Ce n’est pas seulement un album qui séduit, c’est tout un univers. Celui de Lapinot, créé par Lewis Trondheim il y a pratiquement trente ans, avec ''Lapinot et les Carottes de Patagonie''.
Cet album de 500 pages totalement improvisé avait été publié en 1992 par L’Association, une maison d’édition que Trondheim avait co-créée avec six autres auteurs ne se reconnaissant pas dans le modèle éditorial de l’époque. Aujourd’hui, Lapinot fait partie des classiques et son univers est à la fois immédiatement reconnaissable et impossible à définir. Selon les humeurs de son auteur, ce héros à la tête de lapin et aux oreilles démesurées vit des aventures urbaines, des westerns, évolue dans le monde contemporain ou l’Angleterre victorienne. En fait, seule l’imagination de l’auteur est aux commandes. La preuve ? Le personnage était mort en 2004. En 2017, son créateur l’a ressuscité, sans autre explication que de nommer la série ''Les Nouvelles Aventures de Lapinot'' et d’expliquer que son héros vivait désormais dans un monde parallèle où il n’était pas mort.
Ce qui caractérise ces aventures : d’abord, une galerie de personnages, bien qu’ils changent au fil du temps. Mais certains restent la colonne vertébrale de la série. Lapinot, bien sûr, mais aussi Richard, son plus vieil ami à la tête de chat, un peu soupe au lait et qui a l’air d’être resté coincé à l’adolescence. Mais ce qui rend Les Aventures – ou Les Nouvelles Aventures – de Lapinot si reconnaissables, c’est d’une part le dessin faussement naïf mais merveilleusement expressif de Lewis Trondheim, et de l’autre, ces dialogues incroyablement ciselés, mélange permanent d’humour désabusé et de philosophie. Le tome 7 des ''Nouvelles Aventures de Lapinot'' est en librairie et son titre s’appelle ''Midi à Quatorze Heures''. Une fois de plus, on le lit d’une traite, partagé entre rire et réflexion. Réflexion sur le monde de l’art, mais aussi et surtout sur l’amitié, la valeur des liens qui nous unissent aux personnes qu’on aime, réflexion sur l’amour et la possessivité, enfin. Un petit théâtre dont la légèreté apparente ne doit pas tromper. Car chez Trondheim, il y a toujours une leçon de choses derrière l’apparente désinvolture. Une dernière précision : si vous n’avez jamais lu Lapinot, vous pouvez entrer dans cet univers en prenant un album au hasard, dont ce ''Midi à Quatorze Heures'', mais il vous manquera l’une ou l’autre information pour en goûter toute la saveur. En réalité, plus on en lit… Plus on a envie d’en lire.
''Midi à Quatorze Heures, les Nouvelles Aventures de Lapinot'', tome 7 par Lewis Trondheim, aux éditions L’Association