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Christie Morreale, ministre sur tous les fronts

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Personnalité d’action, Christie Morreale (PS) est vice-présidente du gouvernement wallon, ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des Femmes. Elle revient, pour Les Grenades, sur son parcours et ses combats pour plus d’égalité.

C’est dans son cabinet à Jambes que nous retrouvons Christie Morreale, son bureau offre une vue assez spectaculaire sur la citadelle et la cathédrale de Namur. Ce jour-là, la ministre sort d’une conférence de presse sur l’accord non-marchand, une décision historique pour revaloriser le secteur du soin.

La politique sur les bancs de l’école

Christie Morreale est encore adolescente lorsqu’elle se découvre un intérêt pour la politique. "Un prof d’histoire nous donnait un cours sur le socialisme et le capitalisme à l’école et ça m’a passionnée. C’était comme une révélation. J’étais aussi investie dans les mouvements étudiants, mais je trouvais stérile d’être contre, je me suis demandé comment faire pour changer les choses…"


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Déléguée de classe, la jeune Christie Morreale écrit alors aux différents partis pour recevoir leur programme. "Pourtant, je n’avais personne en politique dans mon entourage. Mon papa est né en Sicile, il est arrivé ici quand il avait 6 ans. Pendant longtemps, il n’a pas eu le droit de vote. Il travaillait comme ouvrier à Cockerill."

Au moment de s’engager, elle hésite entre le PS et Ecolo. "L’environnement et les matières éthiques m’ont toujours intéressée. Je suis allée à une assemblée du PS dans ma commune, Laurette Onkelinx était oratrice, elle a pris la parole et ça m’a bouleversée." C’est auprès des jeunes socialistes qu’elle fait ses premiers pas. "J’étais la seule fille et je ne buvais pas de bière. Certains m’avaient dit cette phrase remplie de stéréotypes : 'si tu ne bois pas, tu ne réussiras jamais en politique.' Aujourd’hui, je peux dire qu’ils se sont trompés", sourit-elle.

Une femme dans un milieu d’hommes

La jeune femme devient présidente du Mouvement des jeunes socialistes. "J’avais le sentiment que quoiqu’il arrive ma place serait dans l’engagement politique. Mais bien entendu la politique, ce n’est pas un métier, ça dépend des gens qui vous font confiance et de la manière dont la formation a envie de croire en vous." Elle se lance dans des études en droit à l’ULG. "C’était très élitiste. Les profs disaient : 'Ah vous êtes le fils du procureur untel, de maitre un tel.'"

Son diplôme en poche, elle commence donc à travailler pour Laurette Onkelinx, sa mentor, et la vice-Première ministre d’alors. "En 2000, j’avais 23 ans, je me suis occupée du premier plan national de lutte contre les violences à l’égard des femmes. À ce moment-là, il y avait des circulaires qui disaient que les violences conjugales étaient un fait privé, qu’il ne fallait pas s’en mêler. On démarrait de pas grand-chose à l’époque. Aussi, on a nommé la problématique des violences génitales féminines pour la première fois."

Je suis allée à une assemblée du PS dans ma commune, Laurette Onkelinx était oratrice, elle a pris la parole et ça m’a bouleversée

À la même époque, elle co-rédige également le projet de loi visant à attribuer le logement familial à la personne conjointe victime d’actes de violence physique de son partenaire. "En plongeant dans le milieu des inégalités de genre et dans la domination masculine, forcément je me suis forgé une opinion et ça a renforcé mon combat. Je suis devenue une grande féministe, une égalitariste."

Femme et politique

Récapitulons son parcours : après une expérience au sein des cabinets, en 2003, elle a 26 ans et se fait remarquer par le président du PS Elio Di Rupo qui la choisit pour comme vice-présidente du parti. La volonté est alors de rajeunir le parti et de l'ouvrir davantage aux femmes. Ensuite, elle est élue, en 2006, comme échevine à Esneux, et le reste jusqu’en 2014. Sénatrice depuis 2011, elle est élue députée régionale en mai 2014 et réélue en mai 2019. Enfin, le 13 septembre 2019, elle prête serment comme ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des Femmes au gouvernement régional.

