La France a estimé à 200.000 le nombre de saisonniers dont elle aurait besoin pour les cueillettes et le travail des champs pour les trois mois à venir. En Espagne, des agriculteurs ont annoncé que des fraises devraient rester sur les plants.
En Italie, la fédération d’exploitants agricoles Coldiretti estime qu’un quart des aliments " made in Italy " passent du plant à l’assiette grâce à des mains étrangères. Dans les rangs de ces travailleurs saisonniers, les Roumains sont les plus représentés : ils sont plus de 100.000 à travailler chaque année dans les exploitations italiennes.
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En Roumanie, la pandémie aurait déjà provoqué la perte d’un million d’emplois, notamment par ces fermetures de frontières, selon des chiffres relayés par l’AFP.
On le redécouvre : c’est tout un secteur qui dépend de la libre circulation des travailleurs dans l’espace européen. Plusieurs centaines de milliers de foyers, en Roumanie, en Bulgarie ou en Pologne, qui vivent au printemps et en été grâce à cette transhumance. Et une grande part de la production horticole et agricole de l’ouest de l’Union qui est aujourd’hui compromise par la résurgence de frontières dans l’espace européen.
Les vergers comme révélateurs… de la réalité des saisonniers
Pourquoi aussi peu de travailleurs locaux et autant de saisonniers étrangers dans les cultures à l’ouest de l’Union ? Qu’est-ce qui joue le plus dans l’absence de travailleurs locaux sous arbres fruitiers : le manque d’attractivité de ces emplois ou l’intérêt financier des exploitants agricoles d’engager plutôt des saisonniers étrangers ?
Partout en Europe, il s'agit d'emplois précaires : précarité de statut et précarité de revenu, un peu plus de 9 euros bruts de l’heure en Belgique.
Ce revenu est identique pour un saisonnier belge ou étranger européen, en vertu du principe : " à travail égal, salaire égal ". Mais en revanche, les charges sociales seront moins chères pour faire travailler un saisonnier venu de Roumanie qu’un saisonnier de Belgique.
Les vergers comme révélateurs… de l’interdépendance des états
L’évidence est là, en tout cas : les cultures des Etats de l’ouest de l’Union européenne ont besoin des travailleurs de l’est et inversement.
Chaque état confronté à ce manque de main-d’œuvre cherche des solutions locales, en mettant la main au portefeuille. Permettre à des travailleurs dont l’entreprise est à l’arrêt, des travailleurs de l’Horeca, des chômeurs, des demandeurs d’asile, de faire ces cueillettes, sous des conditions de sécurité précises.
Mais partout, les exploitants doutent que ces travailleurs inexpérimentés suffiront. L’urgence plaide donc pour un assouplissement des frontières : la volte-face de l’Allemagne en témoigne, mais d’autres états gardent portes closes.
Face à ce problème européen, quelle politique européenne ?
Pour le problème des travailleurs saisonniers, comme pour bon nombre de décisions relatives à la santé et aux frontières ces dernières semaines, la Commission émet des recommandations que les états suivent, en ordre dispersé… ou ne suivent pas.
La Commission européenne avait ainsi lancé un appel le 30 mars, sous forme de " guidelines ", de lignes directrices. La Présidente de la Commission Ursula Von der Leyen y appelait instamment les Etats membres de l’Union à laisser les travailleurs saisonniers franchir les frontières. Elle invoquait la préservation du Marché unique, des chaînes de production et d’approvisionnement de nos magasins.
Son discours n’a pas été écouté partout. La Hongrie ou l’Autriche ne permettent pas encore que soit traversé leur territoire national, empêchant des dizaines de milliers de saisonniers roumains ou bulgares de rejoindre leur destination par voie terrestre.
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C’est cela aussi que racontent les vergers aujourd’hui : la difficulté à faire adopter des politiques coordonnées à niveau européen même quand le mal est européen.
Une difficulté qu’il faudra surmonter lors de l’étape fondamentale qui se profile : le déconfinement. Une coordination européenne sera essentielle entre Etats membres pour amorcer la réouverture des frontières, le retour de la libre circulation des personnes, en réduisant au maximum le risque de secondes vagues de contamination.
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