"Ce procès n’a pas rendu justice aux victimes", estime une source proche du dossier qui veut rester anonyme. Le verdict est tombé samedi, dans le procès du meurtre en 2017 des deux experts des Nations unies au Kasaï, en République démocratique du Congo.
La cour militaire de Kananga a prononcé 49 condamnations à mort, commuées en condamnation à perpétuité, essentiellement contre d’anciens miliciens de la secte Kamuina Nsapu. 10 ans de prison pour le colonel Jean de Dieu Mambweni et deux acquittements.
Le colonel Jean de Dieu Mambweni était accusé de "terrorisme, association de malfaiteurs et crime de guerre". La cour n’a pas retenu ces accusations. Il a été condamné pour "violation des consignes et non-assistance à personne en danger". "Le colonel Jean de Dieu Mambweni a combattu les miliciens Kamuina Nsapu. Il y a un sérieux doute que quelqu’un qui a combattu les miliciens ait en même temps collaboré avec eux. Sa faute, c’est d’avoir reçu les experts des Nations Unies dans son bureau à l’insu de sa hiérarchie", a déclaré la cour militaire de Kananga.
Parmi les deux détenus qui ont été acquittés et ont retrouvé la liberté, figure le journaliste Raphaël Trudon Kapuku Kamuzadi. La cour a estimé que les infractions mises à sa charge n’étaient pas établies.
"Ce procès n’a pas inclus les auteurs du crime", avance la source anonyme et dont l’avis est partagé par de nombreux observateurs, "et n’a pas répondu à toutes les questions sur ce double assassinat".
Rappel des faits
Nous sommes en 2017. Les deux experts de l’ONU, l’américain Michael Sharp et la suédoise Zaida Catalan, ont été envoyés au Kasaï pour enquêter sur des fosses communes liées au conflit armé qui avait éclaté dans la région après la mort du chef coutumier Kamuina Nsapu, tué le 12 août 2016 par les forces de sécurité. Ce conflit opposant les milices Kamuina Nsapu à l’armée congolaise a fait 3400 morts et des dizaines de milliers de déplacés entre septembre 2016 et mi-2017.
Disparus le 12 mars 2017, leurs corps ont été retrouvés dans un village deux semaines après, le 28 mars 2017. La jeune femme avait été décapitée.
En juin 2017, un rapport remis au Conseil de sécurité de l’ONU estimait que ce double meurtre était un "guet-apens prémédité" et n’excluait pas l’implication de membres de la sécurité d’État.
La version officielle, sous le gouvernement Joseph Kabila, affirmait que les deux experts onusiens avaient été exécutés le 12 mars 2017 par des miliciens Kamuina Nsapu. Comble de l’horreur, les autorités congolaises n’avaient pas hésité à montrer à la presse une vidéo d’environ deux minutes, montrant le crime commis par des hommes armés. Et cela, dans le but apparent d’écarter les soupçons qui pèsent sur Kinshasa dans cette affaire.