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Conflit en Ukraine : la Russie s’impatiente, l’Europe hors jeu (analyse)

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov espère de nouvelles discussions avec les Etats-Unis à certaines conditions.

© Photo by Dimitar DILKOFF / AFP

Après une semaine d’intenses pourparlers diplomatiques, la Russie et les Occidentaux campent sur leurs positions. Le risque d’un conflit en Ukraine reste toujours bien présent. Si les ponts ne sont pas coupés, la Russie s’impatiente et exige une réponse rapide à ses propositions.


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Une réponse écrite la semaine prochaine

Hasard du calendrier, ce vendredi 14 janvier, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov faisait le bilan de la diplomatie russe en 2021. Il en a profité pour faire également le bilan du ballet diplomatique organisé cette semaine à Genève, Bruxelles et Vienne. Avec au final, un résultat qui déçoit Moscou où l’impatience est palpable.

La Russie n’entend pas retirer les troupes déployées à la frontière ukrainienne. Le risque d’un conflit n’est pas écarté.
La Russie n’entend pas retirer les troupes déployées à la frontière ukrainienne. Le risque d’un conflit n’est pas écarté. © Satellite image 2021 Maxar Technologies

Nous avons des raisons de croire que nos partenaires ont compris la nécessité de réagir rapidement, précisément, et sur le papier, a déclaré Sergueï Lavrov. Et ils ont compris que nous n’allons pas attendre éternellement. " Le ministre russe des affaires étrangères dit espérer que les discussions avec les Etats-Unis reprendraient mais il a prévenu que cela dépendrait de la réponse de Washington aux propositions de Moscou qui veut, entre autres, interdire tout nouvel élargissement de l’Otan, en particulier à l’Ukraine, et le retrait des forces de l’Alliance atlantique présentes dans les pays de l’est et du centre de l’Europe.

Ils ont compris que nous n’allons pas attendre éternellement

"Nous voulons voir leur réponse par écrit – article par article et point par point […]. Nous voulons avoir leur réaction : ceci leur convient et cela ne leur convient pas, et pourquoi. S’il est nécessaire de faire des ajouts, formulez les amendements. Donnez-nous les amendements par écrit si vous avez quelque chose à ajouter", a précisé le chef de la diplomatie russe.


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L’Union européenne mise à l’écart

Si la Russie considère les Etats-Unis, et l’Otan, comme des interlocuteurs valables, ce n’est pas le cas de l’Union européenne. La faute aux Européens. " Tous les canaux de communication avec l’Union européenne ont été recouverts de ciment par nos partenaires européens ", a affirmé Sergueï Lavrov. Une façon pour lui de critiquer, sans le dire, la politique des sanctions que l’Europe imposé à la Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014.

Aujourd’hui, la Russie veut dialoguer avec les grands

Mais pour Nicolas Gros-Verheyde, rédacteur en chef de B2, le site spécialisé sur les questions de défense et de politique étrangère de l’Union européenne, il y a aussi d’autres raisons. "C’est assez conforme à l’opinion russe qui estime que l’Union européenne est gênante parce que c’est un instrument démocratique, pluraliste, avec plusieurs dirigeants, une organisation assez complexe qui est difficile à appréhender dans la dynamique russe qui a un pouvoir vertical, du haut vers le bas", explique le spécialiste. "L’Otan est plus facile à comprendre, c’est le bon adversaire qu’il faut à la Russie, qui lui permet de justifier tout ce qui est injustifiable et qui lui permet de dialoguer directement avec les Américains. Aujourd’hui, la Russie veut dialoguer avec les grands. Elle veut être une grande nation, reconnue par les grands, donc par les Etats-Unis et la Chine, et elle estime que négocier avec l’Union européenne ne lui rapporte pas ce statut-là. "

Sujet de notre journal télévisé du 10 janvier :

Ukraine : Théâtre d un conflit larvé depuis près de huit ans

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Le président russe Vladimir Poutine ne veut discuter qu’avec les Etats-Unis. L’Union européenne est mise hors jeu.
Le président russe Vladimir Poutine ne veut discuter qu’avec les Etats-Unis. L’Union européenne est mise hors jeu. © Photo by Eric BARADAT and Pavel Golovkin / various sources / AFP

Les Européens plus présents par le passé

Conséquence, alors que les discussions entre Russes et Américains portent essentiellement sur la sécurité, les Européens ne sont pas conviés à la table de négociations. " Je pense qu’il y a une forme de régression des Européens sur la scène internationale " analyse Nicolas Gros-Verheyde. " Souvenez-vous, en 2009, le président russe Dmitri Medvedev a proposé un traité de sécurité européenne aux Européens. Pas à l’Otan mais aux Européens " insiste le spécialiste.

Aujourd’hui, les Européens ne négocient pas sur l’Ukraine

" Avant cela encore, en 2008, sous la précédente présidence française de l’Union européenne, le président français Nicolas Sarkozy avait pris l’avion lors d’une tournée épique pour faire la navette entre Tbilissi et Moscou lors de l’intervention russe en Géorgie pour trouver une porte de sortie à ce conflit. Et avec succès, souligne Nicolas Gros-Verheyde, parce qu’à l’époque les Russes ne voulaient pas aller jusqu’à Tbilissi, ils voulaient juste marquer le coup et marquer les limites de leur zone d’influence. Là, l’Europe avait un vrai rôle et elle l’a toujours parce qu’elle a encore des observateurs sur le terrain, en Géorgie, face à l’armée russe pour éviter une reprise des violences, ce qu’on appelle dans le jargon militaire de la " déconfliction ". Aujourd’hui, on peut remarquer qu’on n’est pas à ce niveau-là dans le dossier ukrainien. C’est pour ça que je parle d’une régression. Aujourd’hui, les Européens ne négocient pas sur l’Ukraine. "


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Faute de pouvoir peser seule sur la scène internationale, et en attendant l’émergence d’une véritable autonomie stratégique, aujourd’hui encore très hypothétique, les Européens devront cette fois encore s’appuyer sur les Etats-Unis pour assurer leur sécurité.

L’analyse intégrale du journaliste Nicolas Gros-Verheyde est à découvrir dans Merci, l’Europe ? !, ce samedi 15 décembre, à partir de 13h00, sur La Première.

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