En tant que média féministe, il nous semble important de rappeler qu’il y a peu, le monde politique belge était un entre-soi majoritairement masculin. Comme l’indique l’institut pour l’égalité des femmes et des hommes, le recours à un système de quota sur les listes électorales présentées par les partis politiques a été considéré comme le moyen le plus efficace de rééquilibrer la participation des hommes et des femmes à la vie politique. En Belgique, la première loi sur les quotas en 1994 a imposé que les listes de candidats aux élections communales et provinciales soient composées de trois-quarts maximum de membres du même sexe. Dans les années suivantes, d'autres mesures ont été prises, instaurant progressivement la présence d'un nombre égal d'hommes et de femmes sur les listes de candidats. Depuis 2019, le gouvernement wallon doit être composé d’au moins un tiers d’hommes ou de femmes.

Que pense la ministre des quotas ? "À l’époque on disait : 'il faut des femmes ça tombe bien'. Moi je lai vu comme une opportunité. Je ne perçois pas la politique des quotas comme quelque chose de dévalorisant, bien au contraire, ça ma permis à moi comme à bien dautres femmes d’émerger et d’être visibilisées."

Une vision genre transversale

N’en déplaise à ses opposant·es, Christie Morreale est devenue l’une des grandes figures politiques francophones du pays. Elle explique qu’avoir un gros portefeuille de compétences lui permet de défendre une vision genrée dans chacune de ses matières. "Par exemple, quand je suis arrivée en fonction, j’ai proposé de modifier le contrat des aides familiales de statut d’ouvrière à employée." Christie Morreale explique avoir à cœur la défense de ces travailleuses souvent trop précaires. "Je viens de faire passer une mesure qui impose qu’on ne puisse pas engager une travailleuse dans le secteur des titres-services en dessous de 19h/semaine." Désormais, il existe aussi une liste rouge des client·es banni·es pour assurer la sécurité des employées, le harcèlement sexiste, moral et sexuel étant une réalité du secteur.

Le taux d’emploi des femmes reste inférieur au taux d’emploi des hommes. En 2020, en Wallonie, 60,7% des femmes en âge de travailler (20-64 ans) avaient un emploi contre 68,5 % des hommes. Selon la ministre, l’un des grands freins de la mise à lemploi est la garde des enfants. C’est pourquoi le plan de relance wallon propose notamment de "soutenir financièrement les demandeurs d’emploi accompagnés, chef.fes de famille monoparentale, dans les frais de garde d'enfants."

À noter, dans le cadre de sa Déclaration de politique régionale, le Gouvernement wallon a affirmé son engagement à lutter contre toutes formes de discrimination et à intégrer la dimension du genre dans l’ensemble des politiques régionales. Reste à observer la concrétisation de ces engagements sur le terrain...


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Au cœur de la crise sanitaire

Comme indiqué plus haut, cest en septembre 2019, que Christie Morreale a pris ses fonctions en tant que ministre de la Santé. Quelques mois plus tard, le Covid entrait dans nos vies. "Jai vécu à 200km/h, le temps était notre pire ennemi. Ça a été violent, brutal, c’était linconnu. On a plongé dans lenfer pour les autres. On a eu un sentiment dimpuissance."

Vivement critiquée pendant la crise, la ministre estime avoir pris les décisions pour agir le mieux et le plus vite possible. Récemment, le gouvernement wallon a décidé d’apporter un soutien aux acteurs et actrices de terrain. Une enveloppe de 260 millions d’euros à l’horizon 2024 a été dégagée pour revaloriser les métiers du secteur du non marchand "social et santé". Cet accord non-marchand concerne 62.753 équivalents temps plein (47.000 pour le secteur privé et 15.753 pour le secteur public).

"On crée des emplois stables et on revalorise les salaires, ce sont surtout des femmes qui travaillent dans ces secteurs. Cette crise est une opportunité de remettre la santé au cœur des priorités. Ces personnes ont apporté à la société plus que la société ne le leur a donné. La population les a applaudies et le message était vous les politiques, vous devez prendre vos responsabilités."

