Entrez sans frapper

Cormac McCarthy signe son retour après 17 ans, avec une histoire en deux tomes : "Le passager" et "Stella Maris"

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L’écrivain Cormac McCarthy fêtera ses 90 ans en juillet de cette année. Avec la sortie après 16 ans sans publication d’un diptyque, ‘Le passager’suivi de ‘Stella maris’, l’auteur compte douze romans à sa bibliographie. Pour Entrez sans frapper, Jérôme Colin et Gorian Delpatûre reçoivent Olivier Cohen, fondateur et éditeur des Editions de l’Olivier, l’homme qui a parlé à l’injoignable Cormac McCarthy…

Cormac McCarthy est une énigme. La légende de la littérature américaine a reçu le Prix Pulitzer et le National Book Award, mais n’a accordé que deux interviews majeures au New-York Times et à Oprah Winfrey. Son éditeur en France l’a finalement eu longuement au téléphone pour parler de la sortie en deux tomes plutôt qu’un seul de sa dernière histoire. 'Parce que c’est plus fun !' Olivier Cohen nous donne ses impressions.

"J’ai découvert un homme charmant, subtil, très drôle. Et très curieux du monde et de la vie, tout le contraire d’un ermite. Il ne voit pas les journalistes, il ne va jamais en librairie pour dédicacer ses livres, et il n’enseigne pas dans les universités. C’est un homme invisible si vous ne faites pas partie de ses amis ou de sa famille. Mais à part cela, il mène une vie parfaitement normale."

Une œuvre majeure dans la littérature américaine

Né à Providence dans le nord-est des Etats-Unis en 1933, il va passer son enfance dans le Tennessee, un état bien présent dans plusieurs ouvrages. Jeune adulte, il passera deux ans en Alaska dans l’armée de l’air, puis il reprend dans le Tennessee ses études universitaires qu’il ne terminera jamais. Sortis au cours des années 60 et 70, ses quatre premiers romans sont associés au genre ‘Southern gothic’, de la littérature d’horreur qui en Europe utilise des décors inquiétants, manoir et forêts profondes. Pour la version US, ce sera bayous, marécages, et plantations de coton abandonnées.

Ensuite, changement de genre avec trois romans western qui vont ponctuer chaque décennie : Méridien de sang en 1985. La trilogie ouverte en 1992 par De si jolis chevaux et en 2005, No Country for old men. Un an plus tard sort le poignant La route qui est un roman postapocalyptique. Les trois derniers cités ont fait l’objet d’adaptations au cinéma.

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La violence en protagoniste principal de ses romans

L’écriture de McCarthy possède une musique hypnotique, quasi sans ponctuation. Au rythme de ses protagonistes qui errent dans des décors inhospitaliers. La nature est oppressante et Dieu s’exprime au travers des hommes. La thématique qui traverse toute l’œuvre de McCarthy, c’est que l’homme est mauvais, violent et cruel. La brutalité prend une couleur poétique.

Gorian Delpâture : " Il écrit des livres violents, il y a du sang, il y a la mort, des choses atroces se passent, avec des descriptions épouvantables. Mais ce n’est pas un auteur violent. Il met en avant la violence inhérente à l’humanité. Ce n’est pas une violence gratuite qui est là pour écœurer, c’est là pour raconter l’histoire de l’homme […] "

Olivier Cohen enchaîne : " Evidemment la violence est une des grandes obsessions de Cormac McCarthy. A l’origine, il y a cette idée que le mal est inéluctable. C’est une sorte de puissance qui s’empare des hommes, on peut essayer de s’y opposer, mais on ne peut rien contre lui. Et on retrouve cette thématique dans le passager. "

'Le passager' et 'Stella Maris', cet espace vide offert au lecteur

Avec Le passager, Cormac McCarthy explore un nouvel élément : l’océan. L’action se situe dans les eighties. Son héros, Bobby Western, est un plongeur professionnel en grande profondeur. Il est envoyé en mission pour visiter la carcasse d’un avion au fond de la mer. Une fois à l’intérieur de l’habitacle, alors que la porte était encore scellée, il lui semble qu’un passager est manquant. Le mystère est engagé. La progression du roman est martelée de personnages énigmatiques. Des visions qui apparaissaient à sa jeune sœur. Alicia s’est suicidée dix ans plus tôt. Avant cela, elle était internée à Stella Maris, titre du second tome.

Après une œuvre littéraire dominée par la masculinité, l’auteur souhaitait consacrer un roman à un personnage féminin. Est-ce que l’énigme sera résolue au terme du diptyque ? Olivier Cohen qui a la vue sur les deux tomes nous prévient :

C’est ça le sens de ce diptyque, c’est que Cormac McCarthy pose des questions mais c’est au lecteur de trouver les réponses. […] Cette histoire de passager manquant, c’est un peu un puzzle auquel il manquerait une pièce. Et au fond, c’est un peu l’image je crois, de ce qu’est la littérature pour Cormac McCarthy. C’est cet espace vide que le lecteur occupe, et c’est au lecteur d’inventer ce qui manque dans le livre. Ça fait partie de l’immense générosité de cet écrivain qui ne boucle pas ses histoires. Ce n’est pas lui qui a le dernier mot, le dernier mot, c’est vous qui l’avez".

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