Avec ce documentaire de la réalisatrice camerounaise, Rosine Mbakam, on plonge pendant plus d'une heure dans le quotidien d'un salon de coiffure du quartier de Matongé. Un tout petit salon de coiffure, huit mètres carré exactement. Il se trouve au cœur de la galerie qui traverse le quartier africain. Les néons sont blafards et le skai des sièges date d'un autre âge mais chez "Jolie Coiffure", les clientes n'y font pas attention. Ce qu'elles viennent chercher ici, ce n'est pas seulement une coupe ou de nouvelles tresses. C'est aussi un conseil pour des papiers, un logement provisoire ou un billet pour le rapatriement au pays, d'un proche décédé.
Bien loin de l'exotisme de la musique ou des produits tropicaux
Sabine a ouvert son salon de coiffure il y a huit ans. C'est ici qu'elle était arrivée au terme d'un périple hasardeux qui l'avait mené du Cameroun au Liban puis en Europe en traversant la Turquie et la Grèce. Une installation clandestine puisque Sabine n'a pas de papiers. Ce qui ne l’empêche pas de coiffer douze heures par jour, de payer son logement et d'envoyer un peu d'argent au pays, quand la famille se fait insistante. Une histoire qui ressemble à beaucoup d'autres et que Sabine raconte avec humour (souvent) et gravité (parfois). La débrouille, elle connait et les meilleures tuyaux, elle les refile volontiers à ses copines qui sont aussi en même temps ses clientes et sa famille de substitution.
Je voulais filmer derrière les visages ou les images d'un quartier
"Je voulais filmer derrière les visages ou les images d'un quartier que les touristes viennent photographier", explique Rosine Mbakam. Elle a découvert un monde parallèle, où il suffit de demander et où la solidarité n'est pas un vain mot. Chez Jolie Coiffure, il règne la même chaleur que "Chez Jeanne", que chantait Brassens : "On est n'importe qui, on vient n'importe quand, et, comme par miracle, par enchantement, on fait partie de la famille". Sabine et ses amies se prennent en charge, elles s'organisent et ne demandent rien à personne, ajoute la réalisatrice, elles doivent juste rester invisibles car sans papiers.
Mais cette discrétion n'a pas mis Sabine à l'abri des ennuis. Car dans la galerie, les contrôles policiers sont fréquents. D'ailleurs, peu après le tournage, la coiffeuse avait choisi d'ouvrir un autre salon de coiffure, loin de Matonge. Elle s'était posée à Liège. Il y a quelque semaines, Sabine recevait pourtant un ordre de quitter le territoire. Après huit ans en Belgique, elle n'a toujours aucun titre de séjour.