Ensemble pour mettre un terme au patriarcat

Les femmes prévoyantes socialistes ont réalisé en 2018, une analyse Femmes politiques et médias. On y apprend notamment que lorsque les médias traitent de questions politiques, le pourcentage de femmes diminue. Parmi les professions exercées par les personnes présentées dans les programmes d’information, la catégorie ‘gouvernement, responsables politiques, ministres, portes paroles’, compte seulement 18 % sont des femmes.

Comme le rappelle le magazine Agir par la culture, "C’est malheureusement toujours au travers de stéréotypes de genre bien ancrés que l’action d’un homme ou d’une femme politique sera jugée valable ou adéquate. Cette vision des identités genrées est un frein permanent pour les femmes politiques, qui risquent à tout moment de ne pas correspondre à l’image attendue."

La médiatisation (ou pas) des actions menées par les femmes politiques est un enjeu de société majeur. Selon la ministre, c’est l’ensemble des acteurs et actrices de la société qui font bouger les lignes pour mettre fin au patriarcat : les journalistes, les femmes de la société civile, les entrepreneuses, les femmes politiques… "Les médias sont le miroir de la société. On biaise le regard en ne montrant qu’une partie de la population. Mais les choses changent, les médias n’oseraient plus faire ce qu’ils faisaient il y a encore quelques années…"


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Lutter contre les violences faites aux femmes

Dans le dernier rapport de l’IWEPS, en Wallonie, près de 28.000 femmes ont déclaré avoir subi, au cours des 12 derniers mois, des violences physiques et/ou sexuelles. Les violences faites aux femmes restent un véritable fléau dans notre pays. La mise en place d’une Conférence Interministérielle sur les Droits des Femmes rassemblant les Cabinets des différents niveaux de pouvoir et le plan intra-francophone de lutte contre les violences faites aux femmes 2020-2024 sont de grandes avancées, cependant il y a encore du boulot !

"Les refuges et les maisons d’accueil en Wallonie ne sont pas en nombre suffisant et ne couvrent pas la totalité du territoire, surtout dans les zones rurales", indique le rapport du GREVIO (le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique). Les spécialistes notent néanmoins l’engament de la Wallonie dans un travail bienvenu de chiffrage des crédits consacrés à l’accueil et à l’hébergement des femmes victimes de violences. Sur la proposition de Christie Morreale, un budget total de 460.000 euros a été dégagé pour renforcer 7 structures d’accueil, engager du personnel complémentaire et créer 67 places d’accueil d’ici fin 2021, que ce soit en créant de nouvelles places ou en pérennisant des places d’accueil temporaires créées pendant la crise sanitaire. Des efforts reconnus par les associations de terrain.

"On remarque une meilleure prise en compte des recommandations de la convention d’Istanbul. La ministre n’hésite pas à venir dans les maisons d’accueil pour se rendre compte des réalités afin de mettre en place des politiques pour faire avancer les choses. Elle a mis en place des campagnes de sensibilisation et dégagé des moyens pour permettre à nos structures qui accueillent les femmes victimes de violences de mener à bien notre travail. Il y a également une volonté de professionnaliser les lignes d’écoute 24h et 7/7", commente Antoinette Corongiu, Directrice Générale du Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion. 

Si grâce à la Conférence interministérielle, la problématique des violences faites aux femmes est plus que jamais au cœur des enjeux politiques, le travail reste immense. "De manière générale et de manière récurrente, il n'y a pas assez de place en maisons d’accueil. La problématique des violences conjugales et intra-familiales a pris de plus en plus d’ampleur." La spécialiste pointe notamment du doigt les doubles violences dont sont victimes les femmes migrantes : les violences conjugales et intrafamiliales ainsi que les violences systémiques qui les rendent dépendantes de leur conjoint violent. "On espère que cette législature permettra enfin un alignement des mesures concertées à tous les niveaux de pouvoir. Ce n’est pas totalement gagné, mais c’est bien enclenché", confie avec optimisme Antoinette Corongiu.


L’invité de Matin Première : Christie Morreale sur la revalorisation du secteur non marchand

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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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