C’est un cri d’alarme lancé par le docteur Michel Bafort dans les colonnes du Morgen. Pour le responsable du service obstétrique de l’hôpital AZ Alma d’Eeklo, les erreurs médicales en Belgique entraîneraient plus de décès que les accidents de la route. Il appelle désormais à plus de transparence pour briser le silence autour de ces erreurs.
"Plus de 400.000 personnes dans le monde meurent chaque année des suites d’une erreur médicale. Pour vous donner une idée : ce sont deux jumbo jets pleins qui s’écrasent tous les jours", précise-t-il dans les colonnes de nos confrères. "Les erreurs médicales constituent la troisième cause de décès dans les hôpitaux en Europe, après le cancer et les maladies cardiovasculaires. En tant que patient, vous pouvez vous attendre à une ou deux erreurs de traitement par hospitalisation en moyenne", rajoute-t-il.
Si les chiffres ne sont pas connus en Belgique, le quotidien flamand avance que le nombre de victimes d’erreurs médicales et d’incidents hospitaliers en Belgique serait plus élevé que celui des morts sur la route. Ces dernières années, l’association Premisse qui "développe des activités pour répondre au mieux aux différents problèmes que les personnes rencontrent au niveau de la santé et du bien-être" a déjà appelé à une meilleure reconnaissance de ces erreurs, et des droits aux victimes. L’association préconise également la médiation pour pouvoir renouer le dialogue entre patients et prestataires de soins.
Sujet sensible
En 2017, l’ASBL faisait état de près de 20.000 erreurs médicales annuelles, et estime qu’il y aurait entre 2000 et 4000 décès par an. A titre comparatif, selon les chiffres de Statbel en 2018, on a dénombré 38.455 accidents de la route faisant au total 49.354 victimes et 604 personnes ayant perdu la vie dans les 30 jours suivant l’accident.
Rachida Essannarhi, responsable de l’association Premisse, confirme un problème de communication au niveau du corps médical. "Il y a une conscientisation de la part des professionnels de la santé en ce qui concerne les erreurs médicales mais cela reste un sujet très sensible", explique-t-elle. "Quand on parle d’une faute médicale, il y a forcément une remise en question du rôle et du travail du prestataire de soins. On est conscients que ces erreurs peuvent exister mais à côté de cela, il faut aussi travailler en amont avec les futurs soignants au niveau de la sensibilisation".
"D’une manière ou d’une autre, il est logique que tant d’erreurs soient commises, car l’erreur est humaine et que la charge de travail dans le secteur médical est souvent lourde", rajoute le Docteur Bafort qui dénonce le côté particulièrement tabou qui entoure ces erreurs. "C’est de loin le sujet le plus sensible dans les hôpitaux. Tout le monde a peur d’en parler. Il est à peine mentionné parmi les collègues, alors que tout le monde sait que des erreurs sont commises chaque jour. Plus de personnes meurent chaque année d’erreurs médicales que dans des accidents de la route. Et pourtant, nous continuons à garder le silence".
Plus de transparence
Pour parvenir à plus de transparence, le Docteur Bafort propose la création d’une plateforme au niveau national où toutes les erreurs médicales et les incidents pourraient être répertoriés. Une idée soutenue par l’association Premisse. "Si cela peut permettre et faciliter les témoignages des personnes concernées, je pense que c’est effectivement une bonne chose", commente Rachida Essannarhi.
La proposition du docteur Bafort stipule également que le médecin ou infirmier signalant un problème soit dispensé de sanction par la direction de l’hôpital.
"Il y a 30 ou 40 ans, les erreurs médicales étaient parfois camouflées. On craignait que signaler une erreur serait vu par les assureurs comme une reconnaissance de culpabilité", explique Michel Deneyer, vice-président de l’Ordre des Médecins. Celui-ci considère intéressante l’idée d’une plateforme nationale. "Les initiatives locales auprès de cercles médicaux ou dans les hôpitaux pourraient aussi être prises en compte", rajoute-t-il.
Dans l’hôpital du docteur Bafort, ce système a déjà été mis en place, confirmant au passage tous ses soupçons. "Nous avons organisé un projet pilote à la maternité l’année dernière. Le nombre de rapports a explosé. Ce qui montre une fois de plus combien d’incidents, petits ou grands, restent généralement sous le radar", dénote-t-il. "Chaque rapport a ensuite été discuté et pour chaque erreur, nous avons examiné comment nous pourrions l’éviter à l’avenir. Imaginez maintenant que vous introduisez un tel système dans tout le pays et que vous y connectiez un organisme national ? Tout le monde en sortirait gagnant".