêmes heureux d’être là : "Les élèves que j’ai vus pour la rentrée ce lundi étaient ravis; ceux qui reprennent la semaine prochaine ont déjà envie d’y être. Et les professeurs, eux, n’ont pas réellement rechargé leurs batteries. Or il faut avoir de l’énergie pour en transmettre aux élèves…"

L’Ecole hôtelière a anticipé le mal-être des jeunes en organisant des espaces de parole à l’école, niveau par niveau lors de la pause de midi, en associant le centre PMS ou en renforçant l’équipe des éducateurs. Ils sont habituellement neuf quand tous les élèves sont présents. Avec la moitié des adolescents (en raison du système hybride), il faudrait 4 ou 5 éducateurs mais ils sont 6, parfois 7.

Comment évaluer les élèves ?

Comment les évaluations vont-elles être gérées dans ce contexte ? "On ne va pas diplômer les élèves qui n’ont pas le niveau, même si la forme de l’épreuve change", conclut Dominique van de Woestyne. "Notre école a ceci de particulier qu’elle a continué à fonctionner avec un système hybride d’une semaine sur deux en présentiel. Les élèves ont été mieux formés car la remédiation est quasi immédiate. Nos élèves ont appris des gestes techniques plus fins mais ils ont eu moins de stages et une moins bonne connaissance du 'timing' (en cuisine, ndlr) et de la relation avec la clientèle."

Un nouveau défi pour l’école

Autre réaction à l’Athénée Royal Jules Bordet Soignies-Braine-le-Comte, "On doit tenir compte de la santé mentale des enfants mais nous sommes face à un dilemme", explique le directeur Stéphane Vreux. "En ce qui concerne les matières, on voit les essentielles. Il faut être souple comme nous l’avons été l’année passée. La ministre de l’Education a été claire, il faudra peut-être revoir notre manière d’évaluer les élèves." C’est un véritable défi qui attend une nouvelle fois l’école durant les dix semaines qui la séparent de la fin de l’année scolaire; un défi qui attend l'école...et les élèves.

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