Dans le PODCAST "Déclic – Le Tournant" de cette semaine, on évoque l’avenir du chauffage. A l’heure où l’énergie coûte de plus en plus cher et surtout avec l’impératif d’atteindre la neutralité carbone en 2050… il va falloir revoir la façon dont nous nous chauffons : Remplacer les ressources fossiles par des ressources renouvelables, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et des chaudières… et, comme tout cela ne suffira pas, repenser la manière dont on utilise le chauffage.
C’est précisément ce sur quoi travaille, depuis plus de deux ans maintenant, le projet SlowHeat. Il s’agit d’une co-recherche qui rassemble des chercheurs universitaires et des citoyens. L’idée : explorer des façons innovantes de se chauffer, + sobres, + centrées sur l’humain… chauffer les corps plutôt que les espaces.
Un sous-main chauffant pour télétravailler
L’une des chevilles ouvrières du projet s’appelle Geoffrey Van Moeseke. Il est professeur en physique du bâtiment à l’UCLouvain et il teste le dispositif SlowHeat chez lui, depuis deux hivers.
Lorsque nous nous sommes rendus à son domicile, le thermostat indiquait juste 15°, mais lui s’en accommodait très bien : ""On peut bien vivre à 15° moyennant quelques dispositifs complémentaires : d’abord s’habiller chaudement, mettre des sous-vêtements thermiques, un gros pull, une polaire, des chaussons rembourrés…"
Par ailleurs, la maison a été équipée de dispositifs de chaleur très localisés : un sous-main chauffant (quand il s’agit de travailler longuement à l’ordinateur afin d’éviter que les doigts s’engourdissent), un radiant pivotant pour apporter un complément de chaleur dans le salon… Il existe aussi des capes ou des gilets chauffants qui apportent vraiment directement la chaleur sur le corps.
Pour les promoteurs du SlowHeating, il est absurde de chauffer toute une maison à 20° de manière indifférenciée. C’est ce qu’explique l’un des penseurs du projet, Grégoire Wallenborn, philosophe et physicien, chercheur à l’IGEAT (ULB) : "En fait, le 20° partout en tout temps, n’a pas vraiment de sens… c’est même mauvais pour la santé, ça commence à être bien documenté, maintenant ! Cette homogénéisation de la température demande des sommes considérables et envoie des milliers de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. C’est absurde !".
"Le plaisir vient des contrastes"
Du coup, Gregoire Wallenborn remet complètement en question l’idée qu’il y aurait une "température de confort" autour de 20°. Pour lui, il y a là une forme de construction sociale alors qu’en réalité, "il n’y a pas de bonne norme de chauffage. Au début du 20ème siècle, les manuels de la bonne ménagère disaient que les températures de confort dans le séjour c’était 14 – 15° et dans les chambres, c’était 12°".
Ces indications datent d'il y a 100 ans. Nos corps n’ont-ils pas changé depuis lors ? "Oui, peut-être en partie, mais ils se réadaptent très vite. Il y a des tas d’expériences qui montrent que quand on place des personnes dans des chambres plus fraiche (16° au lieu de 20° par exemple), les corps s’habituent en une dizaine de jours…"
Le SlowHeating entend donc refaire du chauffage une pratique. Pas juste un bouton qu’on allume au début de l’hiver puis qu’on éteint au printemps. D’autant, dit encore Grégoire Wallenborn, "que le plaisir vient des contrastes ! Vous aurez d’autant plus de plaisir à avoir chaud si vous avez eu un peu froid. Ressentir ces contrastes, c’est aussi se sentir plus vivant… et plus en correspondance avec les saisons, avec les éléments naturels."
L’idée de ce projet de recherche-action bouscule, forcément ! Son objectif n’est pas de nous ramener à l’âge de pierre… mais d’expérimenter, de penser différemment notre rapport aux ressources dans un monde où l’énergie ne sera plus aussi abondante qu’elle ne l’a été ces dernières décennies. Et en cela, il alimente utilement le débat.
Si vous voulez aller plus loin sur cet enjeu en comprendre la philosophie mais aussi la mise en œuvre très pratique, prenez le temps d’écouter les 50 minutes de cet épisode du Tournant.