Monde

Colombie: dissolution des services de renseignement

Le président colombien Juan Manuel Santos, le 11 octobre 2011 à Bogota

© Eitan Abramovich (AFP)

Par AFP

"Le DAS (département administratif de sécurité) a aujourd'hui 58 ans et nous allons le liquider. Je viens de signer le décret. Le pays connaît très bien les raisons qui nous ont amenés à prendre cette décision", a déclaré lundi soir le président Santos.

"Cette décision aurait dû être prise il y a 25 ans", a réagi le sénateur Juan Manuel Galan (Parti libéral), rapporteur de la loi de renseignement et contre-espionnage, prévoyant la création d'une autre agence, civile, dans les prochains mois.

"Tout au long de son histoire, le DAS a été utilisé comme un appareil de police politique et non pas comme un organisme de sécurité, voire comme une véritable organisation criminelle sous le gouvernement de (l'ex-président) Alvaro Uribe", accuse aussi le parlementaire Ivan Cepeda (Pôle démocratique alternatif, gauche).

Le DAS, comptant 5.500 fonctionnaires, a été mis en cause dans différents scandales sous la présidence d'Alvaro Uribe (2002-2010), dont il dépendait directement, mais aussi bien avant.

Un service de renseignements intoxiqué

Pendant les années 1980, a rappelé Juan Manuel Galan à l'AFP, il était infiltré par les trafiquants de drogue, en particulier ceux du cartel de Cali, qui "avait mis cet organisme de l'Etat à son service".

Plus tard, le DAS a été infiltré par les milices paramilitaires d'extrême droite, fondées pour combattre la guérilla et accusées aujourd'hui de dizaines de milliers de crimes.

Pendant cette période, certains de ses dirigeants n'ont pas hésité à partager des informations du service avec les milices, voire à les soutenir, au nom de la lutte contre la guérilla.

La Cour suprême a d'ailleurs condamné en septembre son ancien directeur Jorge Noguera (2002-2005), nommé par Alvaro Uribe, à 25 ans de réclusion pour son implication dans un homicide et sa complicité avec les milices des AUC (Autodéfenses unies de Colombie) qui ont déposé les armes entre 2003 et 2006.

Sous la présidence d'Alvaro Uribe, les basses oeuvres de ses fonctionnaires ont également visé des magistrats, y compris de la Cour suprême, des opposants et des journalistes critiques envers le pouvoir, qui ont écoutés, surveillés et par moments menacés, comme la reporter Claudia Julieta Duque, dont la fillette avait été menacée de mort.

Une chambre d'accusation du Congrès colombien enquête d'ailleurs depuis 2010 sur une éventuelle responsabilité dans cette affaire d'Alvaro Uribe, lequel dément toute implication.

Le DAS devrait être remplacé par une Agence nationale du renseignement qui dépendra toujours de la présidence.

Celle-ci, a précisé Juan Manuel Galan, devrait cependant être une agence "civile", se consacrant à "l'analyse stratégique" et contrôlée notamment par le Congrès.

Juan Manuel Santos a précisé lundi soir que les fonctionnaires dépendant du DAS et qui effectuaient d'autres tâches donnant à cet organisme un pouvoir très vaste - contrôle des flux migratoires, service de protection des personnalités, police judiciaire notamment - dépendraient désormais du ministère des Affaires étrangères, de l'Intérieur, du parquet ou d'autres entités.

"Au sein du DAS, il reste des personnes très dangereuses, liées au narcotrafic et aux ex-paramilitaires. Il va falloir les identifier ou elles continueront à agir au sein d'autres institutions où elles auront été redéployées", prévient cependant Juan Manuel Galan.

L'opposition (Pôle démocratique alternatif) a exprimé l'inquiétude que les affaires criminelles impliquant le DAS ne soient, à la faveur de ce changement, "enterrées".

AFP

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