Chroniques

Comité de concertation : la revanche (provisoire) du fédéral sur la Flandre

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Par Bertrand Henne

Le comité de concertation a donc décidé de renforcer les mesures pour tenter de contrôler l’épidémie de Covid. En résumé, la Flandre va désormais quasiment appliquer les mesures déjà en vigueur dans le sud du pays. Le fédéral fait un retour en force, et le gouvernement flamand se retrouve sur la touche. Deux visions de la Belgique s’opposent.

Machine arrière

Pour les francophones, pas grand-chose ne change. C’était surtout un Codeco pour la Flandre où le Covid safe ticket en restait à portion congrue et où le masque était largement tombé. Pour le nord du pays, il y a donc un goût de machine arrière. En soi, ça ne devrait pas nous surprendre. Plus de mesures pendant une vague, moins de mesures quand ça va mieux, cela semble assez logique.

Sauf que pour des raisons très politiques, le gouvernement flamand a fait de l’abandon des mesures un trophée. On a déjà expliqué ici comment la N-VA a tenté de traduire dans la gestion sanitaire, sa vision nationaliste. Celle d’une Flandre qui performe mieux quand elle prend les choses en main. Cela s’est traduit par des chiffres exceptionnels de vaccination. Celle d’une Flandre volontaire, performante, qui mérite plus de liberté mais qui à cause du fédéral traîne deux boulets, Bruxelles et la Wallonie, qui ont dû être responsabilisés et prendre des mesures plus dures sur leurs territoires.

Ce discours que la N-VA développe depuis sa création est plaqué à peu près sur tout : la sécurité sociale, le marché du travail, l’endettement public et donc la crise sanitaire. On ne peut lui reprocher cette cohérence. Elle a donc milité fortement pour que le fédéral prenne un socle de mesure minimale et que chaque Région soit responsabilisée face à ses taux de vaccination. La N-VA a tenté de pousser une certaine vision de l’organisation de l’État, de la primauté de la Région sur le fédéral dans cette crise, c’est assez logique c’est son ADN, sa raison d’être.

Bart De Wever a bien essayé de reporter la responsabilité de cet échec sur les francophones. Mais les chiffres de contaminations lui donnent tort, la hausse est particulièrement marquée au nord du pays.

Reprise en main

Le fédéral reprend donc la main, face à la dégradation de la situation. Ce qui n’aurait donc dû être qu’un ajustement sanitaire est un bras de fer politique. Le Codeco d’hier sonne comme une revanche pour Alexander de Croo ou Frank Vandenbroucke, c’est-à-dire pour des partis défendent une certaine primauté du niveau fédéral. Le président du VLD Egbert Lachaert la d’ailleurs dit clairement lors de son interview pour les 175 ans du parti libéral, dans un discours presque belgicain.

Leur revanche, De Croo et Vandenbroucke la doivent à la dégradation de la situation. Mais pas seulement. Avec un très haut taux de vaccinés au nord, la fédération Horeca en Flandre réclamait le Covid safe ticket. Pour une raison simple, ça rassure les clients. Et avec si peu de population non vaccinée, ils anticipent qu’ils gagneront plus de clients rassurés que ce qu’ils ne perdront de clients fâchés avec le CST.

Nous voilà revenus à des mesures presque harmonisées sur l’ensemble du pays et à l’activation d’une loi pandémie qui donne la primauté au fédéral pour trois mois. Jan Jambon, s’est dit satisfait, en insistant lourdement sur le fait qu’il avait réussi à obtenir que le CST ne s’applique pas autant que souhaité par Franck Vandenbroucke pour les événements. Mais personne n’est dupe. C’est bien une machine arrière pour le gouvernement flamand et en particulier la N-VA.

Reforme de l’Etat

A travers la gestion sanitaire se joue donc le débat sur la réforme de l’Etat en Flandre. Il est à peu près certain que pour la grande campagne de 2024 la manière dont les Régions et dont le fédéral ont agi durant cette crise va peser. Quel est le grand récit qui va s’imposer ? Celui de De Croo-Vandenbroucke qui martèlent que la Flandre qui a besoin plus qu’elle ne le pense d’un fédéral fort ? Ou celui de Bart de Wever qui prône que la Flandre est tirée vers le bas par le fédéral ?

C’est bien à cette lutte des grands récits que nous avons assisté ces dernières semaines. Et pas de conclusion hâtive, la revanche du fédéral n’est que provisoire, comme l’était la revanche de la Flandre durant l’été. L’histoire continue comme dirait l’autre.

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