On vous emmène dans les relations sentimentales des très jeunes adultes, aux États-Unis, mais rien de mièvre dans ce très beau roman graphique pourtant rehaussé de touches de rose cassant l’aspect parfois tranchant du noir et blanc. Il faut dire que le titre est explicite : ''Mes ruptures avec Laura Dean''. Il ne sera donc pas question d’innocentes amours adolescentes contemplatives. Mais bien de la dépendance que peut créer le déséquilibre dans un couple, quel qu’il soit.
C’est Frederica Riley qui raconte, Freddy pour les amis. Elle est au lycée, on ne sait pas quel âge elle a au juste, mais vu l’autonomie dont elle dispose et la physionomie des personnages, on peut penser qu’elle a dix-sept, dix-huit ans. Et Freddy est littéralement broyée par une relation toxique.
Est-ce un livre pour les adolescents, voire les jeunes adultes, ou pour la ''rock Generation'' ?
C’est un livre pour tout le monde. Parce qu’il est universel. Il traite de la difficulté de sortir d’une relation avec quelqu’un de totalement autocentré. Comment se défaire d’une attraction fatale, quand celle-ci a pour objet la personne la plus populaire et la plus sexy du lycée qui efface toute la peine qu’elle vous a faite en un seul regard ? À tout âge, on peut s’intéresser à cette question. Il faut dire que la scénariste canadienne Mariko Tamaki a pris le temps d’installer ses personnages et leur psychologie : on parle d’une histoire de plus de 300 pages. Et puis, si vous êtes parents, voilà le genre de roman graphique qui pourra aussi bien vous permettre d’entrer dans les tourments de vos enfants, dont la construction amoureuse peut s’avérer douloureuse et complexe. Enfin, et même si ce n’est absolument pas le sujet principal, Mariko Tamaki a choisi de raconter cette histoire de domination entre deux filles. En passant, grâce à l’universalité de son son sujet, elle banalise ces amours lesbiennes et contribuera peut-être à une plus grande ouverture d’esprit chez certains.
300 pages de ruptures et de réconciliations, n’est-ce pas un peu déprimant ?
Au contraire, c’est tout simplement passionnant. D’abord, grâce au dessin de Rosemary Valero-O’Connell qui marie tous les atouts de la palette graphique et joue avec la mise en page du format roman graphique. La narration est aérée, lisible. Ensuite, il y a la voix off, très justement posée. Freddy, l’héroïne, s’adresse dès le début à une chroniqueuse du courrier du cœur, ce qui débouchera sur un supplément de sens vers la fin du livre. Et puis, il y a tous les personnages secondaires, traités eux aussi dans leur rapport à l’héroïne. Avec cette question en filigrane : peut-on être aux autres quand on ne s’aime pas soi-même ? ''Mes ruptures avec Laura Dean'', un gros coup de cœur, vous l’aurez compris. C’est paru chez Rue de Sèvres.
''Mes ruptures avec Laura Dean'', par Mariko Tamaki et Rosemary Valero-O’Connell, Chez Rue de Sèvres.