Visiter l’exposition de Christian Renonciat Le Grain des Choses revient à déguster en continu une madeleine de Proust, intention que Christian Renonciat revendique. Son sujet ? "La bibliothèque de sensations que chacun d’entre nous promène avec lui depuis sa petite enfance". Il s’explique : il met un point d’honneur à ce que ces sculptures ne représentent rien, ne racontent rien, même si elles prennent la forme d’"objets" qui nous sont familiers comme une couverture de laine. En l’absence de signification, l’œil qui regarde les œuvres devant lui se départit de sa fonction de "sens de l’esprit chargé d’analyser ce qui l’entoure" pour redevenir un sens du corps à part entière. Face à la sculpture, la sensation surgit. Non pas celle que provoque l’"objet" physique exposé mais celle de sa couverture propre, celle qui nous a accompagnée enfant. Adviens alors la réminiscence d’un toucher, tour à tour rugosité, douceur, chaleur ou fraîcheur selon chacun. Un peu comme un philtre d’amour qui aurait une odeur propre en fonction de celui qui le sent, celle de ce qui l’attire lui personnellement. Christian Renonciat s’adresse "à la maison d’enfance que nous portons tous en nous comme un escargot" selon les mots de Gaston Bachelard qui, dans la Poétique de l’espace, affirmait que "l’image de la maison est la topographie de notre être intime". Le fait que le sculpteur cite le philosophe français qui fut aussi poète, épistémologue, physicien et professeur de littérature française n’a rien d’un hasard, Christian Renonciat étant aussi à la croisée de plusieurs disciplines. Formé en philosophie à la Sorbonne au début des années 70, il a conservé de cet apprentissage initial "un modelage de la façon de penser". Il insiste : "la philosophie n’est pas tant un contenu qu’une forme rigoureuse". Dans cette optique, le passage de la philosophie à l’ébénisterie puis à la sculpture sur bois prend tout son sens. Dans sa discipline actuelle, Christian Renonciat modèle encore une fois, sa matière organique n’est plus cérébrale mais bois de tilleul, d’ayous, pin du parana… Des bois qui nous renvoient à notre intériorité, qui parlent à nos sens. Christian Renonciat a choisi le bois comme support car "il parle à notre corps, ou plutôt le corps se représente volontiers dans le bois, un matériau qui a la réputation d’être chaud alors qu’il ne l’est pas plus que le marbre mais qui a la caractéristique de nous renvoyer à notre chaleur".