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Conflit en Ukraine : Comment parler de la guerre aux enfants ?

© Getty Images

Par RTBF La Première via

Les événements actuels en Ukraine causent aussi beaucoup d’inquiétude à nos enfants. Ils sont nombreux à nous poser des questions. Comment leur répondre, comment les rassurer ? Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons, nous donne quelques conseils.

"Il faut se méfier de ce qu’on dit pour le moment aux enfants et de ce qu’on échange avec eux. Beaucoup disent que l’enfant est le réceptacle des émotions de l’adulte. Mais pour le moment, l’enfant est plutôt le réceptacle de l’angoisse ambiante et de l’anxiété généralisée."

Deux secousses terriblement angoissantes sont survenues en peu de temps : la pandémie d’abord, avec une forme d’angoisse qui s’installe lentement, progressivement, et sur laquelle on a quand même un peu de contrôle, avec les gestes barrières, etc… Et puis, il y a cette autre angoisse, qui arrive brutalement, violemment, avec cette guerre, et sur laquelle on n’a absolument aucun contrôle.

Toute cette angoisse nous place devant l’incertitude, la solitude, la finitude. L’anxiété se généralise.

L’inquiétude partagée

"Si votre enfant vous dit : j’ai peur, il faut tout de suite repasser dans l’idée : tu es donc inquiet, et nous le sommes tous pour le moment", conseille Bruno Humbeeck.

Il faut donc gérer ses émotions en les transformant en inquiétudes et en les partageant avec les enfants, en en faisant un sujet de conversation intelligente. On doit pouvoir, avec nos enfants, vivre dans cette forme d’inquiétude partagée, poursuit-il. On va ainsi réfléchir ensemble au monde tel qu’il est en train de se transformer.

"Et, dans cette inquiétude partagée, on doit être sensible au partage, c’est-à-dire se mettre à hauteur d’enfant dans les mots qu’on utilise et le considérer comme un partenaire fiable dans la façon dont il est en train de se remodeler la vision du monde. Il serait idiot de lui dire qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur. On a toutes les raisons d’être inquiet, de ressentir de l’angoisse. Mais on va se donner les moyens de la contrer, en partageant notre inquiétude."

Quand on partage de l’inquiétude, elle ne s’augmente pas. On réfléchit à ce qui la nourrit mais aussi à ce qui permet de la contrôler. On peut analyser ensemble, par exemple, le fait que le monde est peuplé de personnes qui ont un pouvoir excessif et se demander où sont les garde-fous.

Parce que ce qui pose problème chez Poutine, ce n’est pas qu’il soit fou, c’est qu’il n’y ait pas de garde-fous. Parce que le pouvoir rend fou à peu près n’importe quel être humain, quand il est associé à une puissance démesurée et qu’il fait autorité.

Les enfants comprennent très tôt que la plupart des êtres humains veulent la paix et qu’une extrême minorité veut la guerre. On peut réfléchir avec nos enfants à la façon dont on peut assurer cette paix et aux garde-fous possibles.

Chercher le positif

Il y a des éléments positifs qui peuvent nourrir la réflexion de l’enfant, observe Bruno Humbeeck : le fait d'entendre parler pour la première fois d’une Europe qui se réunit, ces gens qui décident d’oeuvrer ensemble pour la paix, ces gens qui ont le courage de manifester massivement en Russie, etc…

Tout cela donne le signal aux enfants et aux adolescents qu’il y a toujours des personnes qui veulent la paix et que c’est l’extrême majorité des gens. L’enjeu est de leur donner l’envie de grandir.

"Et ce n’est pas facile dans ce contexte d’urgence climatique d’abord, puis de ces deux énormes urgences ensuite : la pandémie et maintenant ce processus fulgurant de guerre en Ukraine, avec les premières pages de journaux qui montrent des tanks et titrent : la guerre est à nos portes. Et, fait inédit aussi dans l’esprit de nos enfants : ces images montrent d’autres enfants qui leur ressemblent. On n’est plus dans des guerres 'exotiques'."

Les images violentes sont omniprésentes, même quand on essaie de préserver son enfant. Il faut éviter d’essayer de contrôler cette information. Il faut l’amener à gérer ces images et à voir que, dans ce qui lui est montré, restent aussi des images d’espoir : les pays qui se mobilisent, l’influence qui est la seule façon de contrôler le pouvoir et de tenir le monde.

Empathie et solidarité

Quand l’enfant voit d’autres enfants en situation de guerre, son empathie fonctionne et peut générer chez lui l’envie d’avoir sa part d’activité dans la construction de la paix.

"On a une opportunité de dire : on a toujours cru que les guerres c’était pour 'les autres', mais maintenant, on voit qu’elle est parmi nous et qu’il faut mettre en place des mécanismes de solidarité. On est tous solidaires de la souffrance des autres. L’Europe est solidaire, pour une fois. On oublie le repli sur soi, on voit que les guerres traversent les frontières et on doit en parler, mais on peut en parler comme d'une menace qui nous oblige à la paix."

Il faut éviter de faire de la guerre un sujet tabou, ce qui serait très dangereux. Vouloir préserver les enfants en leur disant : n’écoute pas, ne regarde pas, attends que ça passe… ça ne sert à rien. L’information est partout. 

C’est l’anxiété généralisée et l’angoisse ambiante, c’est ce que l’enfant respire, qui fait que moins c’est dit et plus ça devient un fantôme qui torpille nos façons d’être.

Le rôle essentiel de l’école

C’est pour cela qu’on doit d’urgence, dans les écoles, donner aux enseignants la possibilité de partager cette inquiétude généralisée, clame Bruno Humbeeck. Il faut mettre en place des manières de penser ensemble la société, qui permettent de gérer la peur, en ne restant pas simplement au niveau émotionnel. Car la paix se construit aussi avec les enfants, à l'école.

"Il y a une urgence dans les écoles à se mobiliser parce qu’une fois de plus, on va imposer aux enseignants de bricoler les choses chacun dans son petit espace. […] Il faut savoir comment en parler et guider cette conversation autour de ce concept d’inquiétude partagée."

Tendances Première : Les Tribus

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