COP26 : quel est l’impact du secteur de la construction sur les émissions de gaz à effet de serre ?

Inauguration du Village du SHAPE à Mons, le mardi 19 octobre 2021. Une collaboration entre le service public fédéral des finances belge et le SHAPE a démarré en 2020 la construction de 300 nouvelles maisons et 300 appartements neufs.

© BELGA

Par Cynthia Deschamps

Le secteur de la construction est connu pour être l’un des grands acteurs du réchauffement climatique. Il représente en moyenne 11% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.

Des disparités importantes existent toutefois entre les pays. En Chine, un pays qui se développe rapidement, ce chiffre s’élève à 16%. En Europe, continent déjà très développé au niveau urbanistique, nous sommes à 9%.


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Mais pour Alice Moncaster, professeure d’ingénierie à l’Open University au Royaume-Uni, ce chiffre est certainement plus élevé que 11%, notamment à cause du transport.

Les émissions de transport pour les importations de produits lourds peuvent en effet être considérables. "Les briques importées en Irlande du Royaume-Uni ont 1,5 fois plus d’impact carbone que si elles étaient fabriquées localement", note-t-elle.

Impacts des nouveaux bâtiments

La majorité des travaux de construction dans les pays "développés" sont des bâtiments, plutôt que des projets d’infrastructure (routes, rail, etc.).

L’impact moyen des bâtiments est d’environ 300 à 500 kg de carbone par mètre carré. A titre d’exemple, la Grande-Bretagne s’est donné pour objectif de construire 300.000 nouveaux logements par an. Cela veut dire qu’elle produirait environ 9 millions de tonnes d’émissions de carbone en plus. "Notre "empreinte" carbone individuelle en Europe étant d’environ 6,7 tonnes par an", explique Alice Moncaster, "cela équivaut donc aux émissions de carbone de 1,4 million de personnes supplémentaires".

Étonnamment, selon la chercheuse Tove Malmqvist du KTH Royal Institute of Technology, les immeubles d’appartements en Suède représentent un impact moyen de 363 kg de carbone par mètre carré, tandis que pour les logements unifamiliaux, l’impact est deux fois moindre, avec 150 kg de carbone par mètre carré. Pourquoi ? Principalement parce que ces derniers sont désormais construits en bois.

Matériaux spécifiques

La plupart du CO2 émis par le secteur de la construction provient de l’énergie utilisée pour fabriquer les matériaux, à l’exception du ciment.

Dans le cas du ciment, la moitié des émissions de carbone provient des processus chimiques de création du ciment pendant le processus de fabrication. L’autre moitié vient de l’énergie utilisée pour chauffer les fours, etc.


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Les matériaux de construction ayant le plus d’impact au niveau mondial, en partie parce qu’ils sont très largement utilisés, mais aussi parce qu’ils sont très intensifs en carbone, sont le ciment/béton et l’acier. Selon Alice Moncaster, le ciment est responsable à lui seul de 7% des émissions mondiales de carbone.

"L’un des principaux moyens de réduire les émissions de carbone dans les nouvelles constructions", explique-t-elle, "consiste donc à remplacer l’acier et le béton par du bois et d’autres matériaux biosourcés. Et selon la gestion du bois après la fin de vie du bâtiment, l’impact d’une structure en bois peut être proche de zéro."

"La plupart des bâtiments sont démolis pour des raisons économiques"

Dans les pays développés comme les pays européens, l’un des principaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait être de mettre fin aux démolitions.

"La plupart des bâtiments sont démolis pour des raisons économiques, plutôt que parce qu’ils sont en fin de vie", constate Alice Moncaster, professeure d’ingénierie à l’Open University au Royaume-Uni. "En bref, c’est parce que les promoteurs pensent qu’ils peuvent gagner plus d’argent en construisant de nouveaux bâtiments qu’en les rénovant, et qu’il n’y a pas de politique de planification ou de réglementation pour les en empêcher."

Des études de cas montrent que même une rénovation profonde, qui consiste à mettre le bâtiment existant en conformité avec les normes actuelles d’efficacité énergétique, ne "coûte" qu’environ 125 kg de CO2.

"Si le 'coût' du carbone incorporé dans la construction était inclus dans la réglementation, nous démolirions beaucoup moins de bâtiments et émettrions beaucoup moins de carbone en conséquence", avance Alice Moncaster.

Et en Belgique ?

Au 1er janvier 2021, la Belgique comptait 4.590.838 bâtiments. Depuis 1995, le nombre de bâtiments a augmenté de 15% en Belgique. Sur la même période, le nombre de logements a progressé de 27% pour atteindre 5.631.637 unités.

L’âge des bâtiments varie fortement d’une région à l’autre. En Flandre, 33% des bâtiments ont été construits après 1981, contre 22% en Wallonie et seulement 7% en Région de Bruxelles-Capitale.


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Depuis 2007, le niveau des permis de bâtir octroyés pour la rénovation de bâtiments résidentiels est généralement supérieur à celui des permis accordés pour de nouvelles constructions résidentielles. L’écart reste toutefois faible. Ces derniers mois, les nouvelles constructions et les rénovations se situent environ au même niveau, précise Statbel.

Normes et réglementations

Les réglementations régissant l’efficacité énergétique des bâtiments proviennent de la directive européenne de 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, ratifiée en 2006 par tous les États membres.

"Cette directive est importante, mais pendant des années, elle ne s’est appliquée qu’au CO2 produit par les nouveaux bâtiments", observe Alice Moncaster. "Or, environ 1% du parc immobilier est remplacé chaque année en Europe. C’est donc un processus très lent. Cette directive ignore aussi le CO2 produit lors de la construction de ces nouveaux bâtiments."

En 2011 et 2012, l’Union européenne publie des normes qui définissent les impacts du cycle de vie des produits et matériaux de construction et des bâtiments et travaux de construction. Toutefois, ces normes ne sont pas obligatoires.

"L’obligation de mesurer l’impact de la construction des bâtiments n’est encore une réglementation que dans quelques pays, comme par exemple les Pays-Bas depuis 2012", dit la chercheuse.

"Les pays nordiques comme la Suède introduisent des exigences de mesure du carbone à partir de 2022. D’autres pays d’Europe et d’ailleurs commencent à se pencher sur la question, comme le gouvernement néo-zélandais qui a récemment publié des directives, et le Royaume-Uni qui vient de débattre de cette question dans le cadre du Comité d’audit environnemental du gouvernement britannique."

Des logements neutres en énergie à l’horizon 2050

La Belgique a, quant à elle, fait un bond de géant par rapport aux années 1970 et 1980, estime Sven Nouten, porte-parole de la Confédération Construction.

"La crise pétrolière des années 1970 a poussé le secteur de la construction à accorder davantage d’attention à l’isolation des maisons et bâtiments ", explique Sven Nouten, "entre autres en lançant le double vitrage et l’isolation des toitures, des murs et des sols."

Les premières normes techniques sont arrivées dans les années 1980, mais il a fallu attendre 2006 pour parler d’une véritable percée, avec l’introduction de la réglementation énergétique PEB.

"Entre-temps, nous avons déjà parcouru du chemin : actuellement les nouvelles constructions doivent être quasiment neutres en énergie. Et si nous poussons un peu plus loin, en 2050, tous les logements, y compris les anciennes constructions, devront obtenir un label PEB A, et donc être totalement neutres en énergie", conclut-il.

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