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Confinement – Les hôpitaux psychiatriques sont laissés de côté

Pierre Schepens : "Une mesure de confinement chronique devient un stress chronique"

© Pixabay

Les psychiatres tirent la sonnette d’alarme : le secteur de la psychiatrie est laissé de côté et on observe des situations extrêmement complexes pour ces personnes qui sont parmi les plus fragiles dans la société. Pierre Schepens est directeur de la clinique de la Forêt de Soignes. En ce moment il doit faire face comme tout le monde au confinement. Mais comment cela se passe-t-il en psychiatrie ?

"La psychiatrie, ce n’est pas la même chose", a-t-on pu entendre. C’est en réalité exactement la même problématique que pour les hôpitaux généraux, en termes de risques d’infection et de contamination, même si ce n’est effectivement pas la même chose au niveau de la gestion.
 

Une prise en charge plus compliquée

Pour les maladies mentales, il est difficile d’envisager une prise en charge linéaire comme pour les autres pathologies : un patient malade, qui va aux urgences, qui est soigné, qui souhaite aller mieux et sortir rapidement de l’hôpital.

Les patients confrontés à une maladie mentale ont une compréhension différente de la notion de maladie et de confinement. Par ailleurs, nous sommes des individus sociaux et la plupart de ces personnes sont déjà isolées socialement. Dans de nombreux cas, le traitement passe par un maintien du lien social et il est mis à mal en cette période. À la clinique de la Forêt de Soignes, depuis le 14 mars, les entrées et les sorties sont interdites et donc plus de sorties en week-end, plus de visites.

Le confinement est donc très compliqué, avec la difficulté supplémentaire de faire comprendre aux patients les règles de principe à appliquer : écartement, lavage des mains…


Éviter la perte de contact

Les hôpitaux psychiatriques participent au plan d’urgence des hôpitaux. Ils reçoivent en deuxième ligne les patients psychiatriques qui viennent des hôpitaux généraux. Ils se partagent les patients au mieux, pour éviter qu’il y ait une perte de contact.

La clinique de la Forêt de Soignes a décidé de maintenir ouvert son hôpital de jour, avec les précautions nécessaires (règles de distance, minimum de personnes, admissions directes, suppression des consultations…), parce que pour certaines personnes, cela constitue le seul lien social. Le travail thérapeutique y est poursuivi, pour éviter des situations critiques.

"Une unité Covid19, une unité d’accueil avec un isolement, a été créée. Parce qu’il est clair que les personnes qu’on aura chez nous, pour peu qu’elles soient légèrement atteintes par le coronavirus, on devra les gérer nous-mêmes."

Beaucoup d’institutions de jour ont en revanche dû fermer leurs portes ; les patients sont livrés à eux-mêmes et souffrent de solitude.

"Cela pose des problèmes humains, sociaux et relationnels importants, qui risquent d’augmenter avec la durée. Une mesure de confinement chronique devient un stress chronique. Cela bouffe l’organisme et les capacités de relations sociales, déjà pour les personnes dites normales, alors forcément, les gens plus fragiles, c’est eux qui vont encaisser le plus", s’inquiète Pierre Schepens.


Une bombe à retardement

Les psychologues eux aussi voient se multiplier le nombre d’appels de personnes en situation anxiogène.

L’avalanche d’informations et d’avis contradictoires relayés par les réseaux sociaux, les procédures qui peuvent changer d’un jour à l’autre, tout cela donne une impression de chaos. Cela fait paniquer les gens, en proie à un sentiment d’incertitude, d’insécurité. On voit aussi les limites des liens sociaux virtuels, qui ne remplaceront jamais les liens réels.

"Donc oui, je pense qu’on aura une bombe à retardement sur les problèmes anxieux, dépressifs, de type post-traumatique, par la suite."


Le secteur lance un appel

Le secteur de la psychiatrie a un urgent besoin de matériel de protection, mais aussi de consignes claires au niveau fédéral pour la prise en charge des patients, et d’une action préventive pour éviter la bombe à retardement à la sortie de la crise.

"Il faut surtout rappeler à tous les intervenants en santé mentale l’enjeu principal, qui est l’équité, la responsabilité et le mandat de soins. On ne peut pas se retrancher derrière le risque de contamination pour ne pas soigner les gens."

Les psychiatres lancent un appel à tout le monde et invitent à se mobiliser, à faire preuve de créativité, à collaborer, à trouver des solutions comme, pour les hôpitaux en difficulté, la possibilité de transférer certains patients.

"Il ne faudrait pas non plus qu’on se barricade contre les gens extérieurs qui sont en difficulté. C’est un appel à la solidarité et à la responsabilité de tout le monde."

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