L’année passée, les banques françaises ont financé des entreprises qui ont émis 3,3 milliards de tonnes équivalent CO2. Cela équivaut à huit fois les émissions produites en France. Ce chiffre vient d’un consortium d’ONG environnementales. Si on posait la question aux banques, elles diraient évidemment qu’elles produisent moins. Selon Marek Hudon, professeur à l’école de management Solvay à l’ULB (qui forme les futurs financiers et les futurs banquiers) les banques et les fonds d’investissement ont les leviers en mains aujourd’hui pour changer les choses : "Quand on voit les montants qui sont déboursés, on pense par exemple à l’épargne qui va être réinvestie, ce sont des montants substantiels. On peut donc imaginer que si on arrive vraiment à rediriger une partie significative de ces montants, ça peut avoir un impact important. Ou même, au niveau plus large, on parle par exemple de tout ce qu’on appelle le 'quantitative easing', l’argent que les banques centrales vont par exemple mettre à disposition du secteur financier, si tout ça allait vers des projets liés à la durabilité, avec un impact social et un impact environnemental, ça pourrait vraiment faire une différence".
Greenwashing?
Il existe de nombreux fonds d’investissement verts et des labels pour produits financiers durables, des prêts verts, et les mentalités sont en train de changer. Mais il s’agit parfois de "greenwashing". Il y a des dérives, des entreprises ou des banques qui surfent un peu sur cette vague, mais il y a aussi des entreprises qui souhaitent réellement contribuer aux efforts climatiques. Comment distinguer les choses ? Morgane Kubicki, de l’ONG Financité, insiste pour que l’on très critique : "Évidemment, il faut encourager les transitions de produits financiers qui ne prenaient pas en compte les conséquences de leurs investissements et qui maintenant le font de plus en plus. Le problème, c’est qu’on voit que la qualité du marché reste déplorable actuellement. Quand on compare les fonds avec la liste des entreprises ou des États qui sont considérés comme 'climaticides', on remarque qu’il y a 72% des fonds analysés qui ont au moins un actif qui est repris sur cette liste noire. Et ce sont des fonds qui se disent verts, durables, green. La qualité est déplorable. Mais il faut quand même reconnaître qu’il y a certains fonds qui font bien les choses".
Encadrement
Selon Marek Hudon, la bonne volonté de certains ne suffira pas à changer la finance de l’intérieur. Il faut beaucoup plus l’encadrer : "Si on veut un changement plus fondamental, il faut aller plus loin que simplement laisser la finance évoluer toute seule, mais aussi demander au régulateur de mettre la barre un peu plus haut, ce qui va pousser ces acteurs du secteur financier à aussi changer leurs pratiques et à aller beaucoup plus loin que ce qu’ils feraient sans doute automatiquement".
Il y a une part de responsabilité dans le chef du régulateur, dans le chef politique, mais aussi des investisseurs, des consommateurs que nous sommes, des employés, des clients, des épargnants. Si chacun s’y met et que cette pression à plus d’attention environnementale vient de tous les côtés, les choses bougeront sans doute plus rapidement.