COP27

COP27 : pourquoi la conférence sur le climat représente un enjeu majeur pour l’Afrique

COP 27 : enjeu Afrique

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Ce dimanche s’ouvre à Charm el-Cheikh, en Egypte, la COP27. Une conférence dans laquelle les pays du Sud placent beaucoup d’espoir, après des années de promesses de la part des pays du Nord.

Les objectifs de ce grand rendez-vous pour la planète ont d’ores et déjà été annoncés. Les différents dirigeants mondiaux se concentreront sur trois points principaux :

  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre,
  • Aider les pays à se préparer et à faire face au changement climatique,
  • Assurer aux pays en développement un soutien technique et un financement pour ces activités.

Avec l’organisation de la COP en Afrique – la cinquième sur ce continent – les gouvernements de la région espèrent attirer l’attention sur les graves conséquences du changement climatique qui s’y manifestent déjà. Car si l’urgence est bien réelle pour le monde entier, elle l’est d’autant plus pour le continent africain…

Un continent en première ligne

Vague de chaleur, sécheresse, inondations, invasions de criquets pèlerins… Les conséquences du réchauffement climatique sont déjà clairement visibles. Or, selon le dernier rapport du Giec, ces phénomènes vont sans aucun doute s’aggraver au cours de la prochaine décennie.

Dans le 2e volet de son 6e rapport sorti en février dernier, qui s’attarde sur "les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité au changement climatique", le Groupe d’experts intergouvernemental dresse un constat alarmant pour cette région du monde, particulièrement vulnérable.

Comme le montre le schéma ci-dessous, le continent africain est en première ligne face au réchauffement climatique. Le GIEC y a identifié neuf défis importants, contre six défis légers et trois modérés en Europe.

Cette infographie tirée du 6e rapport du Giec montre que l’Afrique est le continent qui est globalement le plus vulnérable, mais le rapport met en évidence que tous les continents seront concernés et sont en retard dans leurs politiques d’adaptation.
Cette infographie tirée du 6e rapport du Giec montre que l’Afrique est le continent qui est globalement le plus vulnérable, mais le rapport met en évidence que tous les continents seront concernés et sont en retard dans leurs politiques d’adaptation. © RTBF

Tous ces phénomènes – par ailleurs terreau fertile à l’essor de groupes armés et de conflits – entraînent inévitablement des mouvements migratoires. Selon la Banque mondiale, le changement climatique constitue un facteur de migration de plus en plus puissant qui pourrait contraindre, d’ici à 2050, quelque 216 millions de personnes dans le monde en développement à migrer à l’intérieur de leur pays.

Justice climatique

Si le continent africain est le plus impacté par les conséquences du réchauffement climatique, il est pourtant actuellement et historiquement l’un des moins gros émetteurs de CO2.

Alors qu’il s’agit du deuxième continent le plus peuplé, derrière l’Asie, celui-ci émet moins de 3% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, les grands gagnants étant les États-Unis, qui émettent à eux seuls 25,20%, suivis de la Chine, avec 14,24%.

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Les représentants de 24 pays africains ont rappelé début septembre, lors d’une réunion au Caire visant à préparer la COP de ce dimanche, "l’impact disproportionné du changement climatique […] sur le continent compte tenu de sa faible empreinte carbone".

En d’autres termes : les plus gros émetteurs historiques de gaz à effet de serre sont des pays riches et doivent payer leur juste part aux pays du Sud – qui comprennent notamment les pays africains – qui en ont émis beaucoup et qui sont majoritairement les plus concernés par le changement climatique.

Ils leur demandent à présent de respecter leurs engagements financiers.

Un financement qui se fait attendre…

La question du financement est depuis longtemps au cœur des négociations sur le climat.

En 2009 à Copenhague déjà, les pays développés se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an, d’ici à 2020, aux pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions et à se préparer au changement climatique. La promesse a été réitérée à plusieurs reprises, mais à ce jour avec un financement climat évalué à 83,3 milliards de dollars en 2020, l’objectif n’a toujours pas été atteint et a même été reporté à 2023.

