Sur Classic 21, on connaît bien les grandes étendues américaines, la Route 66, et toute une mythologie qui touche à la fois à la musique et aux bikers. On part au fin fond de l’Oklahoma pour découvrir une autre Amérique.
En route pour le nord-ouest de l’Oklahoma, plus précisément ce qu’on appelle le manche de cet État dont une toute petite partie est coincée entre le Texas, au sud, le Colorado et le Kansas au Nord, et enfin le Nouveau-Mexique à l’ouest. C’est là que se situe l’action de Jours de sable, la fiction très documentée de la néerlandaise Aimée De Jongh. L’histoire se passe durant la Grande Dépression, ces dix années qui suivent le krach boursier de 1929. À New York, en pleine crise, donc, un jeune photographe se voit proposer un contrat inespéré. Il se fait embaucher par la FSA, l’Agence fédérale qui porte secours aux agriculteurs du pays et tente de sensibiliser l’Amérique à leur sort. Onze photographes, dont deux femmes, ont réellement été engagés dans les années 30 par cette agence pour réaliser de tels reportages. Certaines de leurs photos, présentées en tête de chapitres dans la BD, sont devenues iconiques, comme on dit.
''Jours de sable'' la chronique d’un reportage photo dans l’Amérique rurale des années 30 ?
C’est bien plus que ça. Jack, le photographe qu’a imaginé Aimée De Jongh, va partir à la découverte de ce qu’on appelle le Dust Bowl, le Bassin à poussière. Une vaste région où la crise a poussé les agriculteurs à tant appauvrir le sol qu’il s’est transformé en désert de poussière. Les conditions climatiques désastreuses ont fait le reste. Faute de pluie pendant plusieurs années consécutives, de véritables tempêtes poussiéreuses envahissent tout : les maisons autant que les poumons des habitants. Plus de 2 millions et demi de personnes quitteront le Dust Bowl pour échouer dans des camps, en Californie. C’est cette terrible réalité, cette pauvreté insoutenable que notre photographe doit rencontrer et capturer avec son objectif.
Un livre plutôt dur. S’il avait été purement historique, le roman graphique d’Aimée De Jongh aurait sans doute été très rude. La réalité n’y est pas édulcorée. Bien au contraire, même, car une infinité de petits détails témoignent de ce qu’a été la vie en ces lieux désolés dans les années trente : maisons calfeutrées en vain avec des journaux, nuit profonde survenant en plein jour, assiettes et bols retournés afin de les préserver de la poussière… Parallèlement, pourtant, la dessinatrice travaille sur les couleurs et la mise en page pour proposer un récit à la fois touchant, profondément humain et presque chatoyant. En jouant sur les nuances de jaune, d’orange, de marron et de gris, en estompant les arrière-plans dans la brume, elle parvient à donner vie à cette poussière liquide qui caractérisait les lieux à l’époque. Mais surtout, elle n’oublie pas de rendre ses personnages lumineux. Après 288 pages, on referme le livre ému, avec le sentiment d’avoir lu une page d’histoire sans nous en rendre compte. Un joli tour de force.
''Jours de Sable'' d’Aimée De Jongh chez Dargaud