Le sénateur socialiste Henri Rolin, dans l’opposition, fait alors une déclaration décisive et s’oppose au gouvernement :
J’ai comparé l’indépendance à la remise du trousseau de clés de la nouvelle maison Congo. La Belgique doit, le 30 juin, remettre toutes les clés et ce sont les Congolais qui décideront de l’usage qu’ils en feront.
Rolin ajoute que le Congo pourra s’il le veut faire appel à des Belges pour certains services à leur rendre… Les délégations congolaises applaudissent avec enthousiasme.
Certaines délégations congolaises rejettent le principe de matières réservées et veulent des conventions entre les deux Etats, d’autres sont plus réservées et prudentes.
Le ministre du Congo belge, chargé des Affaires économiques, Raymond Scheyven, social-chrétien, est effondré ce soir-là, au bar du Palais des Congrès :
Le drame, c’est que la Belgique a dû affronter la tourmente congolaise avec un gouvernement biparti, souvent divisé, et avec, dans l’opposition, un parti socialiste cohérent et proche des revendications les plus radicales. Il aurait fallu un gouvernement d’union nationale…
Le 30 janvier, le ministre De Schryver annonce que le gouvernement renonce à un " élargissement progressif du contenu de l’indépendance ". Il adopte la formule d’Henri Rolin : c’est le trousseau de clés complet qui sera remis à l’Etat congolais…
Le ministre De Schryver et le gouvernement sont en fait pris dans une grande contradiction : négocier, mais sans pouvoir aller à l’échec, donc en position de faiblesse. Il expliquera au Parlement, en août 1960 : il fallait que la Table ronde réussisse…
… La faire échouer, c’était voir renaître au Congo l’amertume, rencontrer l’hostilité violente des dirigeants unis en front commun ainsi que connaître des troubles majeurs sans pouvoir y résister avec la seule Force publique… Nous aurions dû faire appel à l’armée belge.
Or, en Belgique, l’opinion est hostile à l’idée. La campagne " Pas un soldat belge au Congo " est portée par les syndicats, les partis et les mouvements de gauche.
Les Congolais ont remporté leur cinquième victoire. Mais ils ne s’attendaient pas à une victoire aussi rapide ! Une partie des Congolais, y compris chez les plus radicaux, s’inquiètent de la rapidité du processus, et certains parlent même alors de lâcher-tout.