Week-end Première

COP15 - La désertification, autre défi pour l’humanité

© Pixabay

Par RTBF La Première via

La désertification menacerait 40 % des terres émergées. C’est le sujet de la COP15 qui se déroule depuis le 9 mai à Abidjan. La COP désertification est une petite sœur de la COP climat, et le principe est le même : essayer de se mettre d’accord, entre les 195 pays de la Convention des Nations Unies, sur des objectifs et des moyens concrets pour lutter contre la dégradation et la mort des sols. Comment relever ce défi ? Avec quels moyens, quels acteurs ? 

>>> Eclairage avec Alice Alonso, chercheuse au Earth and Life Institute et chargée de cours invitée à la Faculté des Bioingénieurs à l’UCLouvain.

 


>>> Tout savoir sur la COP15


 

Qu’entend-on par désertification ?

La désertification, selon la définition des Nations Unies, concerne la dégradation terrestre dans les milieux arides et semi-arides. 

La dégradation terrestre est un processus conduit par l'activité humaine, qui engendre une perte ou une diminution de la biodiversité et des services écosystémiques des écosystèmes terrestre et aquatique. On entend par 'services écosystémiques' la filtration naturelle de l'eau, la qualité de l'air, l'activité des micro-organismes du sol, la pollinisation, la séquestration des carbones, etc. Cette perte de services engendre une perte de la biodiversité.

La désertification, c'est quand on s'intéresse à ces processus lorsqu'ils ont lieu dans des régions arides et semi-arides, où le ratio entre la précipitation et la demande évaporative est faible. Il s'agit donc des régions où il fait sec et chaud : en Afrique, en Asie, et dans une moindre mesure, dans les Amériques, en Australie et en Europe.

Quels problèmes cela engendre-t-il ?

La désertification engendre une perte de fertilité des terres, c'est-à-dire une perte en éléments nutritifs et une perte de la capacité des terres à retenir les eaux, déjà rares dans ces régions. La perte de fertilité implique aussi une relibération du carbone dans l'atmosphère, qui contribue au changement climatique.

Cela a des conséquences en cascade. Quand la végétation se développe moins, on a bien sûr des rendements moins importants et donc une insécurité alimentaire. Mais aussi une diminution de la couverture des sols, ce qui engendre un processus d'érosion, qui augmente d'autant plus l'appauvrissement des sols.

Comment progresse la désertification ?

Il est compliqué de cartographier et de quantifier l'ampleur de la désertification, explique Alice Alonso. Tout dépend des indicateurs de mesure choisis. 

On peut par exemple utiliser les satellites, qui vont donner une indication sur la couverture végétale et sur son évolution à travers le temps : diminution, augmentation, rapidité de l'évolution, zones impactées... Les images satellite permettent maintenant de retourner 40 ans en arrière.

Mais la résolution de ces images est relativement grossière, on ne peut pas identifier le type de végétation observée. La verdure n'est pas toujours une indication favorable : il peut s'agir d'intensification agricole avec irrigation, qui n'est pas forcément une bonne chose en termes de dégradation des terres. On peut aussi avoir une invasion de végétation néfaste, pour d'autres raisons, sur l'écosystème.

Des variables biophysiques et socioéconomiques entrent aussi en ligne de compte. 

Il est donc difficile à dire si la désertification progresse réellement. Le dernier rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur ce sujet, sorti en 2019, relève des reverdissements à certains endroits, des assèchements à d'autres, avec un certain équilibre en termes de couverture végétale.

Mais en termes de dégradation des ressources naturelles et des services écosystémiques, cela semble clair que, oui, on a effectivement une érosion sur le long terme. Pour la biodiversité, il y a un consensus absolu sur le fait qu'on a une érosion très alarmante sur laquelle il est important d'agir.

Quel lien entre réchauffement climatique et désertification ?

La désertification est un processus qui résulte d'interactions complexes entre le système humain et le système naturel, entre les activités humaines et le climat. 

Ce que l'on sait, c'est que la désertification influence le changement climatique, à travers une libération du carbone présent dans le sol et une moindre accumulation du carbone dans la végétation.

A l'inverse, l'effet du changement climatique sur la désertification est moins clair, souligne Alice Alonso. Le rapport du GIEC met en avant le fait que la diminution des précipitations, l'augmentation des températures et l'augmentation de la demande évapotranspirative compromettent le développement végétal et favorisent la désertification. Mais cet effet peut être contrebalancé dans certaines régions par la fertilisation par le CO2, qui constitue la nourriture des plantes. Comme il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, leur croissance est accrue.

Comment lutter contre la désertification ?

La lutte contre la désertification passe par une gestion raisonnée et durable de l'occupation et de l'utilisation des sols. L'agriculture est l'activité qui utilise et dégrade le plus les sols, si elle n'est pas appliquée de manière raisonnée. Une application raisonnée de l'agriculture consiste par exemple à éviter d'avoir des sols nus, et donc à assurer une couverture sur le sol sur le long terme. 

On peut faire revivre une terre qui est appauvrie, en replantant, en reforestant, en appliquant de la matière organique. On peut ainsi lui redonner de la fertilité et recréer un écosystème en équilibre.

La Grande Muraille Verte par exemple, projet pour le Sahara et le Sahel, est une initiative qui gagne un certain consensus scientifique. Le concept consiste à replanter des arbres et à créer une mosaïque d’écosystèmes verts et productifs sur une distance de plus de 7000 kilomètres. Il s'agit d'occuper le sol d'une manière qui permette de réhabiliter l'écosystème et d'assurer un bien-être socioéconomique dans cette région d'Afrique très appauvrie.

Mais il est clair que cette lutte contre la désertification demande beaucoup plus de moyens et des solutions adaptées aux différents systèmes, conclut Alice Alonso. 

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