Compétition entre écoles: comment la Flandre tente de changer les mentalités

Compétition entre écoles: comment la Flandre tente de changer les mentalités

© PASCAL PAVANI - AFP

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Par Odile Leherte

Si ses résultats sont meilleurs, le système scolaire flamand est, comme le nôtre, parmi les plus inégalitaires au monde. A l'âge de quinze ans, des enfants issus de milieux socio-économiques différents n'auront pas appris les mêmes choses. Beaucoup sortent même analphabètes fonctionnels* de l'enseignement obligatoire. C'est un enseignement divisé entre écoles favorisées et défavorisées.

Vincent Dupriez, professeur de sciences de l'éducation à l'UCL

"A ce niveau-là, les deux enseignements sont très proches, explique Vincent Dupriez, professeur en sciences de l'éducation à l'UCL, les données que nous avons sur la ségrégation entre écoles au niveau primaire et secondaire montrent que nous avons en Belgique des niveaux de ségrégation entre écoles parmi les plus élèves des pays de l'OCDE."

Et c'est l'un des facteurs qui crée des inégalités scolaires. "Les écoles ghettos ne sont certainement pas souhaitables. D'une part parce que dans un pays démocratique, il est sans doute préférable que nous apprenions à vivre avec des gens qui ne nous ressemblent pas. Mais aussi parce que le travail des enseignants dans ce écoles est bien plus difficile et que les élèves qui sont dans ces écoles-là risquent de ne pas avoir les mêmes opportunités d'apprendre que dans les autres établissements".

Dirk Jacobs, professeur de sociologie à l'ULB

La Flandre décrète un double quota

En 2011, la Flandre adopte un décret qui instaure une double priorité au moment des inscriptions à l'école. Pour améliorer leur mixité sociale, les établissements scolaires situés dans des régions où il y a pénurie de places sont obligés de réserver un certain pourcentage de leurs places à des élèves socio-économiquement défavorisés, et un autre pourcentage de places à des élèves favorisés. C'est cette double priorité qui permet d'agir sur la mixité. "Si la priorité ne concernait que les enfants défavorisés, cela n'aurait aucun impact sur la mixité dans les écoles défavorisées. Pour avoir un impact dans toutes les écoles, il faut cette double priorité", précise Dirk Jacobs, professeur de sociologie à l'ULB.

Thomas Wouters, doctorant KULeuven, auteur d'une thèse sur la ségrégation scolaire

Le système fonctionne: l'effet en est subtil mais statistiquement pertinent

Thomas Wouters est doctorant à la KULeuven. Il réalise une thèse sur la ségrégation scolaire. "Cela facilite la mixité sociale. Ce nouveau décret d'inscription montre que c'est possible d'en même temps respecter les préférences des parents et de réduire un peu, mais de manière significative, la ségrégation scolaire, donc d'introduire davantage de mixité sociale entre des enfants socio-économiquement défavorisés et favorisés".

Rendre les réseaux scolaires moins hermétiques

Le dispositif n'est pas uniquement mécanique. Il est d'application dans zones où il y a des LOP – des plateformes de concertation locale. Y sont représentés les pouvoirs organisateurs des écoles, les directions d’écoles, quel que soit le réseau, ainsi que les syndicats, les associations de parents, de migrants, de jeunes, et bientôt aussi la commune sur laquelle se trouve l’école.

"L'un des grands avantages des plateformes de concertation, explique Dirk Jacobs, professeur de sociologie à l'ULB, est de retrouver autour de la table des représentants des différents réseaux. Ils y font une analyse de la situation dans leur bassin scolaire et identifient les défis partagés par toutes les écoles, en sortant d'une logique de compétition entre écoles".

Selon Dirk Jacobs, un changement de mentalités s'opérerait peu à peu dans plusieurs plateformes de concertation. "Dans la plateforme de Gand, par exemple, les acteurs ont fait une analyse de la situation sur le terrain et identifié les défis pour rendre toutes les écoles plus efficaces, comment faire avancer tous les élèves toutes les écoles confondues. On entre donc dans une dynamique de solidarité entre écoles, quel que soit le réseau".  

Compétition et concurrence entre écoles gangrènent également l'enseignement francophone. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre système scolaire coûte si cher.

La grande réforme de notre enseignement qui est en cours – le Pacte d'excellence- évoque d'ailleurs la possibilité de créer ce type de plateformes de concertation qui permettent de casser certaines logiques auto-centrées des réseaux au nord du pays.  

*Est fonctionnellement analphabète, une personne incapable d’exercer toutes les activités pour lesquelles l’alphabétisation est nécessaire dans l’intérêt du bon fonctionnement de son groupe et de celui de sa communauté et aussi pour lui permettre de continuer à lire, écrire et calculer en vue de son propre développement et de celui de sa communauté (selon une définition de l'Unesco de 1978)

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