Climat

COP26 : les objectifs climatiques de l’Union européenne, un écheveau ambitieux à 27 États

© Bertrand Massart - RTBF

L’Union européenne entame la COP26, organisée jusqu'au 12 novembre à Glasgow, avec de hautes ambitions climatiques, déroulées ces derniers mois : green deal, paquet législatif contraignant, contributions nationales de réduction des émissions des gaz à effet de serre en hausse, etc. Un ensemble de mesures dans lequel s’inscrit la Belgique. Ces ambitions incarnent le rôle d’aiguillon international que l’Union veut se donner dans la lutte contre le dérèglement du climat. Elles cachent aussi des écueils, parmi lesquels la sortie du charbon en pleine période de hausse des prix de l’énergie n’est pas la moindre.


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Un modèle ?

Evolution des émissions mondiales annuelles de CO2

L’Union européenne a toujours joué un rôle moteur dans la gouvernance internationale du changement climatique. Elle pèse 8 à 10% des émissions mondiales des gaz à effet de serre mais ces émissions diminuent. Elles ont baissé de 24% entre 1990 et 2019 (par contre, au niveau mondial, les émissions continuent de grimper). En 2020, la pandémie a par ailleurs été de pair avec un ralentissement de l'activité économique et une baisse des émissions. Une avancée toutefois insuffisante pour contenir le réchauffement de la planète sous 1,5 °C, conformément à l'Accord de Paris.

Pour Chiara Armeni, professeure de droit de l’environnement au Centre de droit européen de l’ULB, "L’UE est un acteur important de la COP26 mais elle a toujours été un acteur central dans les COP car elle a établi un modèle environnemental et climatique novateur depuis des années. Avec le Pacte vert pour l'Europe et la loi européenne sur le climat adoptée en juin, l’Union européenne a l’ambition d’être vue comme un modèle et pousse les autres parties à être plus ambitieuses".

Objectifs à moyen et long termes

Le coup d’accélérateur était indispensable et l’Union a appuyé sur le champignon tout au long de l’année écoulée pour relever ses ambitions à l’aune de la COP26 organisée en Écosse. L’Union européenne se présente à la 26e Conférence des Parties signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur le réchauffement climatique (CCNUCC) avec une stratégie globale comprenant un objectif à moyen terme, un objectif à long terme, un plan climat et un paquet législatif pour y arriver.


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Les 27 ont en effet décidé de réduire – c’est l’objectif à moyen terme – les émissions européennes d’au moins 55% à l’horizon 2030 (au lieu des 40% fixés précédemment), par rapport aux niveaux de 1990. Ils s’engagent – c’est l’objectif à long terme – à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Cet objectif longue-vue de neutralité climatique figure dans la loi climat adoptée l’été dernier après un long parcours législatif et devient, dès lors, contraignant.

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Le plan d’action

Reste la question du comment ? La Commission européenne y a répondu en juillet en adoptant un paquet législatif visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité. Ce paquet législatif prévoit notamment un élargissement du marché carbone européen, la fin des voitures diesel et essence, la mise en place d’une taxe aux frontières européennes pour les importations de biens fabriqués dans des conditions moins vertes que les produits européens, etc.

L’Union européenne a soumis ses nouvelles ambitions climatiques à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, soit sa NDC (ou Nationally Determined Contribution), sa contribution déterminée au niveau national (dans ce cas-ci, au niveau des 27 puisque l’UE se présente "en bloc" à la COP26 de Glasgow). D'ailleurs, lors des différentes COP, les représentants des 27 se retrouvent tous les matins pour accorder leurs violons. "C’est un énorme travail pour les diplomates européens", souffle le chercheur à l’Institut finlandais des Affaires internationales et enseignant à l’ULB, Romain Weikmans. 


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Pour revenir à la contribution européenne à l’effort climatique (NDC européenne), une fois celle-ci déterminée, les États membres décident ensemble comment l'effort est réparti entre chaque État membre. C’est ainsi qu’ils revoient, chacun, leurs objectifs climatiques, comme le montre le tableau ci-dessous. En Belgique, une fois cet objectif déterminé, les différents niveaux de pouvoirs (fédéral et Régions) se répartissent eux aussi l’effort (burden sharing ou partage du fardeau). Bref, un véritable effet entonnoir et des discussions difficiles à chaque étape.

