Il y a 49 ans, le front national était créé et au moment de sa création, rien n’indiquait le rôle qu’il allait jouer dans la vie politique française.
Jean-Marie Le Pen, un modéré parmi les extrêmes
De fait : ce 5 octobre 1972, dans une salle de la rue de Grenelle dans le 7e arrondissement de Paris, ils étaient soixante ou septante pour ce congrès fondateur où est officiellement créé le FNUF : le front national pour l’unité française, mais très vite on ne gardera que la première partie du nom.
Le président de ce nouveau parti, confirmé par les statuts rédigés quelques jours plus tard, c’est Jean-Marie Le Pen, et oui déjà. Mais ce n’est pas vraiment lui qui est à la manœuvre, en tout cas il est loin d’être le seul. Et s’il est choisi comme président, c’est pour donner au parti une allure plus respectable, figurez-vous. Ce qui en dit long sur l’identité des fondateurs du Front national. Jean-Marie Le Pen à l’époque apparaît comme un modéré aux yeux des congressistes.
Qui sont les membres du FN en 1972 ?
Pour l’essentiel ils viennent d’un mouvement créé à la fin des années 60 qui s’appelle Ordre nouveau. Le choix du nom est à lui seul tout un programme : l’ordre nouveau c’est au départ le projet politique du 3e Reich, Hitler utilise lui-même le mot pour qualifier cette réorganisation de l’Europe selon des critères ethniques . D’ailleurs dans ce mouvement Ordre nouveau, on trouve d’anciens de la Waffen SS comme Pierre Bousquet ou Léon Gauthier et ces deux-là joueront un rôle actif dans la création du FN.
L’objectif, au départ, c’est d’avoir une vitrine respectable avec un parti qui se présente aux élections et accepte ainsi le jeu démocratique. C’est sans doute en pensant à ces militants-là que Jean-marie Le Pen effectue des dérapages à répétition, comme lorsqu’il qualifie le ministre Michel Durafour de Durafour crématoire ou encore quand il ose mettre en doute l’existence des chambres à gaz durant la seconde guerre.
Des profils très variés
En-dehors de cette mouvance issue de la collaboration avec l’Allemagne nazie, on trouve d’autres profils qui participe à ce congrès où est créé le Front national en 1972. A commencer par des personnalités issues de la résistance comme Georges Bidault, le successeur de Jean Moulin quand celui-ci sera assassiné par les nazis. Mais ces anciens de la Résistance présents dans la salle ont un point en commun : ils n’ont pas supporté que De Gaulle donne l’indépendance à l’Algérie. Ils se sont engagés dans l’OAS qui s’est opposé par la violence et l’action terroriste à De Gaulle, tentant même de l’assassiner. C’est la seconde composante essentielle dans la création du Front national : les nostalgiques de l’Algérie française, qui se sont sentis trahis par le général De Gaulle lequel, au lieu de se battre pour garder l’Algérie comme une terre française, comme il l’avait laissé entendre, a fait tout le contraire parce qu’il avait compris le sens de l’histoire.
Ce n’est pas un hasard si les premiers succès du Front national viendront en Provence, là où se sont installés la plupart des pieds noirs, ces Français qui ont dû fuir l’Algérie en 1962.
Des débuts très modestes
A la mort de Pompidou, en 1974, Jean-Marie Le Pen se présente à la présidentielle et obtient 0,75% des voix. Aux législatives de 1978 le FN récolte 0,33% des suffrages et à la présidentielle de 1981, Le Pen ne réunit pas les 500 signatures pour pouvoir se présenter.
Et subitement, en 83 et en 84 c’est la percée, locale aux municipales et globale aux européennes avec près de 11% des voix. A partir de ce moment, le front national s’installe dans le paysage politique français et son influence n’a cessé de croître. Ainsi, quand Jean-Marie Le Pen se qualifie au second tour de la présidentielle en 2002, c’est la stupeur. Quand Marine Le Pen réédite l’exploit de son père en 2017, plus personne n’est surpris.
Le Front national a-t-il toujours de beaux jours devant lui ?
En tout cas, Marine Le Pen fait toujours figure de favorite pour se qualifier au second tour de la prochaine présidentielle. Sauf que son étoile a pâli et qu’un récent sondage place désormais Eric Zemmour sur ses talons. Son père a d’ailleurs déclaré ce week-end qu’il le soutiendrait s’il était mieux placé que sa fille qui, je le cite a délaissé ses positions fortifiées, laissant ainsi le terrain à Zemmour. Voilà qui résume l’éternel dilemme de l’extrême-droite : conquérir un nouvel électorat suppose un positionnement moins radical mais on prend alors le risque d’abandonner le terrain à un concurrent plus radical.
Quoi qu’il en soit, les thèmes anti-immigration aux relents xénophobes véhiculés par le Front national n’ont cessé de s’ancrer dans la vie politique française en gangrénant le débat politique démocratique.
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