Politique

Comment est contrôlée l'influence des lobbies sur les parlementaires en Belgique ?

Lobbies : des parlementaires sous pression

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Selon le GRECO, l'organe anti-corruption du Conseil de l'Europe, la Belgique doit mieux se protéger de l'influence des lobbies. D'après son tout dernier rapport, notre pays n'a pas fait de progrès significatifs depuis l'année dernière en ce qui concerne la prévention de la corruption des parlementaires.

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Le constat est d'autant plus interpellant que le mandat de parlementaire peut se révéler très éprouvant. Certains débats voient surgir les défenseurs d'intérêts variés, souvent contradictoires, et qui appuient de tout leur poids sur nos représentants pour les convaincre de suivre leur avis.

Par exemple, lors des discussions au sujet de l'interdiction de l'abattage sans étourdissement préalable, les nerfs du député bruxellois du parti DéFi, Jonathan de Patoul, ont été mis à rude épreuve. Le nombre de sollicitations qu'il recevait était plutôt impressionnant :

Jonathan de Patoul, Défi, Député régional bruxellois.

"Les e-mails étaient devenus, à un moment donné, même oppressants.", raconte-t-il. "On en a reçu plus de dix mille, en une semaine ou en quelques jours. On en recevait des milliers et donc on n'arrivait même plus à utiliser notre boîte mail tellement ils arrivaient parfois toutes les cinq secondes."

Les pressions, les sollicitations diverses sont l'ordinaire des parlementaires. Rien d'extraordinaire ni d'illégal dans ces procédés. Mais ce qui est préoccupant, c'est qu'au Parlement bruxellois, l'activité de ces lobbies se passe sous les radars : aucun registre n'existe, et aucune trace de leurs activités n'est consignée, comme nous le confirme Jonathan de Patoul :

"Il n'y a aucun contrôle sur les personnes qu'on rencontre ici, au Parlement, ou en dehors du Parlement. Il n'y a pas de registre. Par exemple, moi, en tant que député, je ne dois pas notifier les personnes que j'ai rencontrées ou les groupes de personnes, les structures, les associations ou autres. Je ne dois en rendre compte à personne."

Les votes au Parlement bruxellois sont soumis à diverses pressions des lobbies… mais lesquelles ? Aucune trace n'en subsiste car rien n'est prévu par la loi ou le règlement d'ordre intérieur.
Les votes au Parlement bruxellois sont soumis à diverses pressions des lobbies… mais lesquelles ? Aucune trace n'en subsiste car rien n'est prévu par la loi ou le règlement d'ordre intérieur. © RTBF

Au Parlement fédéral, un registre sommaire

À la Chambre, les travaux des élus sont scrutés de près dans l'hémicycle, mais également en coulisses. Les "visiteurs" ne manquent pas. Contrairement au Parlement bruxellois, depuis 2019, la Chambre a mis en place un registre des lobbies qui répertorie ces organisations : des entreprises, des associations, des organisations non gouvernementales, des fédérations sectorielles, etc. Ce qui fait qu'aujourd'hui, près de 163 organisations et entreprises sont enregistrées en tant que lobbies auprès de la Chambre.

Le registre des lobbies au Parlement fédéral. Les informations listées sont plutôt sommaires.
Le registre des lobbies au Parlement fédéral. Les informations listées sont plutôt sommaires. ©RTBF

Le premier problème qui saute cependant aux yeux, c'est qu'il n'y a aucune obligation pour ces organisations d'être mentionnées dans ce registre. D'autre part, il n'indique rien de la nature des contacts entre élus et groupes de pression.

Alors comment distinguer le simple travail d'influence de la tentative de corruption? Le plus souvent, tout serait donc basé sur l'appréciation personnelle des parlementaires. Nous avons demandé à deux d'entre eux de nous parler de leur façon d'interagir avec ces groupes de pression.

Georges Dallemage, Les Engagés, Député fédéral.

"Moi, j'ai un premier tri, c'est que j'évite évidemment de rencontrer des organisations qui sont considérées comme terroristes. Je ne les rencontre jamais.", affirme Georges Dallemage, du parti les Engagés. "Et puis par ailleurs, effectivement, quand on a des organisations qui cherchent à vous voir, on essaye toujours de savoir pourquoi. Quel est le message?"

Marie-Christine Marghem, MR, députée fédérale.

"Vous avez besoin d'informations en tant que parlementaire pour monter un dossier, pour relayer des préoccupations.", dit quant à elle Marie-Christine Marghem, députée MR. "C'est tout à fait légitime. Mais vous devez toujours vous poser la question de savoir comment elles viennent chez vous. Quel est finalement le but recherché par la personne qui vous informe ?"

Des règles trop imprécises

Les activités des lobbies peuvent être très variées ainsi que leurs moyens d'influence. Par exemple, comment considérer les cadeaux ou les voyages parfois gracieusement offerts aux élus? Guillaume Defossé, du parti Ecolo, est de ceux qui plaident pour des règles plus claires:

Guillaume De Fossé, Ecolo, député fédéral.

"On parle [dans les règles existantes] de cadeaux d'une valeur symbolique sans définir exactement ce que veut dire ce symbole. Est-ce qu'on parle de 150 euros, de 25 euros ou de 1 000 euros ? Si on se fait inviter par un pays à visiter un projet ou autre chose, est-ce que oui ou non on peut accepter?"

Des élus parfois donc un peu perdus, en raison d'un manque de repères clairs, qui permettraient pourtant de parvenir à une transparence salutaire. Celle-ci éviterait qu'une seule brebis galeuse ne jette le discrédit sur toute une institution.

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