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Comment aider les personnes LGBTQIA+ à retrouver confiance dans les soins de santé ?

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Depuis 1994, l’association Ex Aequo s’occupe de la santé sexuelle des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). Basée à Bruxelles, cette association organise régulièrement des dépistages complets, répond aux questions des patients en ligne/par téléphone, organise des groupes de parole et sensibilise sur le VIH et les IST (infections sexuellement transmissibles).

En 2012, Ex-Aequo a également mis en place le réseau TTBM (Très Très Bon Médecin). Dans le vocabulaire gay, ce terme désigne un homme avec un large pénis (Très Très Bien Monté). Ici, le terme est repris avec humour pour désigner un service avec une véritable utilité sociale : aider les HSH à trouver un médecin généraliste, spécialisé (urologue, dermatologue, kiné…), un infirmier ou un psychologue " gay-friendly " ou " sero-friendly ". Autrement dit, un médecin capable d’accueillir des hommes gays, bisexuels ou séropositifs* avec tolérance, bienveillance et ouverture d’esprit.

L’an dernier, l’association comptait 168 professionnels de santé dans son réseau et a répondu à près de 700 demandes. Ces demandes ne font qu’augmenter au fil des années.

Le décrochage médical

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Le réseau TTBM a été créé sur base d’un constat : les personnes LGBTQIA+** sont en moins bonne santé, se soignent moins et se rendent moins chez le médecin.

Comment expliquer ce décrochage médical ? D’abord, la peur du côté des patients : les personnes LGBTQIA + ne sont pas toujours à l’aise de parler de leur sexualité, de leur intimité, de leurs problèmes de santé liés à leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Pire, elles craignent d’être victimes de discriminations et de violences médicales.

Car sur le terrain, les problèmes d’accueil et de prise en charge sont bien réels : les personnes LGBTQIA + subissent régulièrement des remarques déplacées, des questions intrusives ou des comportements inappropriés, voire du harcèlement ou des menaces.

Cela concerne les hommes gays, les femmes lesbiennes, les personnes bisexuelles et a fortiori, les personnes transgenres***. D’après une étude de 2007, actualisée en 2017, une personne transgenre sur 4 évite au maximum tout contact avec les soins de santé. " Au moment de ma transition, ma généraliste ne m’a pas beaucoup soutenue. J’ai décidé d’arrêter de la voir. A part mon médecin responsable de mes hormones, je ne suis pas rendue chez un seul médecin pendant quatre ans. Quand j’étais malade, j’attendais que cela passe ", témoigne Victoria, une étudiante transgenre bruxelloise.

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Un problème de formation ?

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L’autre problème touche moins à la relation entre le soignant et le patient, mais plus à la compétence des médecins. Les professionnels de la santé ne sont pas assez formés : ils manquent de connaissances sur ces besoins médicaux spécifiques. Par exemple sur les traitements hormonaux pour les personnes transgenres ou sur le dépistage des IST chez les hommes gays et bisexuels qui est différent de celui des hommes hétérosexuels.

Qu’en est-il dans les études ? D’après plusieurs médecins généralistes interrogés, aucun cours obligatoire n’est réellement intégré dans les programmes de bachelier ou de master en médecine. Si la santé des personnes LGBTQIA + est abordée, c’est principalement par des formations proposées par des associations dans les universités ou par des étudiants eux-mêmes sensibilisés sur ces questions.

C’est le cas de Maxence Ouafik. Etudiant, il a formé ses copains d’auditoire. Aujourd’hui, il est chercheur l’université de Liège, il enseigne et est médecin généraliste. " Pour moi, le cœur du problème, c’est le gros déséquilibre entre les besoins médicaux et l’offre médicale. Les personnes LGBTQIA + ont des besoins médicaux plus importants – même si on ne s’en rend pas forcément compte – et se retrouvent avec une offre médicale plus faible qu’elle ne devrait être faute de formations et d’accueil respectueux. "

Une piste de solution : les réseaux de médecins

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Pour rétablir la confiance entre le monde médical et les personnes LGBTQIA +, les associations prennent alors le relais comme Ex-Aequo et son réseau TTBM. " Notre réseau se construit principalement sur base des recommandations données par les membres de notre communauté. Nous avons en fait institutionnalisé un bouche-à-oreille déjà existant pour en faire profiter plus de monde ", explique Valentin Blaison, superviseur du réseau TTBM.

