À quoi pourraient ressembler ces zones submersibles ?
Joël Privot : Dans un centre-ville urbain comme à Verviers, si on a une zone dégagée le long de la Vesdre comme un parking, par exemple, l’idée serait de rabaisser son niveau pour s’approcher de celui de l’eau. On en profiterait pour transformer cet espace en un parc, en terrain de sport ou autre et, en cas d’inondation, on permettrait à l’eau de venir s’étendre dessus mais sans causer de dommages aux infrastructures présentes dessus.
Ces espaces peuvent donc aussi avoir d’autres intérêts pour la population ?
Tout à fait, il faut aller au-delà du problème hydraulique et voir la problématique urbanistique dans son ensemble. En été, dans le centre de Verviers comme dans d’autres milieux urbains, il y a des problèmes d’îlots de chaleur urbains. On remarque des augmentations manifestes des températures, et mettre un parc urbain au centre d’une ville permettrait à la fois de réduire la température et de ventiler les résidents. Cela permet surtout d’apporter des espaces de qualité de vie pour tous les gens qui habitent en milieu dense et qui n’ont pas forcément de jardin chez eux.
Toutes les situations qui vont se dérouler en amont auront des répercussions en aval.
Est-ce que ce modèle est reproductible ailleurs ?
Sur les 60km de la vallée de la Vesdre, on a toute une série de sites potentiels en milieu urbain. Parfois ils font 40 mètres de long, parfois dix. Mais tout est bon à prendre pour permettre à la rivière de s’étaler et limiter les dégâts sur les deux rives !
En fait, ces mesures d’adaptation peuvent être prises partout, pas juste en ville…
Oui, c’est ce qu’on appelle le concept de "vallée solidaire" ou de "bassin-versant solidaire". Toutes les situations qui vont se dérouler en amont auront des répercussions en aval, et tout ce qui se passe sur les plateaux va avoir des répercussions dans les versants. Il faut vraiment adopter cette vision globale et systémique en gardant à l’esprit qu’on travaille sur deux principes, à savoir la réduction de la vitesse de l’eau, et la réduction de sa hauteur. On peut regarder ensuite où est-ce qu’on peut intervenir et quels vont être les impacts des aménagements en amont et en aval de la rivière.
Concrètement, quelles sont les mesures qui pourraient être prises ?
C’est important de garder des espaces inondables en zones rurales également. Or de nouveaux lotissements pourraient potentiellement voir le jour sur plusieurs d’entre elles. Cela aurait un impact immédiat pour les gens qui viendraient y vivre, mais aussi pour ceux en aval, car les nouvelles habitations occuperaient l’espace dévolu à l’eau. Pour éviter cela, il faut que les communes soient constamment en contact les unes avec les autres pour bien comprendre l’impact qui découlera de chaque prise de décision.
Vivre proche d’un cours d’eau, ça a du sens ! Maintenant, il faut accepter la notion de vivre avec le risque.
Est-ce que, urbanistiquement, ça a un sens de vivre à côté d’un cours d’eau ou d’une rivière ?
Ça fait deux siècles que les gens vivent au bord de l’eau. On ne peut pas se dire qu’on va raser toutes les habitations le long de la Vesdre, c’est un non-sens total. Vivre assez proche d’un cours d’eau, ça a du sens ! Maintenant, il faut accepter la notion de vivre avec le risque. Et ça, les gens en avaient perdu l’habitude. On sait qu’un cours d’eau peut déborder tous les 20 ans, 30 ans ou 50 ans. Il faut en être conscient. On peut donc vivre à côté à condition d’adapter sa maison ! Par exemple, en évitant d’avoir les compteurs électriques, de gaz ou les citernes à mazout qui se trouvent au rez-de-chaussée, en prévoyant des systèmes d’évacuation pour les habitants ou des zones refuges dans l’habitat. Et c’est tout à fait envisageable.