"Dès le départ, la promesse faite en 2009 par les pays du Nord était exprimée de façon assez floue. Il s’agissait d’une tentative de dernière minute afin de convaincre les pays du Sud de signer l’accord. Ce flou a été entretenu jusqu’à maintenant, ce qui arrange bien les pays du Nord", analyse Romain Weikmans, chercheur et enseignant en politique climatique à l’ULB.

Il n’y a en effet pas de cadre établi autour de la mise en œuvre de ce financement, pourtant demandé depuis des années par les pays du Sud. Pas de règles précises déterminant ce que chaque pays doit payer. Par ailleurs, le montant global comprend les financements publics - les dons et les prêts comptabilisés de la même façon - mais aussi les financements privés et les crédits à l'exportation liés au climat. "Tous ces éléments font que l’on ne respecte pas les promesses annoncées", résume le spécialiste.

Pourtant, l’urgence est là. Et plus ce financement se fait attendre, plus le tribut sera lourd à payer, alertent les scientifiques. "Les chiffres sont alarmants : aujourd’hui, les coûts estimés des mesures pour réduire l’exposition des pays en développement aux impacts du réchauffement sont cinq à dix fois plus élevés que les financements dirigés vers cette adaptation", s’était inquiétée l’ONU lors de la 26e COP à Glasgow l’année dernière.

… et qui n’est pas justement réparti

Si ce financement est tellement important, c’est parce qu’il est censé à la fois permettre aux pays en voie de développement de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, en sortant des énergies fossiles et en investissant dans le renouvelable notamment, mais également de s’adapter à ces changements, par la construction de digues face aux inondations ou la plantation de cultures qui résistent davantage à la sécheresse, par exemple.

"Lors de leur promesse de financement, les pays du Nord s’étaient engagés à financer à parts égales tant l’aspect réduction que l’aspect adaptation. Or, on voit aujourd’hui que la majorité des fonds versés servent à réduire les émissions de gaz à effet de serre des pays en voie de développement, ce que préfèrent les pays riches étant donné les effets sur le long terme. L’adaptation reste vraiment le parent pauvre de ce financement", remarque Romain Weikmans.

Aujourd’hui, face à l’inaction climatique des pays du Nord et leur responsabilité historique, les pays du Sud et les ONG plaident pour un troisième pilier de ce financement : les "pertes et préjudices". Par ce mécanisme, les pays qui sont déjà impactés par le changement climatique exigent la réparation des aléas climatiques pour lesquels il leur est impossible de s’adapter.

Alors que le sujet existe depuis 30 ans, que le terme a été officiellement utilisé en 2007 lors de la COP13 à Bali et qu’il est consacré formellement dans l'accord de Paris de 2015, le cadre exact de ce mécanisme reste encore à définir et est en discussion lors de chaque COP. Il le sera à nouveau cette année.

Plus que des promesses

L’enjeu est donc important pour l’Afrique lors de la prochaine COP – et indirectement pour la planète entière – car si celle-ci veut s’inscrire dans une transition climatique viable, elle a besoin de financement.

Dès lors qu’attendre de cette nouvelle COP ? "Je crains malheureusement à nouveau de belles promesses", avance Romain Weikmans. "Depuis plusieurs années, lors des COP, de nouveaux fonds sont créés dans l’objectif de venir en aide aux pays en développement. Cela permet à ces pays de revenir chez eux avec des 'petites victoires'. Mais dans les faits, une fois que ces fonds sont créés, ils ne sont presque pas alimentés par les pays du Nord".

À noter que ce zoom sur le continent africain ne doit pas occulter les nombreuses autres régions dans le monde qui sont fortement impactées par le changement climatique. Que ce soit en Asie, en Amérique du Sud ou en Afrique, des millions de personnes vivent déjà dans une situation de vulnérabilité.

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