Pour obtenir des contacts médicaux, vous devez simplement envoyer un mail à ttbm@exaequo.be en précisant votre commune ou votre région. L’association vous envoie ensuite une liste de plusieurs médecins (en moyenne trois) à proximité de votre domicile.

De même, vous pouvez transmettre les coordonnées de votre super médecin à l’association. Ses membres le contacteront pour lui proposer de faire partie du réseau et de signer une charte. " Cette charte n’oblige pas les formations. Elle reprend surtout des principes d’accueil et de non-discrimination : accueillir les personnes sans jugement ou avoir un minimum de connaissances par exemple sur le VIH – en lien avec notre projet associatif et pour notre communauté particulièrement touchée par ce virus ", explique Thomas, volontaire pour Ex-Aequo depuis quatre ans et responsable des demandes pour le projet TTBM.

Pour les patients et non contre les médecins

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Pourtant, tous les médecins contactés n’acceptent pas d’intégrer le réseau. La majorité ne répond d’ailleurs même pas à l’invitation. D’autres refusent – non par homophobie – mais plutôt parce qu’ils ne comprennent pas le sens d’un tel réseau. " En tant que médecins généralistes, ils estiment accueillir tout le monde de la même manière, y compris les HSH. Mais si c’est le cas, je ne comprends pas pourquoi ça leur pose un problème de rejoindre notre réseau. Notre vision n’est pas communautariste : nous voulons simplement aider les personnes à avoir accès aux soins dont ils ont besoin ", explique Thomas.

En d’autres termes, ce réseau n’a pas été construit pour incriminer le monde médical, mais plutôt pour rassurer les patients et les aider à prendre soin d’eux. " Mais, en même temps, en tant que volontaire, ma motivation, c’est aussi la colère et l’indignation ", poursuit Thomas. " En 2022, dans notre société, des personnes galèrent à trouver des médecins avec qui ils se sentent à l’aise, avec qui ils osent parler de leurs problèmes de santé – parfois très graves. Tant qu’on reçoit des témoignages d’homophobie médicale, notre projet a du sens ! "

Mais ce réseau pourrait aussi être supprimé un jour. C’est en tout cas l’espoir d’Ex Aequo. " On vise un futur utopique où chacun pourra être soigné partout, avec la même qualité des soins, en fonction de ses vulnérabilités et de ses besoins spécifiques. Mais ce n’est pas le cas actuellement. Les demandes en sont la preuve : si les HSH s’estimaient suffisamment bien soignés, nous aurions lancé le réseau en vain et personne ne nous aurait contactés ces dix dernières années ", conclut Valentin.

D’autres réseaux existent

TTBM n’est pas le seul réseau disponible pour les personnes LGBTQIA +. L’association Go To Gyneco gère un réseau – notamment avec une liste de gynécologues – pour les FSF (femmes ayant des rapports sexuels avec d’autres femmes). Les personnes transgenres et intersexuées peuvent se tourner vers les contacts de l’association Genres Pluriels.

Par ailleurs, ces trois associations collaborent régulièrement ensemble, notamment pour organiser des formations auprès des professionnels de santé en activité, des étudiants en médecine générale ou des centres de planning familial.

* Une personne séropositive a été infectée par le VIH.

** LGBTQIA + pour Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersexe, Asexuel et le + pour ceux et celles qui ne se reconnaissent pas dans les orientations sexuelles et les identités de genre précédemment citées.

*** Une personne transgenre est une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au genre assigné à la naissance sur base de ses organes génitaux.

La Grande Forme – Le complément arc-en-ciel (A partir de 01 : 23 : 00)

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