Annie Cordy disparue, Vivien Vallay, qui a écrit pour Joe Dassin mais aussi C. Jérôme est le dernier à pouvoir parler de "Cho Ka Ka O" et de sa conception dont il se souvient parfaitement. "A l’époque, je travaillais beaucoup, j’avais deux emplois", raconte le parolier, une passion qui ne lui permet pas de subvenir aux besoins de sa famille et de ses quatre enfants.
"Un jour, je revenais de ma garde, comme j’étais veilleur de nuit. Il était 7 h du matin, j’étais chez moi. Et je prends mon petit-déjeuner, mon petit cacao."
Une boîte de cacao à 7 h du matin
Un cacao de la marque "Cho Kakao". La boîte, de couleur marron, il l’a gardée depuis cette époque et nous la montre. Dessus, on distingue un soleil et un baobab.
"Et on imagine la brousse. Et vous savez ce que c’est, quand on dort très peu, on n’est pas 'shooté' mais presque. Quand on est très très très fatigué, on est dans un état un peu second. Et j’ai alors imaginé que des guerriers partaient à la chasse aux lions en criant "Cho Kakao". La chanson est venue comme ça. J’ai présenté cela à Annie Cordy. La musique du refrain et les paroles du refrain, j’ai fait cela devant mon petit-déjeuner, en quinze minutes."
Cette chanson, ce n’est rien d’autre que de la bonne humeur
Quand Vivien Vallay l’écrit, il pense d’abord aux enfants. "Mes enfants à moi étaient petits à l’époque. Tout de suite, ils ont embrayé sur le truc quand je leur ai fait écouter la chanson."
La chanson est ensuite présentée à Annie Cordy, quelque temps plus tard. Elle est ravie. "Annie Cordy, j’avais déjà écrit une chanson pour elle qui s’appelait 'Vanini vanillée', l’histoire d’une danseuse de tamouré. Je travaillais avec son directeur artistique. Il m’a tout de suite dit : 'Cho Ka Ka O, c’est un immense tube'. Le grand bonheur que j’ai eu toute ma vie avec cette chanson, c’est que quand elle est jouée quelque part, quand je la joue encore, ça devient une foire, une ménagerie."
Annie, ajoute Vivien Vallay, "aimait réveiller les gens avec la bonne humeur. Cette chanson, ce n’est rien d’autre que de la bonne humeur."
L’auteur ne comprend pas la polémique actuelle. "Ce que je sais, c’est que quand je fais quelque chose, c’est toujours au premier degré. Il n’y a pas de calcul. C’est tellement simple. J’ai su par le passé que ma chanson avait été accusée de racisme, même de pédophilie. C’est incroyable !"
La musique de "Cho Ka Ka O" fait toutefois référence à l’Afrique, tout comme les paroles. Une appropriation culturelle que regrettent certaines associations. "C’était quelque chose de naturel parce qu’on voulait faire une chanson un peu exotique avec des mots percussifs comme bambou, toumba… pour donner de la gaieté, faire rebondir, sans penser plus à mal. On n’a pas le temps d’être méchant."
C’est tellement loin de ce que je suis
Vivien Vallay insiste : "Je suis marié depuis 1977, mon témoin de mariage était black. C’est mon ami. Mes deux meilleurs frères dans le métier, Arthur Apatout, le fondateur de la Compagnie Créole et Mike NDY sont noirs. J’ai beaucoup d’affinités avec les musiciens et chanteurs noirs depuis toujours. Me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien. Dans la musique, on est raciste pour les gens qui chantent faux ou qui jouent faux. C’est le seul racisme qu’on a, parce que pour nous, du moment que ça sonne… Tout cela est tellement bête !"
Son métier "dans la ruche humaine", dit Vivien Valley, c’est d’écrire "des chansons tristes, des chansons gaies, des chansons vraies".
Mais des chansons "pour les gens". Mais des chansons "vraies". "Quand on me connaît pas, on peut dire : tiens ce type-là est raciste ! Mais pffff… Cela ne me rend même pas triste parce que c’est tellement loin de ce que je suis et de ce que je fais naturellement."
Une polémique pour faire du buzz ? Celui qui fut proche d’Annie Cordy se pose la question. "C’est peut-être un métier de faire du buzz. De prêcher le faux pour savoir le vrai. Mais moi, je peux répondre à tout le monde avec la même franchise."
Vivien Vallay s’exprime rarement sur le sujet. Mais il n’ignore pas les polémiques suscitées par sa chanson. Récemment, sous un article Internet intitulé "La négrophobie insidieuse d’un clip d’Annie Cordy", il laisse un commentaire : "Cela me fait de la peine de penser que mes paroles, qui sont de la déconne de maternelle 'rikiki le petit kiwi' puissent être interprétées comme ça."
Je suis un énorme défenseur de NOTRE humanité
Le mouvement "Black Lives Matter" est international. Chez nous, il appelle à la fin des violences policières, du racisme systémique et à décolonisation de l’espace public.
"Je vais même aller plus loin", enchaîne Vivien Vallay qui comprend ces revendications. "Les gens ne se rendent pas compte que vous et moi, nous avons 350.000 grands-mères au moins en commun. On a retrouvé un de nos ancêtres hominidés qui a huit millions d’années. Pour remonter jusqu’à lui, il faut 350.000 femmes. On vient donc tous de la même tribu, du même coin et c’est pour tous les hommes pareil. Le racisme pour moi est tellement démodé, alors que mathématiquement, on peut prouver qu’on vient tous des mêmes grands-mères. Sauf qu’à l’époque, elles n’étaient pas noires, blanches ou jaunes mais velues. Je suis un énorme défenseur de NOTRE humanité."
Vivien Vallay et Annie Cordy ont travaillé avec le saxophoniste camerounais Manu Dibango, figure de la world music, décédé également l’an dernier. "Annie adorait Manu Dibango. Je peux vous dire qu’elle adorait Arthur Apatout. Elle, son truc, c’était de réveiller les gens. 'Cho Ka Ka O, c’était pour réveiller les gens le matin. On ne peut pas faire mieux à part peut-être avec 'Couleur café' (NDLR : de Serge Gainsbourg). 'Tata Yoyo', c’est une merveille de bonne humeur. Et des témoignages que j’ai de son entourage, Annie était une personne hyper clean."