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Comment la Belge Fatou Samba est devenue la seule star noire de la K-pop ?

Fatou est l'unique "idol" noire de la K-pop

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Par Robin Cornet, Gilles Monnat et Adrian Platon via

Arrivée à 12 ans en Belgique, Fatou, originaire du Sénégal, a réussi à s’imposer dans le monde pétillant mais ultra-standardisé de la pop sud-coréenne. Rappeuse et danseuse, elle est leadeuse du girls band Blackswan. En anglais, le "cygne noir" symbolise la dissonance, l’improbabilité qu’un événement se produise. Fatou Samba est à ce jour la seule "idol" noire à pouvoir revendiquer un statut de star. Un succès que tous les fans de K-pop ne voient pas d’un bon œil. Face aux critiques sur les réseaux sociaux, elle confie au magazine américain Rolling Stone avoir plusieurs fois songé à renoncer. Fatou s’est accrochée. Aujourd’hui, elle envisage même une carrière solo. Fatou Samba bouscule les codes et inspire des fans dans le monde entier.

De son enfance à Dakar, elle garde le doux souvenir de la musique omniprésente. Quand elle débarque en Belgique, elle est déboussolée. Elle se rappelle le froid et le ciel gris. Le néerlandais qu’elle ne comprend pas.

Mais surtout, les retrouvailles avec sa maman, partie deux ans plus tôt, et employée dans un hôtel de la région de Louvain. "Mes parents rêvaient d’un meilleur avenir pour leurs enfants, ils voulaient qu’on fasse des études", explique-t-elle. La barrière de la langue rend ses premières années d’école compliquées. Mais Fatou apprend vite.

À 15 ans, une camarade de classe lui fait découvrir le groupe Shinee sur YouTube. Ce boys band coréen va changer sa vie. "Quelque chose dans la K-pop m’a littéralement aspirée." Comme beaucoup d’ados, Fatou plonge dans cet univers coloré via les réseaux sociaux. Elle s’imagine en idol, répète des chorégraphies et apprend quelques mots de coréen en regardant des dramas sur Internet.

Fatou rêve de devenir chanteuse mais ses parents l’encouragent à envisager l’avenir avec plus de pragmatisme. Après le lycée, elle consent à se lancer dans des études de tourisme. Elle les quitte avant d’être diplômée et décroche, notamment, un job à l’aéroport de Zaventem. "C’était amusant mais ce n’était pas dans la musique." Alors à 24 ans, elle décide de tenter sa chance à Séoul.

"Les premiers jours, je n’osais pas sortir de chez moi"

Timide de nature, Fatou n’en est pas moins déterminée. Elle embarque d’abord pour deux mois de vacances en Corée du Sud. L’expérience se révèle désarçonnante. En rue, elle sent les regards se poser sur elle. "Les gens me dévisageaient", se souvient-elle. Très uniforme, la société coréenne n’est pas franchement habituée à la présence d’afrodescendants.

Fatou se terre quelques jours dans son Airbnb avant de se décider à affronter l’extérieur. "En réalité, admet-elle, ces regards n’étaient pas malveillants mais plutôt curieux, étonnés." Fatou revient en Belgique sans piste concrète pour lancer sa carrière. Six mois plus tard, elle lâche son boulot à l’aéroport et boucle ses valises pour de bon. "Parfois, dit-elle, il faut prendre ce genre de décisions difficiles."

L’aventure est incertaine. Des contacts noués avec un petit groupe de reprises à Séoul lui permettent d’enchaîner les rencontres. Une agence de mannequins lui propose quelques shootings. Elle apparaît même dans une pub pour Samsung. Rapidement, elle attire l’attention d’un label musical.

Un groupe marketé pour l’international

L’industrie de la K-pop est très particulière. Les groupes sont formés à l’issue de castings. Les élus deviennent des "stagiaires". Ils n’ont pas nécessairement d’expérience dans le chant ou la danse. Les stagiaires entrent alors dans un programme d’entrainement intensif.

Six mois de travail sont parfois nécessaires pour maîtriser une chorégraphie à la perfection. Des répétions sans relâche et, surtout, sans certitude de rejoindre un groupe à la fin. "C’était très dur", confie Fatou, "physiquement et mentalement." D’autant qu’à cette époque, éclate l’épidémie de Covid-19. La Corée du Sud applique des mesures sanitaires très strictes. Pour Fatou, l’éloignement de sa famille devient encore plus difficile à supporter.

Blackswan sort un premier single à l’automne 2020 sur le label D.R. Music. C’est un succès. Sur YouTube, le clip de "Tonight" accumule des millions de vues. Un an plus tard, sort l’album "Close to Me". Le groupe enchaîne les prestations télévisées. Mais la pandémie empêche Blackswan de monter sur scène. Faute de salles ouvertes en Corée, c’est en Belgique que le groupe donnera son premier concert.

Dans le paysage coréen, Blackswan est un girls band atypique. Les filles viennent toutes de différents pays étrangers. Shreya Lenka, alias Syria, est indienne. Gabi a grandi dans une famille allemande au Brésil. Comme Leila, brésilienne, dont le père est japonais (cet hiver, Leila a décidé de faire "un break"). Dernière arrivée dans la team, l’Américaine, NVee, de son vrai nom Florence Alena Smith.

Avec Fatou, la Belgo-Sénégalaise, Blackswan réuni les ingrédients pour s’exporter sur cinq continents. Depuis des décennies, la Corée du Sud investit beaucoup dans son industrie culturelle. Ses ambitions sont grandes. La K-pop a pour vocation de conquérir le monde.

Mais l’enthousiasme et les sourires affichés cachent un envers du décor parfois cruel. La K-pop est un business exigeant et, pour les idols, la gloire est souvent éphémère. Tous le savent : l’industrie n’embauche que sur CDD. Les membres sont remplaçables. Blackswan est d’ailleurs la continuation d’un précédent groupe, RaNia, fondé par D.R. Music en 2011 et qui aura vu près d’une vingtaine de membres se succéder et disparaître, tour à tour, de l’affiche.

Pour les succès planétaires de Blackpink, BTS, Girls' Generation, Exo ou Twice, combien de désillusions ?

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