Répartition des efforts entre les pays de l’Union européenne. Source : Commission européenne
Répartition des efforts entre les pays de l’Union européenne. Source : Commission européenne © Bertrand Massart – RTBF

L’Europe et le charbon

Certains observateurs, parmi lesquelles des ONG, estiment que la contribution européenne est insuffisante pour rester dans la trajectoire fixée dans l’Accord de Paris. "C'est exact, mais il faut aussi voir les progrès accomplis", analyse Romain Weikmans. Selon lui, "les négociations entre les États membres ne sont pas toujours simples. L’exemple du charbon est parlant. Les pays de l’Est comme la Pologne, la Bulgarie ou la Hongrie – mais aussi l’Allemagne – mettent la pédale douce dès que l’on veut augmenter l’ambition climatique car ces pays sont dépendants du charbon pour leur production électrique. Ils demandent d’ailleurs d’être aidés dans leur transition vers des énergies plus vertes. [...] Les décisions européennes sont toujours le résultat de compromis politiques difficiles", renchérit la professeure de droit de l’environnement de l’ULB, Chiara Armeni.

Des mécanismes de transferts financiers existent pourtant à propos de la sortie du charbon. Sans ces derniers, les pays européens qui en dépendent n’auraient pas adhéré aux objectifs climatiques européens. A ce contexte déjà difficile s’ajoute un facteur conjoncturel supplémentaire : la forte hausse des prix du gaz incite à faire tourner les centrales à charbon pour la production électrique.


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Si l’Union européenne croise le fer avec la Pologne à propos du charbon, la présidence britannique de la COP26 qui a fait de la sortie du charbon l’une de ses priorités a, elle, fort à faire pour convaincre les plus gros producteurs (Chine, Etats-Unis, Inde, Australie), et ses plus gros consommateurs, d’abandonner cette dépendance énergétique néfaste pour la planète.

La COP26, les ambitions et les 100 milliards

Le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine ne se rendront pas à Glasgow, plombant un avenir où chaque effort est compté. La COP26 devrait toutefois servir de terrain de négociations à ceux qui veulent augmenter les ambitions climatiques puisque les efforts mondiaux (réalisés, et prévus) ne sont jusqu'ici pas suffisants pour contenir la hausse des températures sous 1,5° C.

"L’idée de cette COP26, c’est vraiment de pousser les parties vers plus d’ambition, vers des engagements plus importants", explique Chiara Armeni. "C’est ce à quoi aspire l’Union européenne mais elle veut aussi peser sur la promesse faite par les pays développés aux pays en voie de développement (PVD) de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars chaque année, entre 2020 et 2025".

Bref, l’UE veut que les pays développés passent des paroles aux actes, leur engagement n’étant pas honoré, comme l’indiquait récemment l’OCDE. L’Organisation pour la coopération et le développement économiques a indiqué que ce financement avait atteint 80 milliards en 2019. Au regard des engagements actuels, Oxfam estime de son côté que "les pays riches ne tiendront pas leur promesse et n’atteindront que 93 à 95 milliards de dollars par an d’ici à 2025, cinq ans après la date fixée. Cela signifie que les pays vulnérables pourraient se voir privés de 68 à 75 milliards de dollars au total au cours de cette période de six ans"


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La promesse de 100 milliards pour aider les PVD à réduire leurs émissions et à s’adapter aux effets du dérèglement climatique est réitérée à chaque conférence des parties depuis la COP15 de Copenhague. Ces polémiques plombent les négociations climat depuis le début et ce sera plus que probablement le cas à Glasgow.

Une COP26 technique

Accroître les ambitions climatiques, pousser les parties à augmenter leurs contributions financières afin d'honorer leur promesse de 100 milliards de dollars pour les PVD, voilà deux éléments clés de la diplomatie européenne à Glasgow. Mais Glasgow sera aussi une Conférence des parties "technique" : "Le point principal de la COP26 est l’implémentation de l’Accord de Paris et de ses différents articles c’est-à-dire toutes les règles techniques permettant de mettre en œuvre l’Accord de Paris. L’Union européenne plaide pour une harmonisation des documents de référence, par exemple les NDCs, les contributions déterminées au niveau national", explique le professeur de sciences politiques de l’UCLouvain, Tom Delreux.

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Un processus permanent

Le dérèglement climatique en cours s’accommode mal des atermoiements des États. En date du 1er novembre, 148 pays ont soumis leurs nouvelles promesses de réduction d’émissions (NDCs), parmi lesquelles 85 représentent une progression par rapport aux ambitions antérieures. 28 États ont par ailleurs déclaré leur intention d’améliorer leur ambition climatique mais ne l’ont pas encore fait, comme l’indique la carte ci-dessus (la carte du site climatewatch.org se met à jour automatiquement,).


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La COP26 est un climax, un point culminant, mais les efforts diplomatiques sont continus. Pour Tom Delreux, "La COP met la pression sur les parties, nonobstant tout ce qui a été réalisé en continu. C’est un moment très politisé".

S’agit-il pour autant d’une grand-messe ? "C’est un peu ça mais est-ce une mauvaise chose ? Le cadre est là. Ce qui manque, c’est l’action des États. La balle est dans leur camp. Personnellement, je trouve ça bien que des COP soient organisées tous les ans, notamment parce que les médias se saisissent de la question et les associations font pression".

La COP26 s’achèvera le 12 novembre prochain.

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