Dépassée de longue date dans la production mondiale de puces électroniques et autres semi-conducteurs de pointe, l'Union européenne s'est lancée dans une course de rattrapage par rapport à l'Asie et aux États-Unis. La Commission a approuvé mardi un paquet législatif, le Chips Act, visant à lever jusqu'à 43 milliards d'euros de financements publics et privés.
Avec une part d'à peine 9% de la production mondiale de semi-conducteurs, l'Europe voit son industrie dépendre lourdement de ses fournisseurs étrangers (Taïwan, Corée du Sud en particulier), à une époque de forte pénurie attisée par les tensions géopolitiques avec la Chine et le grippage des chaînes d'approvisionnement dû à la pandémie. L'industrie automobile, en particulier, en a durement souffert.
Des puces de haut niveau sont indispensables pour le développement des voitures hautement automatisées, du "cloud", de l'internet des objets, de la connectivité (5G/6G), de l'espace et de la défense, des supercalculateurs, etc.
20% de la production mondiale d'ici à 2030
Or l'Europe, malgré des centres de recherche à la pointe - la Commission cite notamment le Centre interuniversitaire de micro-électronique (IMEC) de Louvain, qui travaille par exemple sur la future norme 6G de téléphonie mobile -, n'a actuellement que des capacités de production limitées aux puces dites historiques, a rappelé la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager.
L'exécutif Von der Leyen veut voir l'Union grimper à 20% de la production mondiale d'ici 2030, en mettant l'accent sur les puces à haut potentiel et les nouveaux matériaux, a exposé le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton. Étant donné que la demande devrait doubler d'ici la fin de la décennie, l'enjeu est de quadrupler la capacité actuelle de production.
Pour y parvenir, 11 milliards d'euros de subventions provenant des budgets de l'UE et des États membres seront injectés ou réorientés dans la recherche et le prototypage. Un fonds spécifique de 2 milliards d'euros soutiendra les jeunes entreprises. D'autres mécanismes, comme InvestEU, seront mobilisés.
Jusqu'à 30 milliards d'euros d'aides publiques
Sans changer ses règles sur les aides d'État, l'Union utilisera toute la flexibilité permise par les traités pour soutenir un secteur, a précisé Mme Vestager. La Commission propose ainsi d'autoriser jusqu'à 30 milliards d'euros d'aides publiques des États membres pour des "méga-usines".
Celles-ci prendraient deux formes: des "fonderies ouvertes" assureraient la conception et la fabrication de composants destinés principalement à d'autres acteurs industriels, tandis que des "installations de production intégrées" assureraient la conception et la fabrication de composants destinés au propre marché de l'usine.
Des subventions jusqu'à 100% d'un déficit de financement avéré seraient autorisées pour la première fois. Pour éviter toute distorsion de concurrence ou guerre des subsides entre États membres pour attirer ces méga-usines, ces aides ne seraient autorisées que si l'activité est pionnière en Europe, qu'elle améliore la sécurité d'approvisionnement de l'ensemble de l'Europe et bénéficie à l'ensemble de l'écosystème européen, ont détaillé Mme Vestager et M. Breton.